Québec-Canada : un faux rapport de forces

Se définir par soi-même, et non par antagonisme face à l’autre…

Tribune libre


Dans son article paru le 4 décembre 2013 dans le Huffington Post Québec, l’historien et président du MNQ Gilles Laporte remonte aux origines de l’identité canadienne et démontre comment le conquérant Anglais a confisqué cette identité en s’appropriant ses symboles.
Un peu d'histoire donc, pour comprendre l'ambiguïté dans l'attachement de certains québécois à l'identité ''canadienne''. Cette identité d'origine des habitants de Nouvelle-France leur fut confisquée ; en particulier on leur prit tous leurs symboles attenant à une nation (castor,feuille d’érable, nom du pays, hymne) en les rebaptisant simplement ''canadian''.
Depuis lors, l’identité a été détournée de son sens et de sa substance puisque les gagnants de la Conquête, les ''British'', n'avaient jamais incarné cette identité. Ils n'ont fait que s'emparer des symboles d’une autre nation, dont le nom Canada et l’hymne national ‘’Ô Canada’’ originellement composé par et pour les canadiens français, dans le but avoué d'assimiler, voire même d'anéantir ce peuple ‘’d’une race qui ne sait pas mourir'' –Maria Chapdeleine, de Louis Hémon.
Si les Canadiens-Français n’ont jamais cessé d’être et d’exister malgré ce dépouillement de leurs symboles, ils n’en ont pas moins été forcés de se renommer et de se redéfinir comme Québécois pour préserver cette identité enracinée depuis trois siècles, comme l’explique si bien Gilles Laporte. Une telle cassure n’est pas sans conséquence, d’où cette envahissante dualité qui mine l’aspiration naturelle à devenir un État national véritablement maître de sa propre destinée. N’en reste pas moins que d’être toujours là bien vivants après tant d’adversité témoigne d’une force réelle et vibrante unique du peuple québécois.
Si le Québec forme aujourd'hui une nation bien vibrante justement (qui a su résonner à son identité jusqu’à sa modernité), rien n'est moins sûr pour le Canada anglais, qui peine encore à se définir. On peut facilement le constater à voir Stephen Harper ressortir et mousser des symboles monarchiques désuets (la reine d'Angleterre et la famille royale) et la vieille culture militaire britannique (propagande sur la guerre de 1812).
En vain, puisqu'une identité n'est pas qu’une fabrication de l'esprit, ni un concept intellectuel, ni un voeu pieu. C'est une expérience qui s'incarne au fil d'une évolution, telle que vécue par le peuple québécois à travers sa culture, sa créativité, ses réalisations, sa force et son courage malgré les embûches.
Malheureusement pour le Canada anglais, il a été si occupé à taxer le Québec de petit peuple raciste, xénophobe et mange-minorités (on a qu'à lire la presse anglophone ''coast to coast'' quotidiennement pour le constater) qu'il n’a pas su voir son propre reflet et la projection qu'il fait de lui-même sur nous. Car chercher à dominer l'autre en le méprisant et en le dénigrant n'est en fait qu'un aveu de sa propre difficulté à être et exister par soi-même dans sa propre autorité. Autrement dit, il reflète sa propre impuissance à s'appartenir en soi et a besoin de rabaisser l'autre pour se convaincre de sa propre valeur.
Malgré ce que l'on pourrait croire, l'identité ne naît pas de l’altérité, ni d'un rapport de force avec l'autre. Elle est le fruit de la compréhension profonde de soi, l’étude de son propre pouvoir d’action sur sa vie, sans se mentir, pour s’assumer d’abord face à soi-même, ensuite à la face du monde. C’est un processus qui exige beaucoup de force de caractère et d’humilité, qualités que nos ancêtres les Canadiens-Français ont dû cultiver à force de devoir trimer dur pour subsister en se mesurant constamment aux forces de la nature à défricher les terres sauvages au climat hostile de ce pays.
Dans cet esprit donc, la volonté indépendantiste du Québec n’en est pas une de domination sur l’autre, mais bien d’affranchissement de l’autre pour se tenir debout par soi-même afin de mener à bien son propre destin. Le Québec indépendant ne sera pas contre le Canada, il sera, point à la ligne. Sans rapport de force identitaire. Tenter de discréditer et de diaboliser cette volonté, c’est ne pas reconnaître la noblesse du désir de liberté parce que trop confrontant à sa propre intégrité intérieure. Mais fuir le réel finit toujours par rattraper au détour…


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4 commentaires

  • André Lefebvre Répondre

    25 juillet 2014

    "Si les Canadiens-Français n’ont jamais cessé d’être et d’exister malgré ce dépouillement de leurs symboles,..."
    Ils ne furent pas seulement dépouillés de leurs symboles; ils le furent beaucoup plus de leur ...histoire qui fut effacée et réinventée par les Français, les Anglais et les Américains, le tout accepté par les autorités et le clergé canadien-français.
    Tellement qu'il est encore aujourd'hui, difficile de diffuser notre véritable histoire.
    "En vain, puisqu’une identité n’est pas qu’une fabrication de l’esprit, ni un concept intellectuel, ni un voeu pieu. C’est une expérience qui s’incarne au fil d’une évolution, telle que vécue par le peuple québécois à travers sa culture, sa créativité, ses réalisations, sa force et son courage malgré les embûches."
    Et c'est cette expérience cachée qui fut notre "apprentissage" dont les aptitudes actuelles, que l'on retrouve chez nous, ne peuvent pas être issu de "l'apprentissage" selon l'histoire officielle. Celui-ci ne sert qu'à cacher notre identité réelle.
    Un simple exemple: le nom de "porteurs d'eau" qui nous fut souvent donné et qui ne nous révolte pas outre mesure parce que nous ne nous souvenons plus ce qu'étaient les "porteurs d'eau" de l'époque.
    La lecture d'anciens écrits nous renseigne en disant que des enfants guidaient chacun un chien attelé à un baril sur roue, pour aller chercher l'eau à la rivière. Donc, un "porteur d'eau" n'était pas seulement un "serviteur soumis".
    André Lefebvre

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juillet 2014

    Bonjour Julie
    Je dirais tout simplement. Vibrant.
    stéphane côté

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juillet 2014

    Signe des temps ou retour à la normale canadienne.
    100 meilleures chansons canadiennes : pourquoi Vigneault et Leclerc n’y sont pas
    http://blogues.radio-canada.ca/lafiliererezzonico/2014/07/24/100-meilleures-chansons-canadiennes-pourquoi-vigneault-et-leclerc-ny-sont-pas/
    Faut croire que le Canada sous l'influence monarchique de Harper peut maintenant se passer de nous.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juillet 2014

    Bravo Mme. Ducharme. Un texte clair s'il en est. C'est vrai qu'il est toujours difficile de comprendre que des Québécois, souvent très instruits, militent pour garder le Québec sous la tutelle d'Ottawa. Vous abordez le sujet avec aplomb.
    Dans Vigile, nous avons soif de lire de tels textes. Le voeu (peut-être pieux) que je formulerais serait que de tels écrits éclairants soient suivis de gestes tout aussi éclairants.
    Ivan Parent