Réflexions sur notre symbole national

Un patriotisme à cultiver

La fête nationale du Québec est passée vite – tout comme le solstice d’été – et j’ai rangé mes oriflammes. Cela m’a toutefois fait réfléchir sur notre destin. Car je me suis fait fort, toute ma vie, de pavoiser et, bien souvent, je me suis senti bien seul.
Quand le Gouvernement du Québec a adopté (par décret) le fleurdelysé, comme « drapeau officiel du Québec », c’est-à-dire comme symbole national – c’était le 21 janvier 1948 - je n’avais que 16 ans. Je me souviens que ce geste de remplacer l’Union Jack au sommet de la tour du Parlement – oui l’Union Jack - m’avait ému.
Il disait quelque chose. Il disait que la collectivité française du Québec avait une identité qu’il n’était plus interdit d’afficher. Rien d’étonnant à cela car les « Canadiens-français » de Montréal étaient loin d’avoir le haut du pavé dans la cité; ils cherchaient à se donner une présence collective sur terre, à exister.
Et c’est ainsi que, lorsque j’ai eu assez d’argent, à vingt ans, je me suis acheté un drapeau national. Je l’ai arboré à chaque année, sur mon balcon. J’ai donc pris la chose au sérieux et je me suis dit qu’il est bon d’avoir de la suite dans les idées. C’était un drapeau en lin avec des fleurs de lys en feutre. Si vous voulez savoir, ça ne s’use pas. Ce n’est pas comme ces drapeaux en synthétique qui s’effilochent au moindre vent et qui prennent des airs fatigués en deux saisons! Et oui je l’ai sorti encore cette année, 60 ans après; et je l’ai laissé dehors malgré l’orage. Il est encore bon pour une autre génération!
J’en parle parce que cette année nous n’étions que quelques irréductibles à agir ainsi.
Les voisins, au nord, une coopérative de quelque 60 unités de logement – subventionnée par l’État, naturellement - avec enfants et tout – n’ont pas sorti le moindre mouchoir pour marquer l’occasion. Même chose à l’ouest. Au sud, où les appartements s’enlèvent à coup de millions$, encore moins certes.
Mon attitude en la matière est-elle maniérée, obsessive? Peut-être un peu. C’est pourquoi je me méfie de mon nationalisme. Je ne crois pas qu’il faille identifier sa propre personne à des symboles. Il n’y a qu’une seule chose de sacrée et c’est la personne humaine.
Il faut donc exercer une certaine réserve en la matière, être en quelque sorte modeste lorsqu’il s’agit de manifester les égos nationaux. L’habitude que les Américains, nos voisins ont, justement, de pavoiser à l’année longue, est ainsi assez détestable. Ils nous jettent leur puissance à la face !
Mais je me dis que, pour nous comme pour le reste de l’humanité, il n’est pas mauvais de s’assumer, de se donner une présence dans le monde, par des rituels inoffensifs, ne serait-ce que pour s’unir aux autres. Il n’est pas mauvais de préciser ici que le symbole québécois est laïc. Il fait un peu ancien régime, c’est vrai, mais il est laïc tout de même.
Malgré ce qu’on peut penser du premier ministre du temps, et de son catholicisme, le symbole national actuel a été débarrassé de son aspect religieux (le Sacré-cœur de Jésus a été enlevé, et les fleurs de lys ont été relevées «vers le ciel») comme M. Duplessis avait dit, sourire en coin. Ceux qui, comme à Radio-Canada, veulent parler à nouveau de notre fête nationale comme de la « Saint-Jean-Baptiste», ne vont pas dans le sens de l’histoire.
Ceci dit, il me semble que si les Québécois cherchent encore à vivre, à exister; s’ils veulent, à leur manière, s’affranchir, malgré certains aspects sombres de leur personnalité, ne serait-il pas souhaitable qu’ils le disent en pavoisant un peu, par ci par là, dans les grandes occasions au moins. Ce serait, à mon avis, une de ces conditions facilitatrices de l’affranchissement dont il faut parler.
La « fête nationale » est une de ces occasions, et ce même en temps de déprime collective ou de dépression économique! Une autre occasion, bien ratée celle-là, fut le 400e anniversaire de la capitale où « les édiles » ont éliminé toute référence collective nationale par peur de perdre des subventions fédérales et de paraître trop « français ». Pas un drapeau national, et pas un drapeau tricolore n’a été arboré à cette occasion-clef, comme si nous étions de nulle part. Faut le faire! Je le sais je me suis promené là pour voir…
Quant à l’Hôtel- de-ville de Montréal, qui se prend beaucoup trop pour un gouvernement, - même si la tutelle appréhendée devrait le remettre à sa place – il pavoise avec un fanion de son cru qui rend hommage… à l’Empire britannique.
À la place d’honneur, en effet, l’Hôtel-de-ville de Montréal, l’hôtel de ma ville, arbore fièrement le drapeau à croix rouge de la marine britannique, marine qui n’a jamais eu pour vocation de répandre la culture francaise dans le monde! C’est un peu trop à mon goût, d’autant qu’en face l’amiral Nelson, sur sa colonne, nous rappelle nos déconfitures.
Les drapeaux que la municipalité de Montréal arbore en permanence, dis-je, donnent la préséance protocolaire, à droite, au symbole du Canada anglais, et à gauche, donc au troisième rang, au drapeau national – le nôtre - dont cette municipalité est légalement dépendante.
À Paris, comme ailleurs dans le monde, l’hôtel-de-ville donne la préséance au drapeau national, un point c’est tout. En tout cas, même en ce jour de fête nationale, mon hôtel de la ville n’a pas arboré le moindre bout de tissu pour nous rappeler notre appartenance !
Je sais qu’il y de plus graves problèmes dans le monde. Mais il ne faut pas sous-estimer la réalité symbolique des choses. Notre drapeau n’est pas un « signe » c’est un « symbole » qui représente le vouloir-vivre d’un peuple. Pourquoi ne pas le montrer ? Et pourquoi Mme Marois, notre premier ministre et son adjoint pour Montréal M. Lisée ne nous ont-ils rien dit à ce sujet?


