Quoi qu'on dise...

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009

C'est dans l'ambre des derniers rayons du soleil couchant que les descendants de Wolfe et de Montcalm lurent, avec une lumineuse sobriété, en ce samedi 12 septembre 2009, des lettres de leurs aïeux sur les plaines d'Abraham. Le Moulin à paroles, dont les ailes s'étaient activées quelques heures plus tôt, prit alors une irrépressible vigueur soulevant de son souffle la foule et l'unifolié trônant sur le kiosque Edwin-Bélanger. La nuit tomba, mais le florilège déclamé nous fit oublier que le jour avait disparu.
Il fallait y être. Il fallait y être, souverainiste ou non, pour entendre le collier de ces mots sourdre des profondeurs de nos mémoires. Il fallait y être pour entendre l'éclat de ces voix d'ici dans le fracas des souvenirs perdus. Il fallait y être parce qu'il est si rare...
Je suis né en 1981 au moment où le Québec entra dans sa grande déception. Jamais je n'avais senti, jusqu'à ce jour de mes 28 ans, pareil enthousiasme lors d'un événement artistique. Lorsque je quittai les plaines au milieu de la nuit sous un ciel parsemé d'étoiles, j'étais certes transi et ankylosé, mais j'étais avant tout transporté par une communion et une fierté que je savoure encore.
Le Moulin à paroles a été un événement engagé. Le corpus choisi ne laisse planer aucun doute sur les convictions des organisateurs de l'événement. Malgré tout, comme ce fut annoncé, le Moulin à paroles a été un événement rassembleur. Les textes choisis font tous partie de l'histoire de la nation québécoise. Les lire sans les pervertir, c'est dire notre histoire à tous en toute objectivité. Cela étant dit, tous étaient conviés à entendre ce que, entre autres, nous fûmes.
Ce que nous fûmes et ce que nous sommes n'a pas parfois rien d'édifiant. La lecture du Manifeste du FLQ par Luck Mervil montra bien qu'il est difficile d'apprendre de nos erreurs passées. Alors que l'impassibilité de Gaétan Montreuil eût été préférable, Mervil n'a pas su calmer sa propension à l'emphase lorsqu'il fit la lecture du tristement célèbre manifeste. Et des applaudissements ont fusé comme une lourde rumeur honteuse. Malgré le fait que j'aurais été outré que l'on retire ce texte du corpus du Moulin, je n'ai pas applaudi à cette lecture, circonspect comme plusieurs autres spectateurs présents. Je n'ai pas applaudi à ce terrible désaveu de notre démocratie, ce manque flagrant de confiance en un peuple parfois passif, il faut l'avouer, mais prêt à de grandes métamorphoses pour autant qu'elles lui soient proposées avec conviction, sagesse et amitié. Le manifeste devait être lu, mais il devait être accueilli comme il se doit.
Quoi qu'on dise, le Moulin à paroles fut un grand événement, représentatif du caractère unique de la nation québécoise. Quoi qu'on dise, les Québécois sont encore prêts à entendre parler de leur identité, de leur culture et de leur histoire. Quoi qu'on dise, de nombreux Québécois espèrent encore le pays du Québec.
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Alexandre Mc Cabe, Professeur de littérature


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