Pendant que d'autres pays tirent des revenus de l'ordre de milliards de dollars des droits d'exploration et d'exploitation des gaz de schiste, on assiste depuis plusieurs semaines à l'improvisation du gouvernement du Parti libéral du Québec et de son tandem Charest-Normandeau qui entendent, pour l'essentiel, «donner» de tels droits aux promoteurs privés. Ce débat entourant les gaz suscite bien des controverses, d'autant plus que l'inquiétante proximité entre le personnel politique libéral et l'industrie gazière semble dicter les positions défendues par le gouvernement.
Un gouvernement faisant la sourde oreille
Le Parti québécois et une multitude d'organismes ont réclamé un moratoire: il ne s'agit pas de dire non, il s'agit de poser des questions avant de dire oui. Or, il appert que le gouvernement libéral cherche à bousculer tout le monde sans explication et ne tient aucunement compte de l'intérêt collectif dans ce débat. Au-delà du mandat trop limité du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), rien ne semble être mis en oeuvre pour assurer que l'exploitation de cette ressource collective s'inscrive dans une stratégie de développement durable et, plus largement, dans une politique énergétique globale. Tout est géré à la pièce et sans vision d'ensemble, parfois même avec une dose de démagogie, comme en témoigne le commentaire de Nathalie Normandeau reliant l'urgence d'exploiter ces gaz à l'avenir des CPE.
Pour l'heure, le premier ministre Jean Charest affirme qu'il procédera et qu'il fera la sourde oreille à ceux qui demandent un moratoire, tout comme il ignore d'ailleurs les demandes répétées pour la mise sur pied d'une commission d'enquête sur la construction et le financement des partis. Avant que ne s'installe une lassitude chez nos concitoyens et que le Parti libéral du Québec ne poursuive son oeuvre sans être inquiété, il faut exiger que ce soient les Québécois dans leur ensemble qui tirent profit de ce bien collectif.
Un bien collectif, propriété des Québécois
Même si le gouvernement libéral est insensible aux préoccupations de la population, il faut lui dire haut et fort, de même qu'aux promoteurs pressés, comment un gouvernement responsable devrait agir. Outre les aspects sociaux et environnementaux, il faut insister sur le fait qu'il y a un autre enjeu capital dans le débat entourant les gaz de schiste: celui d'identifier les bénéficiaires réels des revenus générés par cette activité économique provenant d'une richesse qui est la propriété de toute la population du Québec.
Dans cette perspective, il importe de rappeler que, pour les libéraux, un maigre 12,5 % de redevances, troué d'échappatoires fiscales, paraît adéquat pour que les retombées économiques soient positives et contentent le bon peuple. Pour le reste, les Québécois pourront acheter d'entreprises majoritairement étrangères un peu plus de gaz naturel et un peu moins de pétrole. Bonne affaire pour les promoteurs. On comprend alors que le Québec soit considéré comme le meilleur endroit au monde pour l'extraction de ressources naturelles...
Devant l'impossibilité de faire confiance à ce gouvernement, nous lançons un appel urgent à tous ceux qui sont attentifs aux intérêts économiques du Québec afin que l'on dise à l'unisson que, si l'on peut exploiter ces ressources conformément à une véritable démarche de développement durable, les bénéfices qui en découleront doivent être «réappropriés» majoritairement en faveur de la population du Québec.
Ainsi, nous croyons qu'un gouvernement du Parti québécois doit s'engager à ce qu'un minimum de 51 % des revenus nets tirés de l'exploitation des gaz de schiste soit versé au Trésor public. Un excellent exemple d'une telle approche est la Norvège, qui figure au sommet de tous les classements mondiaux de richesse et de développement social. Ce pays de 5 millions de personnes a accumulé un fonds de prévoyance de 500 milliards de dollars (quatre fois la Caisse de dépôt et placement du Québec) en s'appropriant ses ressources naturelles.
Lorsque le Parti québécois prendra le pouvoir, il faudra voir selon les circonstances quelle sera la meilleure mécanique à utiliser (taxation, redevances, prises de participation) pour faire en sorte que les Québécois soient les principaux bénéficiaires de cette ressource. Il importe donc que tous les promoteurs soient avertis.
Et à ceux qui voudront pousser de hauts cris et accuser le parti fondé par René Lévesque — celui qui fut à l'origine de la réappropriation au bénéfice de la nation québécoise tout entière — des ressources hydroélectriques, de faire fuir ces développeurs, nous leur répondons qu'il existe au contraire plusieurs exemples de pays dans le monde qui ont instauré des mesures pour que les ressources naturelles appartiennent, comme cela doit continuer d'être le cas au Québec, aux citoyens et aux citoyennes dans leur ensemble et pour qu'elles les enrichissent collectivement.
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Renaud Lapierre - Ex-sous-ministre de l'Énergie et ex-membre du conseil d'administration de la Société québécoise d'initiative pétrolière (SOQUIP) et Daniel Turp - Vice-président et président de la commission politique du Parti québécois
Ressources naturelles: pour un enrichissement de tous les Québécois
Gaz de schiste
Renaud Lapierre10 articles
Ex-sous-ministre de l'Énergie et ex-membre du conseil d'administration de la Société québécoise d'initiative pétrolière (SOQUIP)
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