L'influence du crime organisé sur les institutions et la classe politique au Québec est inversement proportionnelle au pouvoir de la police de mener des enquêtes, rapidement et efficacement. Autrement dit, la mafia et d'autres groupes criminalisés en mènent large parce que la police a les mains liées et attachées, en plus d'être bâillonnée. Qui ou quoi doit-on blâmer? La Charte, la moralité publique, Charest ou Benoît XVI? Ou aucune de ces réponses?
Examinons rapidement. La Charte? L'article premier permet de restreindre les droits qu'elle confère à certaines conditions, très larges et interprétatives. De l'herméneutique juridique quoi. Il suffit d'avoir de bons avocats et des juges un brin sensibles aux victimes. Quant aux criminels, tout le système et le pouvoir de dépenser de l'État, prisons, système de justice, police leur sont consacrés. Ils bénéficient donc d'un préjugé plus que favorable. Pourquoi en sommes-nous rendus là? C'est une question hautement politique qui pourrait être interprétée à la lumière des courants idéologiques cherchant à expliquer les causes de la pauvreté, de la lutte des classes en passant par l'affaiblissement du tissu moral ou l'indiscipline d'une société, mais ce n'est pas notre propos.
Quant à la morale, celle des prêtres, de l'Église et des «porteurs» de moralité publique, c'est généralement l'exemple qui les tient jusqu'à ce qu'ils «craquent» sous la pression des influences hédonistes et somptuaires d'une société encore malheureusement axée sur la consommation de masse et l'ingénierie sociale. Cela n'est pas non plus notre propos.
États-Unis
En fait, la solution pour une police efficace nous vient de nos voisins du sud qui, malgré une population de plus de 300 millions et un droit criminel complexe excluant d'emblée toute preuve obtenue illégalement, parviennent à maintenir un ordre relatif et à assurer à la classe moyenne une paix sociale et une stabilité économique plus que relative.
Que font-ils de «si différent» de nous? Au lieu de concentrer leur police en une seule organisation au niveau provincial, la Sûreté du Québec (et des corps policiers municipaux sous son parapluie opérationnel) et la Gendarmerie royale du Canada au niveau fédéral, la Constitution et leurs lois ont permis la multiplication d'agences et d'organismes de «law enforcement» divers et multiples pour couvrir des problématiques criminelles différentes et complexes.
Et elles sont toutes indépendantes les unes des autres dans un rapport collaboratif, mais aussi de compétition, ou «check and balance». Autrement dit, tout le monde se surveille... et se dénonce! Qu'il suffise de mentionner le FBI, la DEA, l'ATF, le Secret Service, le Homeland Security et ses nombreux sous-départements, etc., au fédéral. Quant aux États, il y a bien sûr les corps policiers municipaux, les polices d'État pour les routes ou les juridictions résiduelles, les «sheriffs», les «marshalls», etc.
Dans un tel environnement, beaucoup d'agents de «renforcement de la loi» ne sont pas syndiqués et en fait, bénéficient de peu de protection sociale et de prestige, si ce n'est leur image. Ce sont très souvent d'ex-militaires. Dans un tel contexte, le service à la communauté devient une mission personnelle, mais aussi sociale. Certains pourraient dire que ce modèle répond à une éthique tout à fait protestante.
Au Québec?
Peut-être le Québec a-t-il besoin de ces Bruce Willis ou Clint Eastwood qui ont alimenté le cinéma américain, mais aussi et surtout donné confiance à la population dans ses institutions... une arme inflexible contre la corruption! À une certaine époque, nous avions au Québec de ces policiers-héros pour qui l'application de la loi était «personnelle».
Que dire aussi de nos procureurs de la Couronne syndiqués alors que les «district attorney» ou «DA» de nos voisins du sud doivent se faire élire pour conserver la confiance du public? Ou vous obtenez des condamnations, ou c'est la porte! Nous sommes loin au Québec du Law and Order de la série télévisée et nous en payons un prix cher.
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Claude Laferrière - Avocat et chargé de cours en droit de la sécurité nationale à l'Université de Montréal
La crise du pouvoir policier et la mafia
Les États-Unis, une source d'inspiration?
Quid de la "bonne police" dans un État policier?
Claude Laferrière3 articles
Avocat de PME et chargé de cours en droit de la sécurité nationale, Université de Montréal
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