Purs et durs?*

Bbe0141dbf402475cc435ec67b4756ea

Un nouveau procès en sorcellerie

*Je reprends ici ma chronique de ce matin dans le Journal de Montréal.
Aussitôt élu à la chefferie du Bloc Québécois, Mario Beaulieu s’est fait coller une étiquette qui lui collera à la peau: «pur et dur». Cela nous rappelle une chose: le vocabulaire des analystes n’est pas neutre et les mots sont des armes. Traiter quelqu’un de «pur et dur», c’est suggérer qu’il s’agit d’un fanatique. C’est l’accuser d’être déconnecté de la population et la mettre en garde en disant: cet homme est dangereux.
Yves Michaud a déjà eu une formule amusante: s’il y a d’un côté les « purs et durs », doit-on comprendre qu’il y a de l’autre des impurs et mous? Autour des «purs et durs» circulent des légendes urbaines. Ils contrôleraient le PQ et tiendraient en otage les chefs successifs. Soit ils suivent leur programme, soit on les fout à la porte. On les accuse d’avoir viré René Lévesque et Lucien Bouchard.
Sauf que c’est faux. Lévesque ne s’est pas fait pointer la porte par les «radicaux». Ce sont eux qui ont quitté en 1984 un parti que Lévesque dirigeait encore. Et ce sont les modérés de Pierre-Marc Johnson qui ont provoqué le départ de Lévesque qu’ils trouvaient vieilli. Quant à Lucien Bouchard, il avait cassé les radicaux. Il a quitté son parti en 2001 alors qu’il le dominait. Aujourd’hui, les «radicaux» sont marginalisés au PQ, même dans leurs bastions historiques.
C’est le rapport trouble du système médiatique au souverainisme qui se révèle ici. Un souverainiste n’est médiatiquement respectable que s’il voit l’indépendance comme un horizon souhaitable mais qui n’a rien d’urgent. Inversement, un souverainiste qui croit l’indépendance indispensable et qui travaille conséquemment à l’obtenir sera traité d’obsédé idéologique et de radical.
D’ailleurs, aux «purs et dur», on a collé une autre étiquette: on les traite de souverainistes pressés. Bizarre. Par définition, un souverainiste est pressé. Il croit que le Québec serait en meilleure situation s’il était indépendant. Il veut donc l’indépendance non pas demain, mais hier. Que serait un souverainiste reportant dans la joie l’indépendance à la semaine des quatre jeudis? Un impuissant fier de l’être?
On ferait mieux de parler de souverainistes optimistes ou pessimistes. Les premiers croient qu’il suffit de brandir l’étendard de l’indépendance pour réveiller la population. Les seconds croient qu’il faut rebâtir dans la durée le projet nationaliste. Ou encore, de volontaristes ou d’étapistes. Les premiers croient qu’il suffit de vouloir très fort l’indépendance pour l’atteindre. Les seconds qu’elle sera au terme d’un long chemin qui ne sera pas nécessairement en ligne droite.
Je ne livre aucunement un plaidoyer pour Mario Beaulieu. Mais je dis que le vocabulaire utilisé par les analystes et chroniqueurs pour parler des souverainistes est terriblement biaisé. Il témoigne du mépris inconscient avec lequel on traite le projet souverainiste dans un système médiatique où les seuls bons souverainistes sont ceux qui se comportent comme des perdants honorables et souriants.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé