Que cache la démesure de la réaction saoudienne ?

L'Arabie saoudite veut-elle se tailler un statut d'intouchable calqué sur celui d'Israel ?

2c968cd5e95a1809e3923eda3a982b11

Chronique de Gilles Verrier

Par voie diplomatique le Canada a réclamé la libération d'une femme emprisonnée. Oh my god !

Ce genre d'intervention droit de l'hommiste est un peu l'ordinaire du Canada. Mais tous savent bien qu'envers l'Arabie saoudite le Canada n'ira jamais plus loin que d'exprimer sa moralité supérieure, limitée généralement à des cas individuels montés en épingle. Non pas que ces cas soient sans importance, mais le traitement spectaculaire qui en est fait masque utilement les rapports de domination plus généraux qui affectent des multitudes. La vertu du Canada ne concerne pas le régime des Saoud mais « des cas » qui surgissent occasionnellement. Somme toute, une politique inoffensive destinée à entretenir à peu de frais l'image du bon Canada. Du reste, le Canada n'a même pas refusé de vendre ses blindés aux Saoud, les leçons de morale et le vil commerce ne sauraient former un tout cohérent chez les libéraux de tout poil. Or, si il y a une chose qui frappe avec la présente saga c'est la démesure de la réaction saoudienne. 


L'hyper réaction saoudienne n'a rien d'une erreur de communication ou d'un dérapage, elle apparaît plutôt comme nettement délibérée. Elle vise à faire progresser un agenda, mais lequel ? L'Arabie saoudite voudrait-elle se faire les dents sur le vulnérable Canada ? Lui montrer qu'on ne peut à tout bout de champ agacer la monarchie absolue des Saoud ? Si l'Arabie saoudite réussit son coup, la leçon vaudra pour les semblables du Canada, autres pays du bloc occidental. On saura que l'Arabie saoudite n'a plus envie qu'on la picosse !


Poursuivons le décodage


L'AS aurait trouvé avec le Canada le parfait terrain de pratique pour redéfinir et imposer son nouveau statut. Sur le plan des échanges de tout ordre, le Canada a plus à perdre que l'AS dans la présente épreuve de force.  L'AS, elle, a beaucoup à gagner et elle est clairement passée à l'offensive. Il apparaît chez les Saoud une nette volonté de se tailler un statut d'immunité comparable à celui d'Israel, qui s'accompagnerait d'une interdiction de la critiquer. Peu importe les crimes contre l'humanité et les violences contre les populations civiles, on devra compter désormais non pas un mais deux pays, deux chouchous de la « communauté internationale » au statut particulier, équipés pour échapper à l'écran radar de ceux qui se spécialisent dans la chasse aux violations des droits humains.


L'Arabie saoudite, allié discret mais étroit d'Israel, aura beaucoup appris de son maître. Les deux pays se rejoignent par leurs politiques ultra-identitaires, leur exclusivisme religieux et leur facilité à utiliser les méthodes musclées et les moyens militaires disproportionnés contre les civils. L'AS chercherait-elle à jouer sur la scène internationale le même jeu qu'Israel ? Si l'AS ne dispose pas pour le faire des outils du chantage à la Shoah et à l'antisémitisme, auxquels les sionistes n'hésitent jamais à recourir, elle dispose en revanche des atouts du pétrole et de l'argent du pays, concentré entre les mains de la distinguée famille. Elle dispose aussi de l'appui discret d'Israel. Les deux pays n'ont-ils pas coopéré la main dans la main pour l'émergence du terrorisme en Syrie ?


L'hypocrisie du Canada 


Le Canada s'est déjà soumis à l'Arabie saoudite par sa tolérance pour le financement étranger des mosquées où sévit l'influence salafiste. Il a laissé croître en son sein des réseaux radicaux qui ont déjà permis à plusieurs terroristes d'aller et venir du Canada à la Syrie et vice versa. Mais il semble bien que cette mollesse canadienne, cette tolérance pour le « bon terrorisme », ne soit plus suffisante. L'Arabie des Saoud aurait découvert la potion magique 2.0  L'islamophobie ne rivalisera certes pas avec l'antisémitisme quand il s'agit de fermer des gueules, mais on dirait que comme prétexte à la censure elle cherche à se positionner comme son frère cadet. N'est-ce-pas déjà un peu le cas ?


Si on a vu que le Canada est prêt à jouer les gros bras contre certains pays désignés, comme l'Iran et la Libye de Kadhafi, en revanche, non seulement ne lèvera-t-il jamais le ton contre l'Arabie saoudite mais il s'interdira de la critiquer. L'hypocrisie de la cause des droits de l'homme est parfaitement vérifiable avec ces exemples. Pour ce qui est des pays qui « s'attaquent à leur propre peuple », il y a des « go » et des « no go ». Et les pires sont rarement ceux que la presse système de nos régimes occidentaux nous invite à détester.


Featured 11c309e183a1007b8a20bca425a04fae

Gilles Verrier138 articles

  • 217 646

Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Pierre-Yves Dubreuil Répondre

    23 août 2018

    Je crois que la décision de l'A-S de retirer ses «troupes» du Canada est dû simplement à la montée de courants plus cohérents et critiques que les forces libérales, qui elles sont plus cyniques. Il n'y a aucun doute que les saoudiens profitaient des largesses du régime libéral.