Le Québec réel est passé à côté de sa destinée en 1995. Je sens du découragement, de l'indifférence, du mépris et de la tristesse dans la société québécoise. [...] Le Québec a maintenant une culture, une langue et des organisations bien à lui, mais pas de pays. Le Canada, cette colonie britannique, en souffre tout autant.
Le Québec réel est un peu comme un avion prêt à décoller. Malheureusement, ça peut devenir pénible de passer trop de temps dans l'avion. On vient à manquer d'air, on commence à avoir les jambes engourdies, des raideurs se font sentir un peu partout, surtout chez les gens plus âgés. Bref, plusieurs finissent par paniquer, ils veulent sortir de l'avion, retourner chez eux et tout abandonner pour regarder la télé et se laisser endormir. D'autres tentent de les convaincre de rester, mais en vain.
Et puis aujourd'hui, voilà que dans cet avion, le pilote à la mode devient autonomiste. Il a trouvé une solution pour faire patienter les passagers et perpétuer le statu quo. Le jeu consiste à trouver quelques têtes de Turcs dans cet avion pour encore une fois ne pas faire face à la réalité. [...] Dans ce Québec réel, moi, j'ai 29 ans. Je n'ai pas envie de passer les 30 prochaines années à parler de séparation, de fédéralisme et maintenant d'autonomisme.
Je ne m'en cache pas, j'ai quitté cet avion et l'indifférence m'a enveloppé sans que pratiquement je n'en ressente de la tristesse. J'ai même fait mon deuil de ce voyage. Mais je dois avouer que j'en veux à celles et ceux qui ont voté NON en 1995. En même temps, je sais que le problème en est un d'éducation et d'histoire, que certains intellectuels et politiciens comme Trudeau, Chrétien et Dion ont mené le Québec à ce qu'il est aujourd'hui: un avion rouillé sur un tarmac. Pour bien visualiser ce Québec réel, imaginez cet avion à l'aéroport de Mirabel!
Mon Québec imaginé
Mon Québec imaginaire, il a 12 ans et sa voix a grandement mué. Dans mon Québec imaginaire, l'aéroport de Mirabel a été rouvert car des gens de partout dans le monde veulent venir nous visiter pour nous prendre en exemple. [...] Dans ce Québec, en plus du français comme langue officielle, tout le monde pourrait bien parler et écrire l'anglais et même une troisième langue. Le savoir et l'innovation seraient des qualités omniprésentes. On se comparerait à la Suède et au Danemark plutôt que de reproduire le modèle canadien-anglais ou états-unien.
Le Québec aurait aujourd'hui une population de neuf ou même dix millions de personnes. Les jeunes feraient davantage de bébés et nous aurions, après avoir fait la promotion d'un Québec ouvert sur le monde, attiré des Français, des Suisses, des Belges, etc., dans le but de rendre plus fort le fait français en Amérique du Nord et pour développer le Québec à tous les niveaux. Nous accueillerions des victimes des guerres et de la pauvreté en offrant des services d'intégration exemplaires, au point où d'autres pays viendraient étudier nos façons de faire.
Si je mets mon Québec réel et l'imaginaire en parallèle, je me dis que c'est encore possible. [...] Le combat n'est pas fini. Toutefois, je dois avouer que je vous écris de Suède, où j'ai immigré, pour trouver un peu la forme du pays auquel je rêve pour le Québec. Puisque je me sais mortel, le bonheur pour moi c'est maintenant. Depuis que je vis ici, je suis plus souverainiste que jamais et fier d'être Québécois. Et sincèrement, j'espère que lorsque je retournerai au Québec, mon avion atterrira à l'aéroport international René-Lévesque.
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Sylvain Racine, Gothenbourg, Suède
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