Le premier juillet était autrefois désigné sous le vocable de "jour de la confédération". On a fini par avouer avec de nombreuses années de retard que le Canada n'en était pas une, et l'on a bien été obligé de changer le nom pour "fête du Canada".
Cela en dit long sur l'imposture initiale de l'acte de l'Amérique britannique du Nord de 1867. On a voulu nous faire croire en une association équitable des deux peuples fondateurs, alors que le vrai dessein était de procéder à l'édification de la nation canadienne sous l'égide d'un gouvernement fédéral puissant et centralisateur.
La seule fois où ce texte néfaste au Québec fut vraiment amendé, c'est en 1982 de façon unilatérale par Pierre Elliott Trudeau contre la volonté de René Lévesque, de Claude Ryan, et de la quasi unanimité des députés de notre Assemblée nationale. Une infâmie que le Canada n'a jamais réparée, dont il ne s'est jamais excusé, et qui rendait notre dépendance nationale plus grande encore que lorsque le Parlement britannique a voté le premier texte à la fin du dix-neuvième siècle.
Michaël Ignatieff, qui veut être le prochain premier ministre du Canada, et qui est un intellectuel, a fini par réaliser il y a quelques années et avec un retard incroyable ce que le monde entier savait déjà (sauf la population canadienne) que le Québec formait une nation. Il était parfaitement logique qu'un docteur en histoire de Harvard en vienne à reconnaître un fait aussi notoire, bien que l'ancien chef Pierre Trudeau et le futur chef d'alors, Stéphane Dion, en aient été des ardents négationistes.
Il a donc fallu un certain courage à Ignatieff pour mettre de l'avant cette évidence dans un parti dont toute la tradition était de la nier. Cela lui valut de perdre la course à l'investiture. Le parti libéral fut d'ailleurs durement puni de ce mauvais choix à l'élection suivante, même si la majorité des électeurs hors Québec pensait comme Dion au sujet de notre nation, d'autres raisons l'ont conduit à l'échec.
Le raisonnement d'Ignatieff est maintenant facile à décoder. Il s'est dit: "J'ai perdu une course à la chefferie à cause de cette idée de nation québécoise; je vais faire en sorte de ne pas perdre la prochaine élection pour la même raison". Avec un sans-gêne incroyable, il a affirmé tout simplement que cette reconnaissance n'avait aucun effet réel. Il a avalisé ainsi l'esprit dominateur à l'encontre du Québec, instauré en 1867 et consolidé en 1982, et qui devait rester la règle dans le Canada d'hier, d'aujourd'hui, et sans doute de demain. Trudeau a dit de sa constitution "qu'elle durerait mille ans".
Mis à part ce déshonorant calcul électoraliste, comment un intellectuel harvardien peut-il souhaiter que la nation québécoise garde le même statut juridique qu'une simple province?
Une nation est une nation. La nôtre n'est pas inférieure aux autres, et même Jean Charest a déclaré qu'elle a les moyens de son indépendance. En tout respect pour le statut provincial de l'Ile-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et des autres, comment Ignatieff peut-il honnêtement affirmer qu'il convient au Québec et que la reconnaissance de notre nation puisse n'être que symbolique?
Rien de sérieux dans le statut constitutionnel du Québec n'a évolué en sa faveur depuis qu'il a commis l'erreur d'accepter la constitution de 1867. Et même s'il a refusé les amendements de 1982, cela n'empêche pas ce texte odieux de s'appliquer à lui dans la réalité.
En raison de ce statut infériorisant et de l'action constante de la Cour suprême, dont les juges sont exclusivement nommés par Ottawa, toutes les lois du Québec sont à risque. Nous avons perdu à ce jeu toute juridiction sur le domaine vital des communications, même si Robert Bourrassa a parlé il y a longtemps de souveraineté culturelle, et que Jean Charest en parle encore. Le même Haut tribunal a bassement érodé notre loi 101 à plusieurs reprises. Contre la volonté de la Cour d'appel du Québec, il a légitimé le port du kirpan dans nos écoles. Il est proprement indécent de traiter ainsi un groupe humain que l'on dit reconnaître comme nation.
Le message qu'Ignatieff réitère et qui confirme formellement le statut-quo, en dépit de toute logique, doit emmener les Québécois à sanctionner une telle imposture et faire en sorte qu'un personnage qui incarne autant de contradictions ne puisse jamais recevoir leur appui électoral. Cela devrait persuader aussi ceux qui ne déménagent pas ce jour-là de s'abstenir de fêter le premier juillet.
Bernard Landry
L'opinion de Bernard Landry #22
Rien à fêter
Canada Day 2009
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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