Le « modus operandi » des spoliateurs (9)

Sabia vend la mèche

Power s’apprête à faire main basse sur le Québec avec l’argent de nos retraites

Chronique de Richard Le Hir

Sur le coup, je n’en croyais pas mes yeux. Lundi, le Journal de Montréal faisait sa page couverture avec une photo pleine page de Michael Sabia, le PDG de la Caisse de dépôts, qui se déclarait « séduit par les idées de François Legault ».

C’est Jean Charest qui a dû la trouver saumâtre ! Imaginez, le gars qu’il a nommé président de la Caisse flirte ouvertement avec son concurrent sous son nez, en se comportant comme si lui, Charest, n’était plus son patron (en supposant qu’il l’ait été un jour), ou comptait désormais si peu qu’il pouvait ouvertement se permettre de l’ignorer ou de le défier.

Je ne sais pas si M. Sabia savait ce qu’il faisait, mais un homme qu’on dit si intelligent ne pouvait pas ne pas savoir que ses commentaires constituaient une intrusion dans le champ politique et un manquement grave à l’obligation de réserve à laquelle un grand commis de l’État, dont il est l’un des représentants les plus éminents, est astreint. Et un tel manquement est absolument sans précédent dans toute l’histoire de la Caisse. D’ailleurs, son incartade n’est pas passée inaperçue même si le gouvernement a cherché à en minimiser l’importance

Alors de deux choses l’une, soit qu’il vient de faire la preuve qu’il n’est absolument pas à sa place dans ses fonctions actuelles, soit qu’il vient de vendre la mèche quant à l’identité de son véritable patron. Vous comprendrez que je penche pour ma part plutôt sur la deuxième possibilité tans la première n’est pas sérieuse. Et si Charest portait les culottes, Sabia aurait été congédié sur le champ.

Mais, voyez-vous, Charest n’est pas le « boss ». En effet, en se déclarant « séduit par les idées de Legault », Sabia se trouve à confirmer que son véritable patron est nul autre que Paul Desmarais, celui qui a tout intérêt à faire en sorte que François Legault et sa CAQ http://www.vigile.net/Francois-Legault-le-prochain http://www.vigile.net/Et-si-vous-croyez-avoir-tout-vu s’imposent auprès de l’électorat québécois comme l’alternative à Jean Charest et au PLQ, désormais complètement discrédités dans l’opinion publique, quoiqu’en pensent les électeurs de Bonaventure.

On se souviendra que Sabia n’avait rien eu de plus urgent après sa nomination que de répondre à la convocation de son prédécesseur Henri-Paul Rousseau à une réunion dans les bureaux de Power où étaient réunis en même temps tous les pions de son dispositif pour contrôler le Québec.

Quant aux liens de Sabia avec le clan Desmarais, ils se sont noués dans le contexte de leur participation au conseil d’administration du Conseil nord-américain de la compétitivité, une initiative qui se situe dans le cadre du Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité (PSP).

Et au cours des derniers jours, nous avons également pu apprendre par l’entremise du Figaro que Groupama, le groupe de services financiers dont est issu Roland Lescure,
le numéro deux de la Caisse recruté dans des circonstances nébuleuses, se retrouvait mal en point, notamment en raison de placements qui avaient mal tourné dans Veolia, une société dans laquelle l’empire Desmarais est intéressé via sa filiale Putnam, au point même d’avoir invité un représentant du groupe industriel français Marcel Dassault (Laurent Dassault), qui détient une participation importante dans Veolia et avec lequel ils ont sans doute conclu un pacte qui leur donne une influence importante sur les orientations de cette entreprise, sinon le contrôle, à siéger au conseil d’administration de Power.

Vous noterez par ailleurs sur ce dernier diagramme décrivant la structure du capital de Veolia la présence d’un autre actionnaire qui est justement Groupama, le groupe de services financiers dont est issu Roland Lescure et où il avait justement la responsabilité de gérer ce genre de participation à titre de directeur général adjoint et directeur des Gestions de sa filiale Groupama Asset Management, l’une des plus grandes sociétés de gestion d’actifs de France.

L’arrivée de Roland Lescure à la Caisse est donc tout sauf un hasard et il est un élément important du dispositif mis en place par Paul Desmarais avec la complicité active de Jean Charest et de Michael Sabia pour faire en sorte que les intérêts de l’empire Desmarais soient bien servis par la Caisse.

Alors, bien servis, mais servis comment ?

De toutes les façons possibles et imaginables, même celles auxquelles on se refuse de croire tant elles seraient graves. À ce sujet, je suis certain que les événements des prochains mois vont nous permettre de comprendre encore mieux jusqu’où ils ont osé aller.

Pour aujourd’hui, je me contenterai de vous rappeler que Michael Sabia annonçait en février 2010 un regain d’intérêt de la Caisse pour les projets d’investissement au Québec, ce qui a priori peut nous apparaître très sympathique vu la priorité accordée au « rendement » les années précédentes, avec les résultats désastreux que l’on connaît (40 milliards $ de pertes en 2008).

Mais les pires infamies se cachent parfois derrière les meilleures nouvelles.

Ce que la Caisse va faire, c’est de financer avec l’argent de vos retraites les projets de ceux qui n’aspirent qu’à déposséder le Québec (au premier rang desquels on retrouve l’empire Desmarais) de ses plus beaux fleurons industriels (ex : Hydro-Québec), de ses actifs immobiliers les plus attrayants (via Ivanhoé/Cambridge), et de ses richesses naturelles (avec le Plan Nord). Et quand ils auront terminé de nous déposséder, avec notre argent, le Québec ne sera plus qu’une coquille vide.

