Satisfaits, les Québécois?

17. Actualité archives 2007



Les trois quart des Québécois, s'il faut en croire un récent sondage SOM, sont satisfaits des soins de santé qu'ils ont reçus. Nul doute que c'est un argument que nous ressortiront les libéraux aux prochaines élections, pour masquer le fait que rien de fondamental n'a changé sous leur règne, quoiqu'ils se fussent engagés à être jugés sur leur bilan en santé.
Pourquoi tant de gens se disent-ils satisfaits des services de santé, alors que presque tout le monde s'en plaint dans la vie courante? Le paradoxe n'est qu'apparent. En effet, on a demandé aux gens s'ils étaient satisfaits des services qu'ils avaient reçus. La nuance est capitale, car il est de commune renommée qu'une fois entrés dans le système, les Québécois sont en général très bien soignés.
C'est en amont que le problème se pose, avant la prise en charge par les professionnels de la santé.
Le problème, il est non pas dans la qualité, mais dans l'accessibilité. Dans le fait que le tiers des Québécois n'ont pas de médecin de famille condition essentielle pour la prévention et le dépistage précoce des maladies. Dans le fait qu'on attend beaucoup trop longtemps pour les tests de diagnostic, et beaucoup trop longtemps pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste.
On est vite pris en charge dans les cas très graves (un cancer diagnostiqué, une "crise cardiaque"), mais la plupart des maladies sont sournoises et leurs symptômes, moins foudroyants qu'une bosse suspecte sur le sein ou un accident cardio-vasculaire. Combien de gens vivent sans le savoir avec un diabète de type II?
Je connais plusieurs Montréalais tous des gens instruits, bien branchés qui sont incapables de trouver un médecin de famille, malgré des efforts répétés. Ils n'en trouvent pas parce que le Québec n'a pas formé assez de médecins, parce que les vieux médecins prennent leur retraite, souvent la mort dans l'âme à l'idée d'abandonner leurs patients, et parce que l'agenda des médecins pratiquants est rempli à craquer.
Que font ces orphelins de la médecine? Ils vont dans des cliniques sans rendez-vous, où un médecin jamais le même les verra deux minutes pour un bobo ponctuel, sans rien connaître de leurs antécédents ni de leur condition générale. Ou ils sortent leur carte de crédit et vont chez les rares médecins qui ne relèvent pas de la RAMQ. Ou ils attendent d'avoir de gros symptômes et ils aboutiront aux urgences.
L'accessibilité? Parlez-en au mari d'une de mes amies. On a décelé du sang dans ses urines. Son médecin (lui au moins, il en a un!) recommande une échographie. Très bien. Mais le premier rendez-vous qu'il peut obtenir à l'hôpital est en octobre 2007! Qu'a-t-il fait? Il a sorti sa carte de crédit et est allé dans le privé. Rendez-vous le lendemain, résultat le surlendemain. Le problème était bénin, mais cela aurait pu être grave auquel cas le traitement aurait commencé avec plus d'un an de retard!
Les dernières statistiques le disent. Le Québec est au dernier rang des provinces pour ce qui est de l'accès à un médecin de famille. Partout ailleurs, même à Terre-Neuve, moins de 15% des habitants ne sont pas suivis par un médecin. Au Québec, c'est deux fois plus et c'est à Montréal que la situation est le plus critique: 32,4% des Montréalais n'ont pas de médecin de famille, comparativement à 9,4% des Torontois et 13,9% des Vancouverois (notons en outre que Vancouver a une population plus jeune et plus en santé).
Les seuls endroits où il est plus difficile qu'à Montréal de trouver un médecin sont le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, Nunavut et certains coins du Labrador! Et la situation s'est aggravée depuis 2001
Pourquoi cela? Parce que nos gouvernements ont sabré les admissions dans les facultés de médecine, tout en multipliant les mesures susceptibles de décourager les jeunes médecins d'établir leur pratique à Montréal. Ces mesures d'économie à courte vue ont maintenant pour résultat d'accroître indûment les dépenses en santé, à mesure que des malades dont personne ne s'est occupé aboutissent dans des lits d'hôpitaux. Intelligent, n'est-ce pas?
Tenez, je viens de recevoir un courriel d'une amie française qui me dit que son village (3000 habitants) compte cinq médecins traitants et deux cabinets d'infirmière. Oui madame. C'est ainsi que cela se passe dans les pays qui ont compris que le médecin de famille est à la base de la santé d'une population.


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