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juin 2013

    Nous avons un des plus beaux drapeaux au monde, et pour son apparence, et pour ce qu'il symbolise. Les symboles sont primordiaux pour un peuple, parce que ce sont une manifestation de notre identité, de ce que nous sommes comme peuple. Mais, c'est l'hymne national qui nous fait chanter ensemble, qui nous unit, en quelque sorte. Hélas, nous n'avons pas d'hymne national, et je trouve cela tellement significatif.
    Celui qu'on avait nous a été volé, comme bien d'autres choses, bien sûr. Même que, lorsque l'on compare les textes anglais-français, de nombreux Canadians nous reprochent d'avoir mal traduit "leur hymne", le O Canada !
    La culture québécoise est reconnue mondialement. Pourtant, nous ne sommes même pas foutus avoir notre propre hymne. Ce n'est pas le talent qui manque ici, mais la volonté. Cette même volonté qui nous fait défaut lorsqu'on veut parler du pays. Quel formidable cadeau que ce serait de se donner un hymne national.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    29 juin 2013

    Selon la loi, le fleurdelisé doit être arboré à la place d’honneur, c’est-à-dire à droite (à gauche de l’observateur), s’il y a deux drapeaux, ou au milieu, s’il y en a davantage.
    Lors du déploiement de deux ou plusieurs drapeaux, celui du Québec doit être hissé le premier et amené le dernier. Le déploiement du drapeau se fait selon les circonstances. À l’intérieur ou à l’extérieur, il doit être bien fixé au mur à une hauteur convenable, soit à l’arrière ou au-dessus du conférencier, soit à l’endroit le plus honorifique. À l’intérieur, le drapeau est généralement attaché à une hampe posée sur un socle, à une hauteur suffisante pour l’empêcher de toucher le sol.
    Au-dessus d’une rue, le drapeau est suspendu à la verticale, le canton d’honneur orienté vers le nord dans les rues allant de l’est à l’ouest, et vers l’est dans les rues allant du nord au sud. Au-dessus d’un trottoir, le canton d’honneur doit être orienté vers la rue.
    Les citoyens qui désirent déployer le drapeau doivent également respecter les règles d’usage. À leur domicile, le drapeau flotte du lever jusqu’au coucher du soleil, un mât fiché en terre. Lors de fêtes patriotiques ou commémoratives, ils le placent en saillie à une fenêtre, à un balcon ou pavoisent les bords de la rue avec des drapeaux de moindres dimensions fixés à des supports différents ou groupés sur écu. Ils peuvent aussi arborer un drapeau de petites dimensions sur une automobile, une bicyclette ou tout autre véhicule s’ils le font avec dignité.
    Lors d’un défilé, si le drapeau national est seul arboré, il ouvre la marche, deux pas devant le premier rang. Le porte-drapeau suit la ligne médiane de la rue, soutient le drapeau légèrement incliné vers l’avant. En travers d’une salle, le canton d’honneur doit se trouver à gauche de celui qui entre par l’entrée principale et à gauche de l’observateur faisant face à la scène.
    Il est défendu d’arborer deux drapeaux sur le même mât. Selon le protocole, on ne place pas deux drapeaux d’État ou de province sur la même hampe ou sur le même mât. Il faut les déployer chacun sur un seul mât et voir à ce que drapeaux et mâts soient d’égales dimensions.
    http://www.fetenationale.qc.ca/fr/a-propos/histoire/15
    Il est en effet toujours humiliant de se rappeler que notre nation n'a toujours pas de pays reconnu. D'où la nécessité de pavoiser avec modération. Quant à la laïcité du fleurdelisé, on nous rappelle que la grande croix blanche qui le coupe en 4 coins... c'est bien la croix des cathos...
    Et les fleurs de lys, de la monarchie française, faudra en reparler au début de la République Verte du Québec :-)