Y serait temps qu’on se réveille, pendant qu’il nous reste encore des meubles à sauver !


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 décembre 2011

    Monsieur Le Hir je vous rends hommage,
    De voir qu'au pays des aveugles que les criminels sont à l'oeuvre. Lorsque le temps de la chasse arrive je me demande si je vais renouveler mon permis.Je le ferai assurément....et j'aime changer de gibier.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 décembre 2011

    Encore une fois, vous tapez dans la ruche! Vos analyses sont d'une grande pertinence.
    Il y a quelques semaines, quand La Presse s'est intéressée au dossier du français à Montréal (CDP, Banques, etc..) j'ai comme plusieurs d'entre vous trouvé suspect cette soudaine montée aux barricades contre ce qui est pourtant banalisé quotidiennement par les contorsions mentales des chroniqueurs et du canin en chef du journal, vous aurez tous reconnu André « mais non d'un petit bonhomme » Pratte.
    Une journée à la rescousse du français ça aurait pu toujours passer question d'avoir des arguments en banque pour le conseil de presse, mais une semaine c'était trop suspect.
    Pour vous paraphraser « un scandale peut en cacher un autre ». Il m'a semblé qu’effectivement, tout cet énervement autour de l'unilinguisme des patrons ne servait qu'à divertir la basse-cour pendant que le coq alpha avait jeté son dévolu sur Sirois-Legault et officiellement abandonné Charest. De toute façon avec tout ce qui sortira de la commission Charbonneau, Charest savait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il se fasse lâcher par celui qui jadis lui avait offert un pont d'or pour venir affaiblir en douce les outils économiques que les Parizeau et autres bâtisseurs avaient montés pour l'indépendance économique de notre peuple. Maintenant, c'est clair que John James s'est fait cocufier pour des Ding et Dong plus payant. Soyez assurés que le coq s'est donné des garanties que Charest ne rouspéterait jamais, car ce pont d'or était assurément assorti d'un compte en fiducie quelque part dans une île paradisiaque où les lois d'accès à l'information sont comme les Trolls : on n'en a tous entendu parlé, mais ont n'en a jamais vue... Un petit job chez Total bien peinard avec le pote Sarko avec ça?
    ML

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2011

    Monsieur Le Hir,
    Je vous remercie pour cet exposé. La réalité que vous décrivez si bien est facile à comprendre, mais très difficile à avaler.
    La nomination, les propos, et le comportement de Michael Sabia sont certainement le reflet de la perte du contrôle de nos richesses collectives. Il faut faire un acte d'humilité et le reconnaître, et surtout ne pas jouer à l'autruche.
    Maintenant, nous devons réagir avec un plan d'action concret, et agir collectivement. Je pense ici à la proposition concrète de monsieur Pierre Cloutier pour l'accession à l’indépendance (http://www.vigile.net/Petit-plan-d-accession-a-l). Qui dit mieux ?

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2011

    Bonjour et merci encore pour vos articles percutants.
    Je trouve que vous avez toutes les raisons de douter mais il y a une autre option possible sur les agissements de Sabia.
    Charest adore user de stratégies et étourdir son auditoire avant d'en abuser, alors, peut-être que la sortie de Sabia est justement préméditée pour nous en passer une encore plus lâche.
    J'espère me tromper mais je trouve que le morceau est gros à avaler pour Charest et je doute que Desmarais l'humilierait et l'abandonnerait publiquement sans risquer un retour du bélier de la part de John James qui se croit maintenant maître en tout !
    C'est une opinion,
    Léger.j

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2011

    Pour Hydro Québec, c'est déjà démarré, avec les contrats éoliens non rentables que notre société d'Etat a consenti à Saint-Laurent Energies, entreprise qui cache même plus sa provenance. Elle s'appelle maintenant Développement EDF (Energie de France), qui revendique d'être le plus important producteur éolien au Québec. Cette entreprise française n'avait pourtant aucune expertise il y a seulement trois ou quatre ans. Avec ses contrats lui accordant de 9 et 12 cents du kw, Développement EDF va bientôt peser lourd dans les comptes d'Hydro. Et sur notre compte d'électricité. La grande prêtresse de cette messe basse, Normandeau, qui s'est aussi illustrée dans les gaz de schiste, n'est plus là pour rendre des comptes. Elle est en Floride. Et elle a un successeur à son image dans Bonaventure.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2011

    Veolia, n'est-ce pas l'entreprise qui a monté un cartel dans les entretiens d'aqueducs et égoûts au Québec pour ensuite se dénoncer et se faire amnistier ?

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2011

    Monsieur Le Hir,
    Est-ce que le $40,000.000,000 "perdu" par la Caisse de Dépôt en 2008 n'est pas justement tombé dans les poches du clan Desmarais, qui s'est empressé d'expédier l'argent hors du Québec comme il l'a fait tellement de foi jusqu'à maintenant. L'argent ne se perd pas. Il change seulement de mains.
    Avec quel mépris et quelle haine ces Desmarais s'efforcent-ils de soutirer de l'argent du Québec et de l'envoyer ailleurs.
    N'avons-nous pas aucun moyen de les abattre ou au moins de les envoyer en prison comme les États Unis ont fait avec de nombreux oligarques, dont Conrad Black.
    Il est temps de les assommer cette bande de voyous en tuxedos.
    Salutations

    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2011

    Merci, monsieur Le Hir de nous tenir éveillés.
    Je m'empresse d'acheminer votre texte dans ma page FB.