La CAQ rêve d’une première percée sur l’île de Montréal

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Pointe-aux-Trembles visée par la CAQ

Les autobus qui seront de la campagne électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ) l’automne prochain feront quelque chose d’à peu près inédit dans la courte histoire de cette formation : des arrêts à Montréal.


Tant en 2012 qu’en 2014, l’essentiel des premières campagnes caquistes fut l’affaire de deux codes régionaux, le 450 et le 418. Les passages à Montréal étaient d’abord utilitaires (ils permettaient notamment au chef de dormir chez lui) et le plus souvent concentrés autour du quartier général de la formation, près du marché Atwater.

 


Les chauffeurs d’autobus traversaient ainsi Montréal le nez sur le GPS, en maudissant les nids-de-poule qui ralentissaient le trajet vers le prochain point de presse dans un stationnement de centre commercial à Rosemère ou à Sainte-Thérèse. Mais la montée du parti dans les sondages ouvre cette année de nouvelles perspectives pour la CAQ. Le 514, vraiment ? Une réelle percée sur l’île de Montréal semble encore relever de l’utopie. Mais penser que la formation de François Legault pourrait remporter un siège ou l’autre n’est plus nécessairement une idée hérétique.


Le chef en parlait d’ailleurs ouvertement jeudi, à La Pocatière. Interrogé à savoir si une possible candidature du péquiste Jean-Martin Aussant dans Pointe-aux-Trembles (PaT) pouvait compromettre les chances de la CAQ dans cette circonscription, François Legault y est allé d’un catégorique « pas du tout ».


Être patients pourquoi ?


« Je vous demande d’être patients dans PaT. C’est clair que c’est une circonscription qu’on vise à prendre, qu’on va prendre. On va avoir un député de la CAQ dans PaT. »


Patient pourquoi ? Parce qu’on ignore toujours qui sera candidat dans cette circonscription qui représenterait la meilleure chance du parti sur l’île. Et que selon les informations qui circulent, la CAQ entend confirmer la semaine prochaine « une grosse candidature » à Montréal — plus précisément dans l’est de l’île. « Ça va montrer le sérieux du parti », soutient-on.


« On veut mettre le pied sur l’île et on va travailler au moins trois ou quatre circonscriptions », indiquait cette semaine un stratège caquiste. Cela, même si « Montréal est l’endroit le moins intéressant électoralement au Québec pour les grands partis : il y a peu de gains à faire. Ça ne bouge pratiquement jamais. »


Cette année, la faiblesse actuelle du Parti québécois, la force de la CAQ et les ambitions de Québec solidaire (dans Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont, notamment) pourraient toutefois modifier les couleurs traditionnelles de la carte électorale.


La CAQ prévoit ainsi de mettre des efforts dans Maurice-Richard (anciennement Crémazie), Laurier-Dorion et Bourget. Mais avec cette dernière, c’est surtout dans Pointe-aux-Trembles — la pointe sud-est de l’île de Montréal — que la CAQ pourrait percer la muraille montréalaise.


Ce que disent les simulateurs


C’est ce que disent les simulateurs qui répartissent les intentions de vote dans chaque circonscription : c’est aussi ce que pensent les stratèges de la CAQ. « Bourget et PaT sont deux circonscriptions où la proportion de francophones est plus forte qu’ailleurs à Montréal, note Richard Campeau, candidat désigné dans Bourget. C’est normal que s’il y a un changement sur l’île, ça commence ici. »


Les statistiques du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) lui donnent raison : dans PaT, près de 93 % de la population a le français comme langue la plus parlée à la maison : c’est dix points de plus que la moyenne québécoise.


« Dans Bourget, un quartier comme le Faubourg Contrecoeur attire les jeunes familles, ajoute M. Campeau. Le prix des maisons est plus bas dans l’Est, ça aide. » Il y a aussi dans l’est de l’île une concentration de maisons unifamiliales ou de jumelés détachés qui tiennent plus du décor de la banlieue que d’un milieu urbain — sans compter la rareté de l’offre en transport collectif. « C’est un coin qui ressemble aux endroits où on a du succès, dit une source caquiste : la démographie et le décor sont semblables. »


Un indicateur concret ? Dans PaT, la CAQ a terminé deuxième derrière la députée sortante, Nicole Léger, tant en 2012 qu’en 2014. Outre des circonscriptions dans l’ouest de l’île où la CAQ a pu se classer deuxième avec moins de 10 % du vote, c’est le seul endroit où le parti était minimalement dans la course à Montréal.


Palpable


En coulisse, libéraux et péquistes se disent peu inquiets de la menace que poserait la CAQ à Montréal. « On ne perdra rien à Montréal, croit un libéral. La vraie bataille avec la CAQ, ça va être en Mauricie, dans Chaudière-Appalaches, en Beauce, à Québec… Mais à Montréal ? Non. »


Au Parti québécois, on fait valoir qu’il « ne faut pas négliger la force des réseaux. Dans PaT [la députée sortante] Nicole Léger est très bien implantée. » Et tout indique que le PQ aura un candidat connu — que ce soit Maxime Laporte, de la Société Saint-Jean-Baptiste, ou Jean-Martin Aussant.


Cela dit, le Nouveau Parti démocratique a démontré en 2011 qu’il est possible de gagner sans enracinement profond dans une circonscription. À ce chapitre, la CAQ dispose d’un comité local dans PaT… mais il a été impossible à joindre dans la dernière semaine.


« Il reste pas mal de travail de terrain à faire à Montréal », exprime un militant qui préfère garder l’anonymat. N’empêche que l’effet levier des sondages commence à se faire sentir, soutient pour sa part Laurent Champagne, président du comité local de la CAQ dans Joliette. C’est là une autre circonscription péquiste que les simulateurs disent prenable pour le parti de François Legault — c’est la vice-chef du PQ, Véronique Hivon, qui la représente.


« C’est une autre réalité par rapport à 2012 ou à 2014, affirme M. Champagne. Nous avions auparavant de la difficulté à trouver 10 bénévoles : nous en aurons au moins 30 au lancement de la précampagne [au début mars]. »


La facilité de recrutement se mesure aussi pour les candidatures. « La première année, on avait trouvé notre candidat à la dernière minute, se souvient M. Champagne. En 2014, c’était quelqu’un de l’extérieur. Et cette année, nous avons sept candidats, tous des gens de grande qualité. »


À la CAQ, c’est François Legault qui choisit les candidats — chaque comité local envoie une liste au comité de sélection du parti, qui recommandera deux ou trois noms au chef du parti.


Militants invisibles


Et les militants ? C’est une des particularités de la CAQ : sa base militante n’est pas très visible. Durant les campagnes de 2012 et 2014, François Legault se contentait ainsi de rares événements partisans, toujours très modestes par rapport aux grands rassemblements qu’aiment libéraux et péquistes.


Laurent Champagne remarque là aussi un début de changement. « On a fait un cocktail privé avant un discours de François Legault lundi dernier et ç’a été un succès, dit-il. On a réussi à mobiliser les gens d’affaires de la région sans que ce soit difficile et sans que personne annule. C’est nouveau. »


Dans Bourget, Richard Campeau reconnaît que la présence plus diffuse des militants « joue un rôle dans la manière de préparer le terrain ». C’est-à-dire ? « Comme candidat, je vais avoir plus de présences à plus de petits événements, dit-il. Je vais aussi faire plus de porte-à-porte. »


> La suite sur Le Devoir.



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