La longue route

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Le spectre du renoncement

À la veille du premier conseil national du Parti québécois depuis l’élection du 4 septembre, le président du PQ, Raymond Archambault, se voulait optimiste. « Il ne faut pas lâcher. Les sondages nous disent qu’il y a, en ce moment, 40-42 % des Québécois qui sont favorables à la souveraineté », a-t-il déclaré dans une entrevue au Soleil.
À en croire le dernier sondage Léger Marketing -Le Devoir, M. Archambault était encore trop optimiste. À 39 %, le Oui n’atteindra même pas le niveau de 1980, et ceux qui souhaitent la tenue d’un référendum d’ici cinq ans sont encore moins nombreux (30 %). Certes, cela n’est pas une raison de lâcher, mais les militants péquistes qui se pencheront en fin de semaine sur un énième plan d’action doivent regarder la réalité en face : la route est encore longue.
« Il faut sans cesse refaire la promotion et la pédagogie de la souveraineté », a dit M. Archambault. La possibilité que la population ait très bien compris en quoi elle consiste et qu’elle n’en veuille tout simplement pas sera toujours trop intolérable pour être envisagée.
Avec le temps, plusieurs en sont venus à se méfier de la « pédagogie » péquiste, qui a trop souvent versé dans l’exagération. Dans un texte qui tenait lieu d’éditorial au National Post mercredi, le chroniqueur Jonathan Kay a réagi avec une rage assez grotesque à un passage d’un document de la Commission des états généraux sur la souveraineté, qui accusait le gouvernement fédéral d’avoir laissé les provinces anglophones perpétrer « un ethnocide en douce » des Acadiens et des francophones hors Québec. Le Québec lui-même aurait été victime de plusieurs tentatives d’« éradication ».
Cela ne justifiait certainement pas M. Kay de comparer Pauline Marois à Idi Amin Dada, qui avait imposé un régime sanguinaire à l’Ouganda dans les années 1970, mais bon nombre de Québécois auraient aussi été indisposés par le vocabulaire utilisé par la Commission, si ce texte n’était passé complètement inaperçu.
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L’éditorial du Post posait une question à laquelle les souverainistes auraient intérêt à réfléchir : « Qui voudrait partir un nouveau pays avec une bande de braillards et de victimes professionnelles ? » Il complimentait même Option nationale, qui misait plutôt sur les aspects positifs de la souveraineté.
Si le parti de Jean-Martin Aussant a connu un tel succès d’estime auprès des jeunes au cours de la dernière campagne électorale, c’est largement parce qu’il a abandonné le vieux refrain de la victimisation au profit d’un discours axé sur l’avenir.
Il est vrai que le message est aussi dans le messager. Si les partisans d’ON semblent parfois considérer M. Aussant comme une sorte de gourou, il est bien difficile de voir en Pauline Marois une incarnation féminine du Moïse qui guiderait les Québécois vers la terre promise.
À moins d’avoir le sentiment d’une insupportable persécution, ce qui n’est pas le cas, adhérer massivement à un projet de sécession suppose un très haut degré de confiance dans ceux qui en font la promotion. De toute évidence, un gouvernement dont la majorité des électeurs se disent insatisfaits ne répond pas à ce critère.
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Les 33 % d’intentions de vote dont Léger Marketing le crédite n’assureraient pas une majorité de sièges au PQ, même s’il profiterait sans doute de la chute de 7 points en cinq mois subie par la CAQ, qui ne recueille plus que 20 %. Que le PLQ, même privé de chef, ait pu retrouver tous ses appuis (31 %) depuis la dernière élection a de quoi inquiéter.
Les libéraux ne pourront que bénéficier de l’arrivée d’un nouveau chef et les audiences de la commission Charbonneau ne semblent toujours pas leur avoir causé le tort irréparable qu’on prédisait. La répétition du scénario du 4 septembre ou, pire encore, l’élection d’un gouvernement libéral, même minoritaire, serait un coup très dur pour le projet souverainiste.
Le président du PQ a été catégorique dans son entrevue au Soleil : il n’y aura pas d’alliance stratégique avec les autres partis souverainistes, de crainte que celle-ci ait plutôt pour effet de repousser des électeurs allergiques à QS vers la CAQ. Selon lui, les souverainistes n’ont leur place qu’au PQ.
Aussi bien Françoise David que Jean-Martin Aussant ont dénoncé cette prétention au monopole, mais ni l’un ni l’autre ne semblent vouloir favoriser un rapprochement.
Depuis le budget de l’automne dernier, la porte-parole de QS accuse le gouvernement Marois d’avoir renié ses promesses électorales, tandis que le chef de l’ON accuse ses anciens collègues d’être plus intéressés à conserver leurs limousines ministérielles qu’à faire la promotion de la souveraineté.
Dans un texte publié dans Le Devoir hier, les membres de l’exécutif du Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) disaient craindre que, « sous l’action partisane, les différences d’opinions deviennent à la longue des antagonismes insurmontables ». C’est bien parti pour cela.


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