Printemps chaud à l'horizon au Québec?

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Denis Lessard exprime le souhait des propriétaires de La Presse

La sagesse populaire enseigne qu'il faut choisir ses batailles, ne pas éparpiller ses troupes en ouvrant simultanément plusieurs fronts. Depuis quelques semaines, le gouvernement Couillard semble faire exactement le contraire. À y regarder de plus près, toutefois, ces collisions pourraient bien être moins graves qu'il n'y paraît.
Le premier ministre Couillard avait fait campagne en promettant d'être le champion des régions. Les 300 millions de compressions dans le financement municipal et la coupe à blanc dans les structures, les CLD et les CREE, ont fait naître un mouvement concerté de contestation, «Touche pas à mes régions». Le manifeste, manifestement opposé aux décisions de Québec, a été signé par une longue liste d'artistes et de personnalités locales, mais aussi par les ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Pierre Corbeil.
Flairant l'aubaine, Pierre Karl Péladeau, qui n'a pas multiplié les prises de position en dehors de sa page Facebook, a pris fait et cause dans ce débat. En tournée régionale, il a promis de rétablir les Centres locaux de développement s'il prenait les commandes du Québec. Historiquement, la structure était étroitement liée au PQ. Créée par Guy Chevrette sous Lucien Bouchard, elle devait servir de centre nerveux de tout le développement régional dans le projet du gouvernement Marois d'une «Banque de développement économique». Pour tenir à nouveau le haut du pavé dans les régions, le gouvernement Charest avait créé les CREE, les Conférences régionales des élus, où la représentation libérale était bien assurée.
Le gouvernement Couillard a décidé de passer ces structures à la moulinette, un enjeu risqué puisque partout sur le territoire, ces organisations sont le pain et le beurre de bien des vedettes régionales.
Mais ce sont les municipalités qui recevront désormais les budgets destinés à promouvoir le développement économique en région, et elles ne renonceront pas facilement à ce nouveau champ d'intervention. Une fois le financement des CLD passé aux municipalités, bien malin qui saura aller le récupérer, n'en déplaise à M. Péladeau.
La tragédie de Charlie Hebdo a donné une seconde vie au débat autour de la laïcité, de la lutte contre l'intégrisme. On s'interroge même sur la pertinence de rouvrir la Charte québécoise des droits pour y proscrire plus explicitement «l'incitation publique à la haine». En apparence, le gouvernement Couillard semble disposé à alimenter le débat; la ministre de la Justice Stéphanie Vallée s'occuperait d'une politique sur la laïcité, et sa collègue Kathleen Weil se sent pour sa part investie d'une mission pour lutter contre l'intégrisme. Or Mme Weil dit en même temps que le problème «urgent» trouvera une solution à la fin de l'année seulement. Philippe Couillard, dans l'euphorie de sa victoire électorale, avait soutenu à la cantonade qu'il comptait régler ces questions rapidement, mais tout récemment, il semblait bien moins pressé. Québec travaillera là-dessus «d'ici la fin du mandat», a-t-il affirmé.
Sans surprise, le PQ souffle sur ces braises, mais en vain. Au plus haut niveau du gouvernement, on est catégorique: «le fonctionnaire qui va vouloir qu'on joue là-dedans a besoin de se lever de bonne heure». Ici il y a un front... mais il n'y aura pas de bataille, faute de belligérants.
Négos du secteur public
Le dernier front, celui des négociations du secteur public, risque lui aussi de faire long feu. Le Soleil de Québec a mis la main sur un plan d'action syndical laissant présager un printemps houleux, rappelant la crise des casseroles de 2012. La fuite a déclenché une série d'échanges aigres-doux entre les centrales syndicales du secteur public, au coeur de cette stratégie de manifestations.
Pour la Fédération autonome de l'enseignement, Sylvain Mallette a transmis à la cantonade un courriel pour signifier son «malaise» devant cette fuite, «un manque de respect à l'endroit des groupes qui participent aux rencontres». Les gestes envisagés doivent être avalisés par le conseil d'administration des différentes organisations ,rappelle-t-il. «Solidaire», son organisation «ne peut tolérer que sa présence à ces rencontres soit instrumentalisée», prévient le syndicaliste. Plus prosaïque, Johanne Deschamps, de la FTQ, convient depuis son iPhone que «ce n'est pas agréable de ne pas contrôler le message» !
Un autre affrontement appréhendé - la négociation du secteur public - pourrait aussi se régler plus vite que prévu. Pour l'heure, tout le monde est aux barricades et les ténors syndicaux tiennent à ce que la négociation ait lieu. En interne, on convient rapidement que la mobilisation reste bien difficile. Les centrales et Québec veulent en arriver à une entente négociée, ce qui permet de croire que les choses ne traîneront pas: le gouvernement voudra avoir une idée précise de ses coûts de rémunération quand il déposera les crédits budgétaires, ce printemps, c'est bien connu.
Ce qui l'est moins, c'est que la réorganisation du réseau de la santé, le projet de loi 10 du ministre Gaétan Barrette, forcera un alignement des organisations syndicales. Le maraudage doit se tenir l'été prochain, les centrales voulant avoir évacué l'affrontement avec Québec en présentant un front uni, «avant de se "tapocher" entre syndicats», explique-t-on.
Printemps chaud? Reprise de la campagne des casseroles? Guerre syndicale? Rupture avec les régions?
Ce ne serait pas la première fois qu'au Québec une crise appréhendée ne se présente pas au rendez-vous.


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