Stéphane Dion était ministre des Affaires intergouvernementales dans le cabinet de Jean Chrétien lors de la création de la Loi sur la « clarté référendaire ».
Contrairement à ce que soutiennent Félix-Antoine Michaud, Marie-Andrée Plante et Patrick Taillon (« Indépendance. Quand le Royaume-Uni fait la leçon au Canada », Le Devoir, 31 octobre 2012), l’accord d’Édimbourg sur un référendum sur l’indépendance de l’Écosse est proche des principes de l’avis de la Cour suprême du Canada sur la sécession du Québec et la Loi sur la clarté qui lui donne effet.
Convenu le 15 octobre 2012 entre le premier ministre britannique David Cameron et le premier ministre écossais Alex Salmon, l’accord d’Édimbourg accorde au gouvernement écossais le pouvoir de légiférer sur un référendum sur l’indépendance. Chez nous, le gouvernement du Québec a déjà ce droit, puisqu’une province canadienne a le pouvoir de tenir un référendum sur le sujet de son choix.
Un résultat référendaire en soi ne donne pas le droit d’effectuer une sécession. Mais l’expression d’un appui clair pour la sécession obligerait les parties à entreprendre des négociations sur la sécession. On en convient au Royaume-Uni comme au Canada. L’accord d’Édimbourg vise à établir les conditions de clarté qui justifieraient le déclenchement de négociations sur un enjeu aussi grave et crucial que la scission du pays.
L’accord d’Édimbourg prévoit que le référendum posera une question unique portant sur l’indépendance de l’Écosse. La question sera déterminée par le Parlement écossais, mais elle doit être « juste, facile à comprendre et en mesure de produire un résultat que tous pourront accepter en toute confiance ». Nulle part dans cet accord le gouvernement britannique ne s’oblige à accepter une question qui à ses yeux ne respecterait pas les exigences de clarté convenues.
La Commission électorale de Grande-Bretagne - l’équivalent d’Élections Canada - fera des consultations en vue d’évaluer l’intelligibilité de la question et fera rapport au Parlement écossais ; par la suite, le gouvernement écossais devra répondre à ce rapport. On conçoit que si le gouvernement écossais devait rejeter les vues de la Commission, le processus référendaire serait gravement compromis. Cela dit, les risques d’un tel désaccord sont minces. Le gouvernement écossais a déjà indiqué sa faveur pour le libellé suivant : « Voulez-vous que l’Écosse devienne un pays indépendant ? »
La Cour suprême du Canada est d’avis qu’il ne faut pas fixer de seuil de majorité à l’avance pour un référendum sur la sécession : « […] il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en quoi consiste “une majorité claire en réponse à une question claire”, suivant les circonstances dans lesquelles un référendum pourrait être tenu. » Pareillement, l’accord d’Édimbourg s’abstient de fixer à l’avance un seuil de majorité, mais dit bien que le résultat doit exprimer clairement (« decisive expression ») l’opinion du peuple écossais.
Quel qu’en soit le résultat, le référendum en lui-même ne conférera pas au gouvernement écossais le droit de déclarer unilatéralement l’indépendance. Rien dans l’accord d’Édimbourg ne lui confère un tel droit. Des négociations devront d’abord avoir lieu. Le gouvernement britannique a déjà soulevé, entre autres multiples enjeux, ceux de la dette et des ressources pétrolières. Il faudrait bien sûr que ces questions difficiles soient réglées préalablement à tout changement constitutionnel qui sortirait l’Écosse du Royaume-Uni.
Ainsi sont respectés les droits constitutionnels des Écossais : ils ne perdront pas leur appartenance au Royaume-Uni à moins de l’avoir voulu clairement. La Loi sur la clarté offre les mêmes garanties aux Québécois.
Il y a cependant une différence fondamentale entre le processus convenu pour l’Écosse et ce que nous vivons ici. Là-bas, le gouvernement indépendantiste a accepté de s’asseoir avec le gouvernement du pays pour convenir d’un processus de sécession qui s’inscrirait dans le cadre juridique. Chez nous, le gouvernement indépendantiste a toujours prétendu, contre toute logique, que le gouvernement fédéral n’avait aucun rôle à jouer.
Ni au Royaume-Uni, ni au Canada, ni dans aucune démocratie le gouvernement ne saurait procéder à la scission du pays et abdiquer ses responsabilités constitutionnelles envers une partie de la population sans avoir l’assurance que c’est bien ce que celle-ci désire. Les indépendantistes écossais l’ont compris. En cela, ils font preuve d’une maturité et d’un sens des responsabilités qui font malheureusement défaut aux indépendantistes de chez nous.
Indépendance
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