C’est la seule façon d’en faire une vérité pratiquement impossible à contrer tellement elle sera inscrite dans la mémoire du peuple. C’est une technique de communication utilisée dans tous les domaines, pour vendre n’importe quoi à n’importe qui, mais c’est encore plus flagrant en politique où on ne s’en prive pas, bien au contraire.
Ce qui est à la mode chez les politiciens depuis le référendum de 1980, mais plus encore depuis celui de 1995, c’est de répéter sans jamais élever la voix et sur un ton déprimé que « le peuple ne veut pas d’une autre élection », affirmation accompagnée habituellement d’un air complètement dégoûté, se mariant aux remarques sur le fait que des élections, c’est un gaspillage d’argent et de temps. Ils s’empressent d’ajouter, dès que l’occasion s’y prête, que « le peuple ne veut pas de référendum et qu’il n’a pas envie d’entendre parler de Constitution et de chicanes avec Ottawa ».
Ils évitent toujours de dire que c’est la meilleure façon de tuer la démocratie, de démotiver la participation citoyenne et de s’assurer que le moins de monde possible ira voter, ce qui pourrait, dans les faits, faciliter leur élection. Pour être élu, dans notre système, il faut juste mettre la main sur une majorité, même mince, des votes exprimés. Ceux qui restent à la maison ne dérangent personne.
Le nombre de fois, au cours des dernières années, où j’ai entendu des gens répéter : pas encore des élections ! Si ça avait été possible, ils auraient demandé que leur nom soit retiré des listes électorales. Les politiciens ont réussi à nous écoeurer de la politique, mais aussi de la démocratie telle qu’elle est pratiquée ici.
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Étant citoyens québécois, notre tâche citoyenne est bien plus exigeante que celle qu’assument les habitants d’autres pays. Nous avons trois importants ordres de gouvernement qui s’agitent tous en même temps et que nous sommes appelés à contrôler et à surveiller à plein temps : le municipal d’abord, parce qu’il définit ce qui compose notre quotidien ; celui du Québec, dont on sait qu’il n’a pas que des vertus et qui a tendance à faire comme si nous n’existions pas ; enfin, celui du Canada, dont nous ne pouvons pas nous désintéresser tant et aussi longtemps que nous serons partie prenante de cet étrange pays qui est de moins en moins le nôtre, mais dont les décisions nous frappent directement et sur lequel nous avons de moins en moins de prise.
Il est assez facile de comprendre pourquoi ce qu’il nous reste de démocratie, et que nous confondons souvent avec le simple droit de voter, est déjà perçu comme une corvée pour beaucoup d’entre nous. C’est pourtant là qu’est le vrai danger, celui de perdre son droit de parole de citoyen, son droit de manifester son désaccord et celui de choisir librement ses représentants. Le bruit des casseroles vient de nous réveiller, mais nous n’échapperons pas à ce constat : beaucoup de citoyens auraient, sans ce tintamarre, laissé passer la loi 78 sans lever le petit doigt, résignés qu’ils sont déjà à ne pas faire connaître leur opinion.
La démocratie, pour rester vivante, doit pouvoir compter sur l’engagement des citoyens, sur leur participation aux décisions et sur leur désir de faire contrepoids au pouvoir en place. Autrement, c’est un déséquilibre dangereux qui s’installe.
Quand un politicien s’engage à ne pas consulter le peuple par référendum au sujet d’une souveraineté possible, il vient de couper les deux jambes à la démocratie. Celui qui dit qu’il ne peut rien faire « parce que les fruits ne sont pas mûrs » fait la même chose. Celui qui dit que le peuple ne veut pas d’élection prend ses désirs pour des réalités.
Quand la démocratie agonise, un gouvernement majoritaire élu peut, sans hésiter et sans regret, lancer une loi C-38 dans les dents des citoyens. Il en fait un fourre-tout dans lequel il dissimule toutes les transformations qu’il entend apporter à la société canadienne sans jamais avoir pris le soin de l’instruire de ses intentions, sans lui avoir demandé son opinion et en abusant outrageusement de sa majorité pour violer le rôle de l’opposition, réduite à faire de la figuration.
Quand la démocratie agonise, un gouvernement majoritaire élu peut, sans état d’âme, faire adopter la loi 78 en siégeant pendant la nuit, avec arrogance et en jouant les vierges offensées. Ainsi va la politique. Il y aura des élections d’ici 18 mois. Vous l’avez entendu comme moi. Ne laissez personne dire que vous n’en voulez pas. Méfiez-vous des mensonges qu’on vous invite à répéter…
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