ÉTHIQUE

Samson sans sa chevelure

Les adversaires du PQ poursuivent le même objectif: forcer PKP à céder ses médias

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La politique-poubelle des Libéraux et des Caquistes (suite)

Mardi, la Commission des institutions a entendu le commissaire à l’éthique et à la déontologie des membres de l’Assemblée nationale, Jacques Saint-Laurent, au sujet de son rapport qui porte sur la mise en oeuvre du code d’éthique des députés. Trois de ces 23 recommandations seulement touchaient Pierre Karl Péladeau, mais c’est sa situation qui a monopolisé les échanges. C’est une autre indication que ses adversaires libéraux, caquistes et solidaires sont sur son cas et qu’ils ne lâcheront pas le morceau.
Le brave député de LaFontaine, Marc Tanguay, celui que Philippe Couillard a déjà qualifié d’« intellectuellement compétent », a bien tenté par ces questions longues et tarabiscotées, ces circonvolutions qui tenaient d’une forme d’onanisme oratoire, d’en faire dire davantage au commissaire à l’éthique que ce que son rapport contenait. Peine perdue : imperturbable, Jacques Saint-Laurent, nullement impressionné par la logorrhée de l’élu libéral, s’en est tenu aux seuls constats qu’il a formulés dans son rapport.

La recommandation qui vise le plus directement Pierre Karl Péladeau, c’est la toute dernière, celle qui parle des « situations exceptionnelles ». Au moment de l’adoption du code d’éthique des députés en 2010, « les élus n’avaient pas anticipé la possibilité qu’un membre de l’Assemblée nationale, qui n’est pas membre du Conseil exécutif, détienne des intérêts dont l’importance et la nature soient telles qu’ils le mettent constamment à risque de se retrouver en situation de conflit d’intérêts ou de faire l’objet d’une allégation à cet égard. Sans un cadre approprié, les doutes que soulève une telle situation ne sont pas à même de contribuer à maintenir la confiance de la population envers les élus. De plus, les interrogations à l’égard de ces situations ont parfois fait l’objet de débats politiques, ce que visait notamment à éviter le législateur […] », écrit-il dans son rapport.

Comme il n’est pas ministre, le député de Saint-Jérôme n’est pas tenu de mettre ses actions de contrôle de Québecor dans une fiducie sans droit de regard, ce qu’il s’est toutefois engagé à faire. Or, Jacques Saint-Laurent recommande que les élus modifient le code d’éthique afin de préciser les règles et les pouvoirs du commissaire à l’égard de ces situations exceptionnelles.

Les règles des fiducies

Le commissaire recommande en outre que les députés précisent les règles des fiducies sans droit de regard : est-ce qu’un élu peut donner des instructions de ne pas vendre ses biens, comme le veut Pierre Karl Péladeau ? Au grand dam du chef péquiste, le jurisconsulte de l’Assemblée nationale, Claude Bisson, a statué, dans un avis fourni au leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, que l’élu ne pouvait donner de telles instructions. Mais les avis des juristes à cet égard sont partagés : il n’est pas rare que dans une convention signée avec un fiduciaire, il lui est ordonné de ne pas vendre certains biens, comme la maison ancestrale de la famille, donne en exemple le directeur général de l’Institut sur la gouvernance, Michel Nadeau.

Enfin, une troisième recommandation du commissaire vise le chef péquiste, mais pas seulement lui. Il suggère que l’article 25 du code d’éthique soit modifié afin de protéger le droit de parole d’élus qui ont « un intérêt personnel et financier » dans un sujet qui est discuté à l’Assemblée nationale. Selon cet article, un élu qui a un tel intérêt doit le déclarer et se retirer de la séance sans prendre part aux débats parlementaires. Le commissaire voudrait qu’il puisse participer à la discussion sans toutefois exercer son droit de vote. Il « devrait pouvoir, vu son expertise sur la question dont il s’agit, bénéficier du droit de s’exprimer, au même titre que ses collègues. De plus, ce député représente la population de sa circonscription. Il a l’obligation de donner une voix aux citoyens qu’il représente […] », écrit le commissaire.

