Quand le libre-échange s’invite

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Derrière l'unanimité de façade, de réelles différences entre les partis

C’est assez courant qu’un enjeu imprévu s’invite dans une campagne électorale. Cette fois-ci, cadeau du locataire de la Maison-Blanche, il se pourrait bien que ce soit la renégociation de l’ALENA.


À quand remonte la dernière élection qui nous a vraiment permis de débattre de la société dont nous rêvons, plutôt que de l’opportunité de ne pas tenir de référendum ? Le libre-échange devient dès lors un enjeu tout indiqué.


On pourrait pourtant penser que l’adhésion à son principe est assez consensuelle dans ce Québec où tant fédéralistes que souverainistes ont appuyé les progressistes-conservateurs, lorsqu’ils en étaient les porteurs, pendant la campagne fédérale de 1988.


Derrière l’unanimité des quatre chefs en campagne pour préserver la protection de la gestion de l’offre que respecte l’accord actuel se cachent des lignes de fracture qui sont réelles.


Embrasser les grands ensembles


Historiquement, l’appui des porte-paroles souverainistes à un accord de libre-échange à l’échelle nord-américaine allait de soi. Pour Jacques Parizeau et Bernard Landry, réduire la dépendance de l’économie du Québec au marché intérieur canadien, ça ne pouvait qu’aider le projet de pays.


Jean-François Lisée a habilement pris le leadership de la défense commune par les quatre chefs de la gestion de l’offre et de l’exception culturelle qui protège la production québécoise.


Pourtant, le chef péquiste sait trop bien qu’à l’échelle mondiale, les débats clivants, dont ceux sur l’identité, se déroulent de plus en plus entre ceux qui embrassent sans nuance les grands ensembles et ceux qui s’en méfient. Pas étonnant que le discours économique de M. Lisée soit jusqu’ici le plus protectionniste qu’on ait entendu venant du PQ.


À QS, c’est différent. Quand on parle d’immigration, on se situe clairement dans le camp des « globalistes », mais lorsqu’on discute d’économie, c’est le contraire. Gabriel Nadeau-Dubois ne dénonçait-il pas, en se lançant, la classe politique des trente dernières années qui avait préféré favoriser le libre-échange plutôt que d’aider les régions ? Il y aura donc des limites à l’appui de Manon Massé aux ententes dans leur forme actuelle.


Enjeux de fond


Au Parti libéral, c’est compliqué aussi. Quand Justin Trudeau aura consenti des aménagements à la gestion de l’offre, jusqu’à quel point le Québec-province pourra-t-il s’y opposer autrement qu’en principe ? Philippe Couillard n’a encore rien proposé de concret.


La prudence qu’il affichait hier après avoir parlé à son homologue fédéral indique déjà que ça pourrait être plus piégeux qu’un « Just watch me » lancé avec désinvolture. Si on accepte, comme cela circule, que les transactions en ligne en provenance des États-Unis soient exemptées de toute taxe jusqu’à un montant de 800 $, que dira la candidate Marwah Rizqy, qui en fait son cheval de bataille comme fiscaliste ?


Et finalement, il y a François Legault, qui sait trop bien que s’en prendre à la gestion de l’offre en campagne serait suicidaire. On se demande toutefois comment se sentent les fans de Maxime Bernier, parmi les anciens adéquistes qui doivent aujourd’hui appuyer un parti qui veut investir dans les CPE et les CHSLD.


Bref, derrière le consensus de façade, la renégociation catastrophe de l’ALENA dans un contexte électoral vient ajouter un caractère d’imprévisibilité qui nous permettra peut-être de discuter de vrais enjeux de fond.


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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.