Unité anticorruption

Des objections majeures

Les limites et balises d'une unité anticorruption permanente sont considérables et prévisibles

BLACO - Bureau de lutte au crime organisé


Claude Laferrière - Avocat et chargé de cours en droit de la sécurité nationale à l'Université de Montréal
L'annonce avec tambours et trompettes de la mise sur pied d'une unité anticorruption à même les effectifs de la Sûreté du Québec est une bonne nouvelle pour le public, mais pour les spécialistes, dont je suis, les limites et balises sont considérables et prévisibles. Je m'explique.
Les enquêtes policières sont menées dans le secret, la discrétion à tout le moins: les rencontres et les interrogatoires, les perquisitions et les saisies, en fait l'ensemble du processus, pour des raisons évidentes d'efficacité des opérations, est mené à l'ombre de l'éclairage public. La conséquence principale des exigences opérationnelles est que trop souvent la preuve n'est jamais produite au dossier de la cour, donc inaccessible au public, si le prévenu plaide coupable, à la suite d'un plea bargaining dont la délibération est aussi secrète. Et parce que le juge suit généralement la recommandation commune des avocats, le public est privé d'un accès important à la connaissance des acteurs et des rouages importants d'une organisation criminelle.
Dans le panneau
Il y a belle lurette que le crime organisé connaît la chanson en cette matière. Nous sommes tombés dans le panneau encore une fois. Les criminels craignent la lumière, nommément l'oeil du public et des médias qui les démasquent et les neutralisent.
Une commission d'enquête répondrait-elle mieux à la situation actuelle? Non! Les finances publiques commandent une approche plus pragmatique où la considération des coûts établit sa proportionnelle avec l'efficacité de l'opération.
Dans les cas de corruption endémique, élargie et constante, pour un secteur économique déterminé, la construction par exemple, ou tout autre secteur, l'instruction à la mode européenne a montré son efficacité. Des juges permanents interviennent directement dans l'enquête policière et la mènent avant l'accusation. L'enquête peut durer, et les mises en examen sont menées conformément au droit.
On ratisse large. Le plea bargaining, sauf pour les témoins de l'accusation dans les cas clairs, est limité, voire absent. Il y a donc des procès retentissants qui mettent en cause des criminels de haut niveau. Ajoutons que les sentences et les institutions carcérales sont moins invitantes qu'au Canada. Les personnes concernées se «battent» pour éviter le «correctionnel».
Finalement, parce que la mise en examen est secrète, l'instruction protège les réputations. Souvent, une commission d'enquête ratisse trop large, et mal! Mais pour arriver à cette clarté au Québec, il faudrait réformer nos institutions et prendre en compte le besoin du public de savoir et l'obligation des médias de diffuser. C'est l'intégrité du système de justice qui est en cause, et la perception qu'en ont les contribuables.
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Claude Laferrière - Avocat et chargé de cours en droit de la sécurité nationale à l'Université de Montréal


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