Redessiner la finance

Bourse - Québec inc. vs Toronto inc.




Ce texte sera prononcé aujourd'hui par M. Petrella à l'ouverture du Sommet mondial de la finance sociale et solidaire organisé à Québec par INAISE (Association internationale des investisseurs en économie sociale)

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Il est urgent de redessiner le système financier actuel, pour deux raisons principales: parce que d'abord il est «insoutenable» sur le plan économique, social et politique; et puis parce qu'il est incapable de participer à la construction d'un futur pour tous, face notamment aux nouveaux grands enjeux planétaires représentés par le changement climatique.
Il est insoutenable, car son code génétique, qui fait de la création de richesse pour les détenteurs privés du capital investi la raison d'être de tout le système, l'empêche de donner une quelconque priorité au droit à la vie pour des milliards d'êtres humains. Les dégâts causés pour les plus démunis par la dernière crise financière, dite des «subprimes», encore à l'oeuvre, et le scandale représenté par la crise, aussi en cours, des aliments de base tels que le pain ou le riz démontrent, si besoin en était, que le système actuel n'est pas fait pour valoriser les énormes richesses financières du monde (en croissance) au service du droit à la vie de tous les peuples et de tous les humains.
L'ensemble des travaux du GIEC (Groupe international d'études sur le climat) souligne que l'augmentation de la température moyenne de la planète se traduit par des changements climatiques majeurs (il serait d'ailleurs plus correct de parler de désastres climatiques) affectant la disponibilité et les conditions d'accès à l'eau, à la nourriture, à la santé, à l'habitat, à la sécurité d'existence. Selon ces travaux, les effets dévastateurs toucheront davantage les régions et les pays habités par les populations pauvres, qui souffrent déjà de graves problèmes environnementaux, économiques et sociaux.
Repenser la richesse
Afin de mitiger la croissance de la température en la maintenant en dessous de 1,8 à 2 degrés maximum d'ici l'an 2100, il faudra investir massivement dans la reconstruction de l'habitat humain (villes et bidonvilles) et du système de transport sur route, dans la transformation radicale des modes de production agricole et industrielle, dans la protection du territoire...
Cela signifie repenser les notions de richesse (mettant l'accent sur les richesses communes), de sécurité et de souveraineté (en valorisant la sécurité collective et la souveraineté partagée responsable), de biens économiques (en découvrant une nouvelle générations de biens communs mondiaux tels que l'eau, les forêts, le vivant, la connaissance), de modes de vie (en cessant de considérer la croissance de la consommation comme le paramètre clé du progrès des sociétés humaines).
Or, au lieu de s'orienter vers la recherche d'une nouvelle conception de la finance et sa mise au service du financement des investissements destinés à garantir la sécurité d'existence pour tous, grâce à la production et à l'accès aux biens et aux services communs indispensables et insubstituables à la vie et au vivre-ensemble, les classes dirigeantes actuelles proposent de renforcer le rôle de la finance privée, d'intensifier la marchandisation de la vie, de la santé, de l'eau, des forêts et d'universaliser la privatisation des services publics même locaux.
Finance alternative
En outre, loin de remettre le pouvoir de la finance sous le contrôle des pouvoirs publics nationaux et internationaux démocratiquement élus, elles imposent la soumission des pouvoirs publics au contrôle des marchés financiers et favorisent l'indépendance/autonomie et la liberté politique des oligarchies financières.
Il est impensable de laisser le gouvernement des changements climatiques aux intérêts de groupes financiers privés. Le changement climatique est et sera essentiellement un changement sociétal. Dès lors, nos sociétés ne peuvent pas se contenter de solutions de finance alternative aux marges du système telles que sont, à l'heure actuelle, la «finance éthique», l'«éco-finance», la «finance pour les pauvres», la «finance locale», et certaines formes de «finance sociale».
Une vraie mutation
Ces finances alternatives constituent certainement des avances importantes car elles sont les points de départ de nouveaux chemins. Sans mutation structurelle au coeur du système, cependant, elles sont destinées à rester des solutions périphériques. La mutation structurelle sur laquelle travailler est multiple, mais l'essentiel concerne la propriété de la richesse et, partant, les finalités du financement de sa production et redistribution.
La propriété doit être commune et publique pour tout ce qui a trait aux biens et aux services indispensables et insubstituables pour la vie et le vivre-ensemble, et mise sous la responsabilité de la collectivité, du local au mondial, à travers aussi une génération nouvelle de taxation. Il faut apprendre surtout à développer la responsabilité collective de la propriété des biens communs mondiaux.
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Riccardo Petrella, Économiste, fondateur du groupe de Lisbonne et du Comité international pour un contrat mondial de l'eau et professeur émérite de l'Université catholique de Louvain

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