Réveillez-vous!

Dion-le-fossoyeur



Les résultats désastreux du Parti libéral du Canada lors des récentes élections complémentaires tenues au Québec démontrent à quel point il se creuse un inquiétant fossé entre l'électorat québécois contemporain et ce parti qui fut pendant longtemps le véhicule des forces progressistes, modérées et centristes au Canada. Ces résultats soulignent à quel point les Québécois ne se sentent nullement interpellés par le PLC sur plusieurs questions qui leur importent.
Plus que jamais, la formation de Stéphane Dion semble déconnectée de la réalité politique québécoise - un clivage dévastateur qui dénote un malaise encore plus profond au sein de ce parti centenaire et qui risque bien d'avoir des répercussions sérieuses d'ici peu sur l'échiquier politique canadien.
Une illustration frappante de ce clivage s'est manifestée lors du passage du candidat défait de M. Dion dans Outremont, Jocelyn Coulon, sur les ondes de Radio-Canada. Lorsque questionné sur la reconnaissance de la nation québécoise, M. Coulon a donné une réponse timide et effacée, ce qui démontre à quel point le seul enjeu de l'identité québécoise est un boulet pour les libéraux de Stéphane Dion.
Pendant que toute la classe politique du Québec se penche sur les questions de l'identité québécoise au sein du Canada et de la modernisation de la fédération, M. Dion et sa garde rapprochée se refusent à faire les constats qui s'imposent. Au mieux, ils sont incapables de tirer les leçons du passé. Au pire, ils marginalisent les individus au sein du PLC qui tentent de faire avancer ces débats à la fois souhaitables et nécessaires.
Jumelée à de multiples faux pas commis au cours des 25 dernières années, cette insensibilité vis-à-vis la question de la place du Québec au sein du Canada explique la piètre performance des libéraux fédéraux auprès de l'opinion publique québécoise. À titre d'exemple, depuis le dernier scrutin général, la formation de M. Dion fait du surplace dans les sondages (21% à l'échelle du Québec et 14% auprès des Québécois francophones - le pire résultat des «rouges» au Québec dans toute l'histoire du Canada).
Positions obsolètes
Et pourtant, plutôt que de faire l'introspection qui s'impose, les libéraux de M. Dion se retranchent fermement dans leurs positions obsolètes. Par crainte de renier leurs valeurs traditionnelles, ils se refusent encore aujourd'hui à admettre que leur conception traditionnelle de l'identité québécoise ne trouve plus d'échos auprès des Québécois francophones. Cette obstination à croire au statu quo et à répondre par le silence est l'équivalent de la politique de la chaise vide.
Heureusement, comme sur plusieurs autres problématiques contemporaines, certains libéraux progressistes croient qu'il est possible d'aborder cette question avec sérénité et ouverture d'esprit, sans que cela ne mine les valeurs traditionnelles. Bien au contraire, le débat s'en trouve enrichi.
Au cours de la plus récente réunion du caucus national, le sondeur du PLC a rappelé aux députés et sénateurs présents que les conservateurs se trouvaient dans une position vulnérable en raison de leurs politiques sur l'Afghanistan, l'environnement et la santé. Cependant, selon ce même sondeur, le PLC ne parviendra pas à convaincre la population de la viabilité de son programme tant et aussi longtemps que subsistera la perception selon laquelle ces politiques sont désuètes ou, au mieux, recyclées. M. Dion et son équipe sont donc condamnés à proposer une nouvelle vision aux Québécois et aux Canadiens à travers le pays.
M. Dion n'a donc plus de marge de manoeuvre. Depuis la réunification de la droite canadienne, le PLC ne peut plus aspirer au pouvoir sans une forte performance au Québec. Avec la percée de M. Harper au Québec et la victoire de M. Mulcair dans Outremont, le seul fait pour le PLC d'avoir un chef originaire de la " belle province " n'est plus garant d'un succès électoral au Québec. La défaite du candidat de M. Dion dans Outremont est donc un rappel à l'ordre brutal!
Au lendemain de l'hécatombe, plus que jamais, les libéraux fédéraux ont l'obligation morale de faire une profonde réflexion sur l'état du parti (ses politiques, son financement, son organisation, etc.), se ressaisir et surtout agir! Ils doivent mettre fin à la culture " du tout m'est dû " qui paralyse le PLC depuis trop longtemps pour laisser place aux " libres penseurs ", attirer les meilleurs talents disponibles et surtout commencer à niveler vers le haut. Enfin, ils doivent se montrer plus rigoureux et exigeants envers eux-mêmes afin de pouvoir rivaliser à tous les niveaux avec les conservateurs.
En absence d'un tel redressement, le sort du PLC risque d'être similaire à celui subi par les libéraux en Grande-Bretagne - il risque de se voir marginalisé par une polarisation " gauche-droite " de l'électorat au point de devenir un tiers parti. Dans un tel scénario, les forces progressistes, modérées et centristes de notre société seront les grandes perdantes.
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Hervé Rivet
L'auteur a été directeur général du PLC (Québec), fonction qu'il a quittée en février dernier.

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L'auteur a été directeur général du PLC (Québec), fonction qu'il a quittée en février 2007.





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