Proulx refuse d’assujettir l’école à la maison à la loi 101

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L'anglicisation se poursuit sous la houlette des libéraux

Le ministre de l’Éducation n’entend pas soumettre l’enseignement à la maison à la loi 101, ce qui fait bondir les membres des trois partis d’opposition, qui lui livrent bataille en commission parlementaire et l’accusent de contourner l’esprit de la loi.



Les parents qui souhaitent faire l’école à la maison seront plus encadrés, mais pourront choisir d’être accompagnés par la commission scolaire de leur choix, en anglais ou en français. C’est du moins ce que prévoit un amendement du projet de loi 144 sur la scolarisation à la maison, présentement à l’étude à l’Assemblée nationale.



Présentement, plusieurs parents qui font l’école à la maison le font en marge du système. Le ministre Sébastien Proulx souhaite les ramener dans le radar du ministère en les forçant à s’inscrire dans une commission scolaire et à lui présenter un plan de scolarisation. Les commissions scolaires seront chargées de faire un suivi auprès des parents, de leur offrir de l’accompagnement et de s’assurer de la progression de l’élève à travers une évaluation annuelle dont les conditions restent encore à déterminer.



Pour donner du lest aux parents, le ministre entend leur laisser le choix de la commission scolaire avec laquelle ils souhaitent travailler. De façon plus précise, selon l’amendement à l’article 2 déposé par le ministre jeudi, les parents devront s’inscrire à la commission scolaire qui dessert leur territoire et qui sera considérée comme un « port d’attache ». Mais par la suite, ils pourront décider de faire affaire avec n’importe quelle commission scolaire ou établissement privé autorisé par le ministère à l’échelle du Québec, en fonction de leurs intérêts, de leurs besoins ou de la qualité des services offerts dans l’une ou l’autre de ces commissions scolaires.



« On va leur permettre [de choisir la commission scolaire] parce qu’on veut améliorer la relation [entre le parent et celle-ci], parce qu’on veut avoir une expérience positive en matière d’encadrement, parce qu’on veut que ça fonctionne, parce qu’on a des parents qui sont dans une situation où ils ont besoin de soutien », expliquait le ministre en commission parlementaire jeudi soir.



Pas soumis à la loi 101



Cet amendement, pas encore adopté et vivement discuté en commission parlementaire, prévoit que la langue du suivi sera laissée au choix du parent. Le ministre soutient que le parent qui ne parle pas français et qui doit faire la classe à son enfant peut le faire dans la langue qu’il souhaite et qu’il a le droit d’obtenir des services d’aide et d’encadrement dans la langue de son choix, puisque les services ne sont pas donnés à l’enfant, mais au parent.



Ainsi, un parent immigrant pourrait décider d’avoir des services en anglais s’il fait l’école à la maison, alors que celui qui s’inscrit à l’école doit le faire en français en fonction de la loi 101, confirme le ministre, qui assure que l’école à la maison n’est pas soumise à la loi 101.



« Les services d’accompagnement ne sont pas des services éducatifs donnés en classe et ne sont pas soumis à la Charte de la langue française, a-t-il répété. La preuve en est que c’est que lorsqu’on a débattu cette question de la Charte, on n’a pas inclus l’éducation à la maison parce que c’est dans la maison que ça se passe et qu’on ne légifère pas dans ce qui se passe à la maison. »



Matériel et programmes



En ce moment, les parents qui font l’école à la maison ont le choix de se rapporter à une des deux commissions scolaires francophone ou anglophone qui desservent leur territoire. Le ministre propose donc le statu quo. Mais les parlementaires des partis d’opposition souhaitent profiter de l’occasion, avec ce nouveau projet de loi qui vient encadrer l’école à la maison, pour réclamer que l’accompagnement de l’enseignement à la maison se fasse en français, sauf pour les parents qui ont été à l’école en anglais, comme c’est prévu dans la loi 101.



« Donc, si une famille qui en vertu de la loi 101 devrait être liée à une commission scolaire francophone décide de faire un suivi avec une commission scolaire anglophone, ça lui permet d’avoir accès à du matériel en anglais, a plaidé Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire. C’est quand même dur de ne pas voir ici une forme de contournement de l’obligation de fréquenter l’école en français et un contournement de l’esprit de la loi. »



Cela va encore plus loin, plaide à son tour Jean-François Roberge, de la CAQ. « On va même jouer dans les programmes avec ça, c’est insidieux. Une famille censée être scolarisée en français qui choisit d’être accompagnée dans le réseau anglophone risque d’avoir un projet d’apprentissage en concordance avec le programme de cette commission scolaire, donc au lieu de faire du français langue d’enseignement et de l’anglais langue seconde […] suivra le programme avec l’anglais comme langue d’enseignement et le français en langue seconde. Et ça, c’est une fort mauvaise idée, c’est une brèche importante dans l’esprit de la loi 101. Le ministre dira : “Oui, mais ce n’était pas prévu dans la loi 101”, mais je dirais que non, on ne prévoyait pas ça, de la même façon qu’on ne prévoyait pas à l’époque l’arrivée du iPhone. »



Point de rupture



Le ministre soutient que le fait de faire l’école à la maison en anglais ne donnerait pas un passe-droit à l’enfant au moment où celui-ci souhaiterait retourner sur les bancs d’école.



Mais pour Alexandre Cloutier, du Parti québécois, cela n’est pas réaliste. « La réalité, c’est que si les enfants reçoivent un suivi en anglais, jamais ils ne vont retourner dans le réseau en français, ça va être impossible pour eux parce qu’ils n’auront pas les acquis linguistiques nécessaires. Ce n’est pas pour rien qu’on veut que le suivi se fasse dans le respect des dispositions de la loi 101. Ce n’est pas un caprice, c’est parce que la langue commune au Québec, c’est le français. On va mener un combat là-dessus. »



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