Que faire avec la nation?

La nation québécoise vue par les fédéralistes québécois


Ce n'est pas parce qu'on a raison, qu'on a raison d'imposer sa raison. Dans le dialogue, il n'est jamais raisonnable d'imposer sa raison, aussi raisonnable soit-elle. On peut défendre une bonne cause pour de mauvaises raisons; comme on peut défendre une mauvaise cause pour de bonnes raisons. Avoir raison n'est donc pas toujours utile. Plus encore, on n'a pas toujours raison d'avoir raison
Michael Ignatieff peut avoir raison dans sa notion de nation québécoise, mais il n'a pas raison de vouloir l'imposer à un congrès de nomination d'un candidat à la tête d'un parti meurtri. Il risque fort d'en payer le prix. Même s'il dilue sa proposition, le manque de jugement demeure.
Évidemment, il nous faut donner des raisons à ce défaut de raison La première, et la plus évidente, est que ce n'est ni le lieu ni le temps d'aborder une question aussi vaste et aux conséquences si lourdes : un congrès de nomination doit servir autant à regrouper des forces qu'à désigner celui qui les dirigera. S'il est un parti qui doit refaire son image, c'est bien le Parti libéral du Canada. C'est une chose de convenablement identifier le Québec à l'intérieur de la fédération canadienne. Mais en faire un cheval de bataille subit, lancé au galop pour faire plaisir à un public de télévision, est totalement inapproprié; plus encore, d'une extrême maladresse.
M. Ignatieff doit bien se rendre compte qu'il facilite non seulement le jeu de ses adversaires candidats, mais aussi des conservateurs amusés, et encore plus du Bloc et du Parti québécois. Pas parce qu'Ignatieff n'a pas raison; simplement parce que ses conclusions hâtives déplacent le débat à un autre niveau politique, celui de l'insertion dans la Constitution canadienne. Trouvez-moi un seul citoyen canadien, en dehors du Québec, qui veuille aujourd'hui ouvrir la Constitution... Une telle proposition est, dans le contexte précis de ce congrès, marque d'ignorance ou d'incompétence. Attributs gênants pour un universitaire réputé pour ses qualités intellectuelles incontestables. Mais, semblerait-il, inconscient de la portée des mots et de leur résonance dans un engagement politique : l'adversaire rêvé du PQ et du Bloc!
Dans le fond, les Québécois, de quelle que tendance soient-ils et si préoccupés soient-ils de leur identité nationale, n'accordent que très peu d'importance, aujourd'hui, à la reconnaissance constitutionnelle de cette particularité historique et culturelle. D'abord, les indépendantistes ne voudraient pas la voir formellement concrétisée : pour eux, ce serait le signe d'un lien indéfectible du Québec au Canada. Les fédéralistes, eux, n'ont pas besoin de cette officialité : ils exigent le respect dans le concret, plutôt que les mots dans l'affrontement. Pour les uns comme pour les autres, le souvenir de Meech et Charlottetown a laissé des cicatrices que personne ne veut rouvrir.
Le ROC, avec ses millions d'immigrants, ne connaît rien à notre histoire; avant de pouvoir lui expliquer notre "nationalité québécoise", il faudra compter des lunes. Commençons par leur apprendre que nous sommes les premiers "Canadiens".
Que les Québécois reconnaissent leur identité "nationale" : eux, ils ont de bonnes raisons de le faire.


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