Le gouvernement Legault étudie sérieusement l’idée de rouvrir la Charte de la langue française, ou loi 101, une option qui était pourtant exclue il n’y a pas si longtemps. Ce serait pour créer un poste de Commissaire à la langue française, un nouveau chien de garde relevant de l’Assemblée nationale.
Ce commissaire serait chargé entre autres de recevoir les plaintes du public et de formuler des recommandations à Québec sur les mesures à prendre pour préserver le statut du français comme langue commune.
Cette mesure fait partie des engagements électoraux de la Coalition avenir Québec (CAQ). Or, elle donnait l’impression de passer à la trappe depuis l’arrivée au pouvoir des troupes de François Legault.
À la fin de l’année dernière, et encore au printemps, la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, écartait des changements à la loi 101, disant avoir plutôt l’intention de l’appliquer avec plus de fermeté. Il n’était donc pas question de créer un poste de Commissaire à la langue française, car cela implique de rouvrir la Charte.
Or, cette mesure se retrouve en ce moment sur la planche à dessin à Québec, indique-t-on dans les plus hautes sphères du pouvoir. Le gouvernement compte déposer un plan d’action sur la défense et la promotion du français, et la création d’un Commissaire « est le scénario sur lequel on travaille », ajoute une source bien au courant du dossier.
Juge et partie
La création d’un tel ombudsman a d’abord été recommandée par la députée caquiste Claire Samson, dans un rapport déposé en 2016. Ce document visait à définir la position de la CAQ sur la langue.
À l’heure actuelle, l’Office québécois de la langue française « est chargé tout à la fois d’appliquer la loi 101, de juger de son application et de recevoir les plaintes », ce qui le rend juge et partie, peut-on lire dans son rapport. Il serait préférable, selon elle, d’avoir un commissaire indépendant, relevant de l’Assemblée nationale, pour entendre les plaignants, notamment. Sa recommandation n’implique donc pas d’élargir la portée de la loi 101. Le Conseil supérieur de la langue française, devenu au fil du temps une « coquille vide », serait quant à lui aboli, et ses fonctions seraient transférées au nouveau Commissaire, indique le rapport Samson.
Exclue de la formation du Conseil des ministres, la députée d’Iberville a manifesté son intention, le mois dernier, de faire pression sur le gouvernement pour qu’il respecte ses engagements et qu’il reprenne ainsi les recommandations de son rapport – dont également la francisation obligatoire des immigrants.
Un autre facteur politique est apparu sur l’écran radar du gouvernement : l’aile jeunesse du parti reprend la recommandation de Mme Samson et réclame un changement en ce sens à la loi 101. La création d’un poste de Commissaire à la langue française fait partie des propositions au menu du congrès de la Commission de la Relève de la CAQ, ce week-end.
Selon son président, Kevin Paquette, la loi 101 ne doit pas être un « tabou », même si la rouvrir peut représenter un certain « danger » politiquement.
« On veut défendre la pérennité du français. Et notre souhait, c’est que notre proposition soit reprise par notre gouvernement. »
Kevin Paquette, président de la Commission de la Relève de la CAQ
Il reprend essentiellement les arguments du rapport Samson pour justifier cette mesure.
À l’Assemblée nationale, au printemps, le Parti québécois avait déploré que la ministre Nathalie Roy mette de côté l’engagement électoral. Il avait voulu la placer dans une position délicate en déposant une motion qui lui demandait de créer un poste de Commissaire à la langue française. La CAQ avait finalement appuyé cette motion, comme tous les partis d’ailleurs, car ce fut un vote unanime. L’opération a mis de la pression sur le gouvernement, mais l’unanimité autour d’une telle modification à la loi 101 lui rendra la tâche plus facile s’il décide d’aller de l’avant.
Rares modifications
Adoptée en 1977 sous le gouvernement de René Lévesque, la Charte de la langue française, appelée couramment « loi 101 », a été modifiée à quelques reprises au fil du temps – seulement trois fois au cours des 20 dernières années. Le dernier changement remonte à 2010 et faisait suite à un jugement de la Cour suprême invalidant des dispositions qui interdisaient les « écoles passerelles ».