Procureurs de la Couronne - Le gâchis

BLACO - Bureau de lutte au crime organisé



L'actuel affrontement entre les procureurs de la Couronne et le gouvernement n'a rien d'étonnant: cela fait des décennies qu'il perdure, sans égard aux étiquettes politiques. «La rémunération des procureurs de la Couronne est inférieure de près de 40 % par rapport à celle de leurs collègues ailleurs au pays», écrivait-on déjà en 1986.
En fait, la disparité considérable entre les ressources financières et matérielles dont disposent les procureurs du Québec et celles offertes dans le reste du Canada fit l'objet d'un premier rapport en... 1978. Le principe d'une correction fut par la suite appuyé par d'autres études (dont l'une signée d'Alfred Rouleau, l'ex-directeur des Caisses Desjardins, en 1985), des associations canadiennes de juristes, le Barreau du Québec, la magistrature... On vit même des ministres de la Justice, comme Herbert Marx dans le gouvernement de Robert Bourassa, témoigner leur sympathie pour la cause des procureurs.
Les procureurs, eux, chercheront à se faire entendre en usant d'une foule de moyens de pression en 25 ans: journées d'étude, refus de plaider certaines causes, manifestations, grève du zèle, grève illégale... Il y eut aussi des menaces de démission, des démissions très médiatisées de procureurs vedettes, des problèmes de relève. Mais, au final, les gouvernements n'ont jamais acquiescé à leurs demandes.
Tout ce rappel pour souligner que le scénario dans lequel nous nous retrouvons aujourd'hui n'est pas sans précédent. L'insensibilité gouvernementale est toutefois montée d'un cran. D'abord, bien peu de chances ont été laissées à la négociation. La présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, a reproché aux représentants des procureurs leur ton vindicatif. Mais quand un manque de ressources est avéré, c'est au gouvernement de faire en sorte que les discussions se poursuivent.
Surtout, la loi spéciale est une gifle: reculant sur les propositions salariales présentées au départ, le gouvernement assujettit les procureurs aux mêmes augmentations que pour l'ensemble de la fonction publique. Pour des employés en quête justifiée de reconnaissance, cela relève du mépris.
Plus profondément, c'est du désintérêt historique du Québec envers son système de justice qu'il est ici question. Dans notre société que l'on dit de droit, celui-ci est le parent pauvre des services publics. C'est bien après les autres que juges et procureurs ont par exemple eu droit à des ordinateurs. Et notre système n'est plus du tout adapté à la sophistication du crime organisé, des crimes économiques, de la cybercriminalité... Seul l'engagement personnel des procureurs permet au système de faire face à des dossiers aussi complexes. D'où le gâchis absolu d'en arriver à démobiliser à ce point procureurs en chef comme syndiqués.
Mme Courchesne a dit qu'avec la loi spéciale, il s'agissait de retrouver «un système de justice fonctionnel». Il aurait mieux valu que le système fonctionne parce qu'on y accorde de l'importance, qu'on en reconnaît les acteurs et qu'on y met les moyens pour faire en sorte que les postes à ouvrir puissent être pourvus.
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jboileau@ledevoir.ca


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