Essai québécois

Quelles relations internationales pour le Québec ?

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L'argument fédéraliste le plus grossier con-tre la souveraineté est celui selon lequel l'indépendance du Québec signifierait une fermeture sur le monde. Dans les faits, le Québec, surtout depuis les années 1960, c'est-à-dire depuis la montée en force du mouvement souverainiste, est habité par un désir soutenu d'entrer directement en contact avec le reste du monde, mais ce désir est sans cesse entravé par le gouvernement fédéral qui tient mordicus à ce que «le Canada parle d'une seule voix sur la scène internationale».
Or, comment le Québec, dont la réalité économique, les ressources naturelles et la composition culturelle et linguistique sont très distinctes de celles du reste du Canada, «peut-il défendre ses intérêts dans le contexte de la globalisation s'il n'a pas une certaine autonomie ou souveraineté dans ses relations internationales»?
Cette question, c'est Jean-François Payette, doctorant en science politique à l'UQAM, qui la pose, dans Introduction critique aux relations internationales du Québec, un solide ouvrage théorique qui entend proposer une nouvelle approche en cette matière. Selon lui, en effet, la doctrine Gérin-Lajoie, qui définit les relations internationales du Québec depuis 1965, a fait son temps et devrait être remplacée par une «paradiplomatie identitaire pour le Québec».
Actuellement, trois thèses ont cours à ce sujet. La thèse souverainiste affirme que, «pour accéder véritablement à l'univers international, le Québec devrait décréter sa souveraineté» puisque seuls des gouvernements nationaux souverains peuvent pleinement revendiquer cette prérogative. La thèse fédérale est tout aussi claire en plaidant qu'«il ne peut y avoir qu'un seul visage international pour le Canada». La troisième thèse, la doctrine Gérin-Lajoie, tente de ménager la chèvre et le chou en se fondant sur le con-cept du «prolongement international des compétences internes du Québec». Ottawa, suggère-t-elle, peut bien ratifier des traités, mais si ceux-ci s'appliquent à des champs de compétences provinciaux, les provinces doivent pouvoir aussi les négocier.
Or, explique le politologue ouvertement souverainiste, si cette dernière doctrine a bien permis au Québec de développer une certaine «pratique internationale» depuis 40 ans, elle ne lui a pas permis de développer une véritable politique étrangère autonome, fondée sur une forme de souveraineté et sur une légitimité autre que symbolique. La paradiplomatie identitaire, qui «ne cherche pas à attaquer de front la souveraineté dominante, mais [...] s'affaire sans cesse à s'assimiler des fragments d'une souveraineté qui ne lui était pas impartie à la source», permettrait la mise en oeuvre d'une réelle politique étrangère et renforcerait la nation québécoise en lui donnant l'occasion de se faire reconnaître par les autres, sur la scène internationale. Inutile de préciser qu'une telle politique créerait des frictions entre Québec et Ottawa. Quand le Québec s'affirme, en effet...
L'histoire des relations internationales du Québec en témoigne. Avant 1960, le Québec a tissé quelques liens avec certains pays (Grande-Bretagne, France, Belgique, États-Unis), «mais sans jamais remettre en cause, ni dans ses intentions ni dans ses actes ni au plan symbolique, la souveraineté canadienne sur la scène internationale». À partir de 1965, toutefois, la dynamique change. Le Québec signe des ententes avec la France et souhaite participer directement à des conférences internationales, notamment au Gabon, en 1968. Le gouvernement fédéral réagit très fortement en encadrant ces ententes et en faisant pression sur les pays tentés de considérer le Québec comme un interlocuteur à part entière. Les libéraux de Trudeau et Chrétien combattent avec acharnement «l'épanouissement du Québec sur la scène internationale», dès lors que ce dernier ne se limite pas à la sphère économique. Une affirmation forte de la souveraineté québécoise dans ce domaine, explique Payette, entraîne une réaction forte (répression ou centralisation) de la souveraineté fédérale, une affirmation moyenne suscite une réaction modérée (parrainage, récupération) et une affirmation faible est tolérée.
La doctrine Gérin-Lajoie, qui «se situe au point de rencontre d'une affirmation faible et moyenne de la souveraineté québécoise», et qui est malgré tout contestée par le gouvernement fédéral, condamne le Québec au statu quo, conclut Payette. Dans l'état actuel des choses, et depuis 40 ans, «on remarque que généralement les ministères canadiens portent ombrage à l'épanouissement du Québec», comme dans le cas du traité de Kyoto, par exemple, où le Québec voit sa situation énergétique avantageuse être négligée par un Canada qui n'en a que pour les producteurs de pétrole de l'Ouest.
En 2005, l'entente en matière d'adoption internationale entre le Québec et le Viêtnam a dû être soumise aux exigences du gouvernement fédéral. En 2006, le gouvernement du Québec, qui souhaite être présent à l'UNESCO, n'obtient qu'une place au sein de la délégation canadienne. La même année, au sommet sur Kyoto au Kenya, le Québec est réduit au silence.
L'application d'une paradiplomatie identitaire aurait exclu le gouvernement fédéral de l'entente avec le Viêtnam, aurait pu permettre au Québec, par des pressions directes sur le fédéral et sur l'UNESCO, et des pressions de ses partenaires subétatiques ou étatiques sur les mêmes instances, «d'obtenir un statut spécial mais distinct aux travaux de l'UNESCO» et de présenter sa politique environnementale au Kenya.
Le Québec ayant été reconnu comme une nation par un parlement fédéral opportuniste, pourquoi ne pas prendre ce dernier au mot? «En conséquence, suggère le politologue Louis Balthazar dans la postface de ce traité savant et audacieux, ne serait-il pas tout à fait vraisemblable pour le Québec de se présenter sur la scène internationale comme une nation? Et, ce qui importe au premier plan, de se faire reconnaître comme tel par un certain nombre de partenaires? Car, en relations internationales, tout se joue dans le regard des autres.» Manière de dire à ceux qui croient à l'avenir d'un Québec libre que toute souveraineté est bonne à prendre.
louisco@sympatico.ca
Introduction critique aux relations internationales du Québec
Jean-François Payette
Préface de Louise Beaudoin
Postface de Louis Balthazar
Presses de l'Université du Québec
Québec, 2009, 118 pages


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