Québec espère une volte-face du fédéral sur Netflix

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Le plan fédéraliste : aider la presse rouge et nuire à Québecor

Le troisième budget Morneau doit être l’occasion pour le gouvernement Trudeau de corriger le tir par rapport au traitement fiscal réservé aux géants américains du Web, dit la ministre québécoise de la Culture, Marie Montpetit.


« On voit le budget comme une occasion pour le fédéral de répondre à cette question du dossier des plateformes étrangères », a indiqué la ministre vendredi en entretien avec Le Devoir. « Elles doivent être assujetties aux mêmes règles fiscales que les plateformes canadiennes », a réitéré Mme Montpetit, qui reprend ainsi un combat porté par son prédécesseur, Luc Fortin.


À la veille de la présentation du budget fédéral, la sortie de la ministre rappelle que le dossier représente toujours une pomme de discorde importante entre Ottawa et Québec. Mme Montpetit déplore notamment que sa collègue du fédéral, Mélanie Joly, n’ait jamais répondu à une lettre envoyée peu après son entrée en fonction, à la mi-octobre (le bureau de Mme Joly n’était pas disponible pour faire des commentaires dimanche).


« J’ai réitéré notre position par rapport à la taxation et j’ai demandé d’avoir accès à l’entente signée avec Netflix [un investissement de 500 millions sur 5 ans en production]. Je n’ai pas eu de réponse, et c’est pour ça qu’on a décidé d’aller de l’avant. »


Elle fait référence à la décision annoncée (mais pas encore entrée en vigueur) de Québec d’obliger les plateformes étrangères à percevoir la TVQ sur les produits qu’ils offrent — notamment les abonnements au service de vidéo Netflix.


Le gouvernement fédéral ne veut pour sa part rien savoir d’une obligation de perception des taxes à la consommation sur ce type de services. L’argument officiel est qu’Ottawa ne veut pas « augmenter le fardeau fiscal de la classe moyenne ».


L’automne dernier, plusieurs personnes ont dénoncé ce qu’elles estiment être un manque d’équité fiscale envers les plateformes canadiennes, qui doivent pour leur part facturer ces mêmes taxes à leurs clients.


Mme Montpetit souhaitait par ailleurs aussi que le budget fédéral permette d’annoncer une aide aux médias canadiens qui traversent une importante crise. « Je l’ai dit et je le redis : le fédéral doit apporter sa contribution pour maintenir ces piliers de notre démocratie. » Québec a quant à lui octroyé quelque 36 millions dans son dernier budget.


Le Devoir annonçait samedi (après l’entrevue avec Marie Montpetit) que le budget Morneau inclurait deux mesures pour la presse : une aide de 50 millions pour soutenir le journalisme local dans des communautés mal desservies, et la promesse d’explorer des manières de favoriser la philanthropie et les dons privés pour le journalisme professionnel à but non lucratif.


Les attentes du milieu


Les préoccupations de la ministre Montpetit par rapport au budget fédéral ressemblent passablement à celles exprimées par le milieu culturel québécois. Plusieurs intervenants interrogés par Le Devoirjeudi et vendredi disaient ainsi s’attendre à peu de grands investissements, puisque l’essentiel de l’effort fédéral en culture a été fait par le budget 2016 — Ottawa s’engageait à investir 1,8 milliard en cinq ans.


Il y a aussi que le gros du projet de politique culturelle canadienne présenté en septembre prendra forme quand Ottawa aura terminé les immenses chantiers qu’il a lancés en marge : la révision des lois sur la radiodiffusion, les télécommunications et le droit d’auteur, de même que celle du mandat du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).


Néanmoins, certains rendez-vous sont attendus dans le budget de mardi, relève Hélène Messier, porte-parole de la Coalition pour la culture et les médias (qui regroupe une quarantaine d’organismes provinciaux et nationaux). « On s’attend bien sûr à une continuité des engagements pris en 2016 », dit-elle en évoquant le doublement prévu du budget du Conseil des arts du Canada (CAC) d’ici 2020-2021.


« Mais dans Canada créatif [nom officiel du document présenté par Mme Joly l’automne dernier], la ministre avait annoncé l’augmentation du financement du Fonds des médias du Canada (FMC), sans jamais confirmer de montant », rappelle Mme Messier.


Pour pallier la baisse de la contribution des câblodistributeurs au FMC, Ottawa a en effet promis de « maintenir » la valeur du fonds… sans préciser quel serait le montant à maintenir. Le FMC vaut aujourd’hui 350 millions, soit 50 millions de moins qu’il y a trois ans. « On aimerait bien que sa valeur soit fixée au niveau de 2015-2016, soit 375 millions », souligne Hélène Messier.


Celle-ci plaide également pour des « investissements suffisants pour accompagner les médias dans la transition numérique »… et pour que « le premier ministre Trudeau et le ministre Morneau [Finances] voient la lumière » dans le dossier de la taxation des géants du Web.


Tout au CAC


En regardant la manière dont Ottawa a choisi de réinvestir en culture — essentiellement par une bonification majeure des fonds alloués au Conseil des arts et à Radio-Canada —, le coprésident du Conseil québécois du théâtre (CQT), David Lavoie, remarque « qu’il reste peu de marge de manoeuvre pour des initiatives que Mélanie Joly pourrait vouloir pousser ».


« On a tout misé sur deux institutions. Mais ça veut dire que tout doit se jouer par le CAC : le soutien aux festivals ou à l’exportation, la question du numérique… Au moins, le CAC a la marge de manoeuvre pour orienter la suite des choses. »


Directrice générale de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), Solange Drouin rappelle que « c’est une partie de la communauté culturelle qui est au Conseil des arts ». Une façon de dire qu’il y a une vie en dehors du CAC… et des besoins également.


Durant les consultations prébudgétaires, l’ADISQ a d’ailleurs demandé un réinvestissement de 8 millions dans le Fonds de la musique du Canada — argent qu’on aimerait voir destiné aux entreprises. « Le budget est le même depuis 15 ans alors que notre monde a complètement changé », fait valoir Mme Drouin. « On a entendu la ministre dire qu’elle comprenait l’anxiété du milieu de la télévision et du cinéma : il serait de bon ton qu’elle fasse un pas vers le milieu de la musique. »


> La suite sur Le Devoir.



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