Primaires américaines : les revanches de l’Histoire

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Les étranges détours de l'Histoire

Il était donné favori, il se voyait gagnant et le criait un peu trop fort par-dessus les toits de Des Moines. Comme on peut se trumper ! Pris en sandwich entre Ted Cruz et Marco Rubio, le tonitruant Trump, en dépit d’une plus qu’honorable deuxième place, sort moralement perdant de la très médiatisée et très convoitée primaire de l’Iowa tandis que les deux hispaniques qui l’encadrent, l’un en avance d’une courte tête, l’autre sur ses talons, font désormais figure de favoris, en tout cas dans le camp républicain.

Cruz ou Rubio ? Rubio ou Cruz ? L’histoire a d’étranges revanches, ricochets, retours de bâton ou jets de boomerang. Si la traite des nègres n’avait pas déporté de l’autre côté de l’Atlantique quelques millions d’Africains, Barack Obama qui, sans être lui-même descendant d’esclaves, a recueilli la quasi-totalité des suffrages de l’importante minorité noire en 2008 et en 2012, ne serait jamais devenu le quarante-troisième président des États-Unis.

C’est aux dépens de la France, de l’Espagne puis du Mexique que s’est agrandie territorialement entre la fin du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe la grande démocratie devenue la grande puissance nord-américaine, par l’achat de la Louisiane, l’acquisition de la Floride, la conquête et l’annexion du Texas, du Nouveau-Mexique, de l’Arizona et de la Californie. À partir du noyau des treize colonies britanniques et sur la base de leur démographie, de leur histoire, de leur culture et de leur langue, les États-Unis et surtout leur personnel dirigeant ont pu longtemps se définir comme « WASP » : blancs, anglo-saxons et protestants. Il revenait à John Fitzgerald Kennedy d’exorciser la malédiction non écrite qui pesait sur la communauté irlandaise et de devenir le premier président catholique du pays. Plus récemment, Barack Obama accomplissait une transgression plus étonnante encore grâce notamment au plébiscite de ce qu’on pourrait appeler le melting potes local.


Le jour n’est plus éloigné – sera-ce dès novembre prochain, sera-ce pour la fois suivante ? – où le président des États-Unis sera un latino, qu’il ait nom Rubio (fils d’un barman et d’une femme de chambre, aujourd’hui sénateur de Floride) ou Cruz (lui aussi de modeste origine, aujourd’hui sénateur du Texas). La conjonction d’une immigration massive et d’une fécondité supérieure à la moyenne nationale ont permis à la minorité hispanique d’opérer une reconquête pacifique et silencieuse des territoires dont ses ancêtres avaient été spoliés en attendant de franchir une étape de plus en devenant la communauté numériquement la plus importante des USA, avec toutes les conséquences linguistiques, culturelles et politiques que cela suppose.

Des circonstances particulières ont également joué leur rôle. Ted Cruz et Marco Rubio sont tous les deux nés d’immigrés qui avaient préféré l’enfer capitaliste au paradis socialiste issu de la révolution cubaine. C’est aux bons offices involontaires des frères Castro que les États-Unis devront peut-être leur prochain président.

L’Histoire, décidément, a d’étranges détours.


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