Républiquedebananiser Radio-Canada

Les yeux s'ouvrent

Vous êtes nombreux à croire que les patrons de presse, Pierre Karl Péladeau et les frères Desmarais pour ne pas les nommer, passent des commandes à leurs journalistes et chroniqueurs, commandes que nous devons remplir pour garder nos jobs. Ce qui est faux, faux, faux. Mais je sais que vous ne me croyez pas…
Pour ma part, je crains beaucoup plus l’influence indue des annonceurs sur le contenu, surtout quand la publicité constitue la seule source de revenus pour un média.
Comment oublier que la SAQ a retiré ses publicités de Radio X parce qu’elle n’appréciait pas les propos de l’animateur Éric Duhaime sur la société d’État?
Comme dans les républiques de bananes.
Pendant ce temps à Radio-Canada
Mais ce qui se passe du côté de Radio-Canada/CBC en matière d’ingérence politique est infiniment plus troublant. Et je ne parle pas de la fermeture du costumier. Or, peu de gens poussent les hauts cris, à part les employés de la maison et d’anciens journalistes déçus de voir les dirigeants du diffuseur d’État faire la belle devant le gouvernement actuel.
Je suis la première à croire que le mandat de Radio-Canada/CBC a besoin d’être revu et ses pratiques modernisées. Mais une chose ne devrait jamais être remise en question : l’indépendance d’un diffuseur d’État face à ses maîtres politiques. Sans cela, autant mettre la clé dans la porte car toute autre approche serait l’équivalent de «républiquedebananiser» Radio-Canada/CBC.
On y peut-être déjà.
Hier, à la chambre des Communes, en réponse à une question sur l’indépendance de Radio-Canada, la ministre du Patrimoine Shelley Glover a tenu des propos tout simplement ahurissants sur l’affaire Gilles Duceppe à l’automne 2011.
Après sa démission comme chef du Bloc Québécois, Gilles Duceppe avait été approché pour devenir chroniqueur au magazine radiophonique Médium Large animé par Catherine Perrin.
Une règle interne à Radio-Canada/CBC exige un «purgatoire» de deux ans pour les anciens politiciens. L’équipe s’était donc entendue avec l’ex-leader bloquiste pour qu’il ne parle pas de politique de manière partisane.
Dans son livre Ici était Radio-Canada, l’ex-directeur de l’information Alain Saulnier raconte que le jour de l’annonce de l’arrivée de Gilles Duceppe, le PDG Hubert T. Lacroix a reçu un courriel du ministre du patrimoine de l’époque, James Moore, comportant un seul mot : «Duceppe?…»
L’affaire a fait scandale et Gilles Duceppe a préféré se retirer.
Or, selon la loi, le politique n’a pas le droit – c’est interdit, c’est illégal – d’intervenir dans le contenu du diffuseur. Ce dont se défend le gouvernement, of course.
La preuve est dans le pouding
L’affaire a rebondit hier aux communes, gracieuseté de l’Opposition qui fait ses choux gras du livre d’Alain Saulnier.
Réponse de la ministre : «ils (l’Opposition) parlent d’un souverainiste bien connu dans le pays qui a été critiqué. Le pays en entier a assisté à cette discussion et CBC (sic) a admis qu’ils avaient eu tort. Nous les soutenons mais c’est leur décision».
Bel aveu de culpabilité par la bande ! Car si on lit entre les lignes, ce n’est pas tant la règle du purgatoire de deux ans – maintes fois enfreinte pour d’autres collaborateurs – qui posait problème mais la couleur politique de Gilles Duceppe, un souverainiste bien connu.
L’ex-ministre libérale provinciale Yolande James pour qui j’ai beaucoup d’estime, là n’est pas la question, a été embauchée au Club des ex à RDI en tant qu’analyste politique quelques mois à peine après avoir quitté l’Assemblée nationale.
Je doute fort que monsieur Lacroix ait reçu de Shelley Glover un courriel lui demandant : «James?…»
Morale de cette histoire : au lieu de chercher des poux chez Québecor et chez Gesca, je garderais plutôt un œil sur Radio-Canada/CBC. Après tout, c’est vous et moi qui payons la note.
Avez-vous envie de subventionner une machine de propagande pour le gouvernement au pouvoir, quel qu’il soit ?
NOTE: J’ai posé la question à Radio-Canada au sujet de Yolande James. Voici la réponse que j’ai reçu du directeur des Relations publiques, Marc Pichette.

En réponse à votre question adressée plus tôt, le CLUB DES EX est une émission dont les participants sont choisis précisément en raison de leur identification à un parti politique. Le moratoire ne s’applique pas dans ce contexte, pas plus qu’aux députés actifs qui débattent le vendredi dans le cadre du Match des élus.


Cela ne me satisfait pas. Et vous ?


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