Comparution de Jacques Duchesneau

Saisir l'occasion

Carpe diem, du chinois pour charest et fournier...



Il faut être de bien mauvaise foi pour ne pas comprendre l'ampleur des révélations faites toute la journée de mardi par le chef de l'Unité anticollusion Jacques Duchesneau. Ses propos ont été précis (combien de firmes se livrent au stratagème des élections clés en main? une dizaine), imagés (des valises pleines d'argent à blanchir qui circulent le vendredi au centre-ville), pédagogiques (fabuleux organigramme d'entreprises déployé pour nous montrer qu'il n'est pas facile d'en trouver le véritable propriétaire)...
M. Duchesneau, au terme de sa comparution, l'a qualifiée de «prise de conscience collective». À dire vrai, ce sont les médias qui ont d'abord parti le bal, et ont fait jouer la musique sans relâche depuis des mois. Mais les médias n'ont pas, en ces matières, l'autorité d'un ancien chef de police, et M. Duchesneau sait en imposer. Impossible, après avoir lu son rapport et l'avoir entendu pendant cinq heures, de ne pas conclure qu'il faut attaquer le problème de front, ouvertement, par une commission d'enquête dont les modalités doivent être définies, mais dont l'essence doit être publique.
Le premier ministre Charest, et ses ministres dans la foulée, tentent d'échapper à cet implacable constat, comme on l'a entendu hier à l'Assemblée nationale. Le gouvernement s'est même trouvé un nouveau mantra: trois principes qui vont guider sa réflexion sur la suite à donner aux propositions de M. Duchesneau. Le problème, c'est que ces principes l'enferment dans une logique d'intervention judiciaire, pour ne pas dire criminelle, alors que les explications données par le chef de l'UAC couvrent beaucoup plus large, et sont plus subtiles.
Par exemple, il est vrai que M. Duchesneau a affirmé mardi que l'implication des politiciens dans l'octroi des contrats se voit au niveau municipal — explication qui a eu l'heur de plaire dans le camp libéral, qui s'en est allègrement servi. Sauf que M. Duchesneau a aussi précisé qu'au provincial, son équipe n'avait «pas vu de lien direct» entre l'octroi de contrats et les politiciens. La nuance est importante. Les liens indirects sont possibles: ce n'est pas du ressort de la police, mais peut relever de la bonne gestion des fonds publics.
Le gouvernement, en fait, a choisi de découper le témoignage et le rapport du chef de l'UAC en petits morceaux, ne retenant que ce qui lui convient. Ne voit-il donc pas toutes les bouées de sauvetage que M. Duchesneau, fort habilement, lui lance? Hier, en entrevue, celui-ci se disait ainsi convaincu de la volonté d'agir du premier ministre, prêt aussi à donner «la chance au coureur» au nouveau ministre des Transports, Pierre Moreau. Mais il maintient aussi la nécessité d'une enquête, et la population est entièrement derrière lui. Fort de son analyse, le gouvernement pourrait donc encore agir sans (trop) perdre la face. Une telle occasion ne se présentera plus beaucoup.
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jboileau@ledevoir.com


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