Première étape

Pour les libéraux, les caquistes et les solidaires, cette audition de Jacques Saint-Laurent à la Commission des institutions, qui sera suivie, mardi, par la comparution du jurisconsulte, n’est qu’une première étape. En août, le Centre d’études sur les médias de l’Université Laval doit dévoiler son analyse de la situation inédite du chef de l’opposition officielle-baron médiatique. À l’automne, la commission parlementaire devrait convoquer d’autres groupes intéressés comme la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et le Conseil de presse du Québec.

Le but des adversaires du PQ, c’est de forcer Pierre Karl Péladeau à choisir entre son contrôle de Québecor et la vie politique. Point à la ligne. Ils promettent de revenir inlassablement à la charge.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, propose que Pierre Karl Péladeau vende ses intérêts dans les médias — le Groupe TVA, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec — pour ne conserver que Vidéotron — la câblodistribution et la téléphonie —, qui représente 85 % du chiffre d’affaires de l’empire. Michel Nadeau estime que Québecor pourrait vendre ses journaux à TVA et réduire sa participation actuelle de 51 % dans ce groupe à 31 % grâce à une émission d’actions. Ainsi, Pierre Karl Péladeau ne contrôlerait plus des entreprises qui comptent pour 40 % de la production médiatique au Québec. Mais le chef péquiste a rejeté d’emblée cet arrangement.

L’enjeu

L’objectif des libéraux, c’est de faire en sorte que la question du contrôle de médias par un chef de parti devienne un enjeu de société. Il faut que la situation de Pierre Karl Péladeau sorte « de la sphère partisane », souligne-t-on dans l’entourage du premier ministre, un objectif de communication que les libéraux n’ont pas encore atteint.

Ils comptent bien recourir à l’article 25, qu’ils interprètent de façon très large. Mardi, Pierre Karl Péladeau a amorcé la période de questions à l’Assemblée nationale en demandant au gouvernement d’adopter des mesures pour protéger les sièges sociaux. Or, l’actionnaire de contrôle a un intérêt distinct relativement à cette question, Québecor faisant partie de ces sièges sociaux qu’il faut protéger, dont les offres publiques d’achat (OPA) hostiles. Jean-Marc Fournier a failli se lever en chambre pour dénoncer le conflit d’intérêts présumé dans lequel est empêtré le chef péquiste. « L’article 25, il va en manger pour déjeuner », promet-on. Des plaintes seront déposées devant le commissaire à l’éthique.

En outre, les libéraux scrutent à la loupe la couverture des médias de Québecor. Ils dénonceront les reportages qui leur semblent partiaux à leur endroit, comme ils l’ont fait avec les articles reliant Philippe Couillard, la firme Amorfix et le financier Hans Peter Black. Le ministre Pierre Moreau a même critiqué le travail des correspondants parlementaires de Québecor, en affirmant qu’il avait « une petite liste » de leurs écarts. Il ne le refera plus, assura-t-on : les journalistes de la Tribune de la presse seront épargnés, mais pas ceux des salles de rédaction. « Ça rend la situation parfaitement insupportable pour tous les journalistes qui travaillent chez Québecor », reconnaît-on.

Soupçons

Point besoin de détenir une preuve béton de l’intervention de Pierre Karl Péladeau ; de simples soupçons suffisent. « Ma job, c’est juste de générer le doute. Je n’ai pas besoin de faire plus que ça. Le fait qu’il ne soit pas capable de me faire la démonstration du contraire, je gagne », indique-t-on dans l’entourage du premier ministre.

Le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir montre que 52 % des Québécois sont plutôt indifférents à la situation du chef péquiste propriétaire de Québecor, alors que 41 % se disent inquiets. Tant au PLQ qu’à la CAQ, on croit que l’opinion publique changera. Le PQ risque même un schisme au sein de son électorat : une partie des souverainistes pourrait craindre « un risque de berlusconisation », avance-t-on.

Pierre Karl Péladeau sans ses médias, c’est comme Samson sans sa chevelure. « S’il était forcé de se débarrasser de ses médias, il perdrait beaucoup de son aura. Le chef Péladeau, pour rayonner, a besoin de Québecor », résume-t-on. Dans leur croisade, les libéraux s’appuient certes sur des principes et des valeurs démocratiques. Mais ces grands principes font bon ménage avec des considérations partisanes.


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