Sur les Plaines d'Abraham ou ailleurs

Promouvoir l'unité canadienne par le mensonge

Cela ne démontre qu’une chose : pour faire de l’histoire du Canada un véhicule d’unité, il faut impérativement la travestir.

1759-2009 : la résistance

Le président de la Commission des Champs de bataille nationaux, André Juneau, a dit avoir sous-estimé la sensibilité des Québécois à l’égard de la Bataille des Plaines d’Abraham. Le coup de bélier dont il parle a plusieurs sources. La première est que 250 ans après ladite Conquête, le statut du Québec au sein du Canada demeure une affaire non réglée. Des décennies de débats constitutionnels n’ont abouti qu’à imposer au Québec la réforme de 1982 qui a diminué les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Non seulement cette injure n’a fait l’objet d’aucune réparation mais, compte tenu de l’extrême défaveur de l’opinion publique canadienne-anglaise, il s’agit même d’une impossibilité politique. Les nombreuses belles promesses passées n’ont engendré que deux insignifiantes motions à la Chambre des Communes, l’une sur la société distincte l’autre sur la nation, qui n’ont rien changé dans les faits, ce dont les Québécois ne sont pas dupes.
La seconde raison de cette réaction épidermique est le souvenir très récent du détournement du sens du 400e anniversaire de Québec par le gouvernement Harper. Le débat actuel sur l’interprétation des conséquences de la bataille des Plaines aura au moins eu l’intérêt de mettre en évidence l’incohérence propagandiste des affirmations fédérales de 2008. Comment pouvait-on s’être si peu attardé aux rappels historiques qu’auraient dû inspirer les 400 ans de Québec et avoir soudain un incontournable devoir de mémoire pour les 250 ans de la déroute de la Nouvelle-France? Aussi, pour prétendre, par exemple, que Michaëlle Jean est la successeure de Samuel de Champlain et que le français est la langue fondatrice du Canada, il fallait prendre bien soin d’ignorer les torrents de sang versé, tout le long des rives du Saint-Laurent, en 1759. Non, le Canada actuel ne découle pas d’une belle histoire d’amour entre francophones et anglophones mais bien d’une invasion militaire. Pour de nombreux Québécois, il n’était pas question de se faire faire le coup deux fois de suite, de la même façon que le ressac anti-conscriptionniste de 1942 a été grandement accentué par le dur souvenir de la crise de la conscription de 1917.
Invoquer des questions de sécurité pour tout annuler ne convainc personne. Depuis le tout début, avoir voulu faire de la commémoration de la bataille des Plaines d’Abraham « l’événement de l’été à Québec » était une grave erreur. Et ça, ce n’est pas la faute de Pierre Falardeau. Mais rien n’indique que cette insensibilité soit une exception. Lundi dernier, [Michael Ignatieff amoindrissait les conséquences de la Conquête britannique en insistant->17986] « sur ce qui est venu après, ça veut dire pas simplement la survivance du fait français en Amérique du Nord mais aussi l'épanouissement de ce fait ». Pour affirmer cela, il faut notamment fermer les yeux sur le triste sort des francophones hors-Québec, dont l’enseignement dans leur langue a été rendu illégal à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle et dont l'avenir est fort sombre. Cela ne démontre qu’une chose : pour faire de l’histoire du Canada un véhicule d’unité, il faut impérativement la travestir.
Christian Gagnon

Montréal

Featured 38a394e6dfa1bba986fca028dccfaa78

Christian Gagnon138 articles

  • 125 467

CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    19 février 2009

    Voltaire disait ¨Mentez mentez...¨ Les recycleurs de l'histoire, ardent fédéralistes, l'ont compris. Avec Desmarais, Chrétien, Harper, Verner et des journalistes serviles ils convertissent l'oppression en libération. Ainsi Le Droit publie une lettre d'opinion assurant que le français a été sauvé par les anglos au Québec et au Canada. Pour ces esprits tordus, je suppose que la déportation des acadiens a sauvé ce peuple, que les juifs ont été sauvés par Hitler et que Lord Durham en préconisant l'illégalité du français dans son rapport doit être fêté aussi comme un sauveur. Pauvres horlas et pauvres journalistes triés sur le volet et grassement payé pour leur loyalisme à la couronne. Ils ne sont pas séparatistes comme George Washington, eux.