PPP à la québécoise

CHUM


Hier était un grand jour pour la présidente du Conseil du Trésor, la ministre Monique Jérôme-Forget. La construction des deux mégahôpitaux de Montréal en partenariat public-privé (PPP) est la concrétisation, au moins partielle, d'un modèle de fonctionnement de l'État québécois qu'elle préconise depuis plusieurs années.
Les lieux ont été réaménagés, mais on s'y reconnaît vite. La ministre occupe à Québec les anciens bureaux des premiers ministres Bourassa et Lévesque, dans l'édifice J de la Colline parlementaire, baptisé le «bunker». Mme Jérôme-Forget était sans doute la seule ministre de ce gouvernement assez visionnaire et réformatrice pour être digne d'habiter ce haut lieu du pouvoir politique! Elle y est d'ailleurs si à l'aise qu'il est impossible de ne pas l'imaginer dans le même rôle qu'eux.
La décision de ne confier au secteur privé que la construction des nouveaux édifices et leur entretien, alors que le secteur public conserve la gestion des équipements et les services auxiliaires, comme l'alimentation, la buanderie et autres, est un compromis à la québécoise. Les organisations syndicales ne mèneront ainsi pas la guerre aux projets puisqu'elles conservent leur mainmise sur le réseau de la santé. Le gouvernement espère par contre économiser quelque 25 ou 30 % par rapport au mode conventionnel de réalisation de projets de cette envergure.
La seule évocation de PPP faisait bondir les piliers de la gauche en début de mandat du gouvernement Charest. La ministre Jérôme-Forget, grande admiratrice des façons de faire de l'Angleterre et propagandiste des PPP, était caricaturée pour cette orientation qu'elle voulait donner à l'État québécois. Après les deux nouveaux hôpitaux de Montréal, Mme Jérôme-Forget parle d'en planter d'autres du même type à Québec et dans les régions, d'utiliser le modèle pour les cégeps et les écoles publiques, dont plusieurs sont dans un état de délabrement avancé, pour les ponts et les viaducs qui se sont dégradés, pour le réseau des arénas de nos villes dont, dans plusieurs cas, la durée de vie achève...
Le gouvernement n'a plus les capacités financières pour remplacer ces infrastructures. Il doit au contraire endiguer la montée de sa dette. Il faut donc s'habituer à l'idée qu'il devienne locataire plutôt que propriétaire. Ce statut l'obligera en plus à puiser dans ses budgets annuels de fonctionnement pour payer ses baux, plutôt que de pelleter sur la dette les coûts des nouveaux équipements.
En ce sens, les deux hôpitaux de Montréal annoncés hier seront des expériences pilotes qui serviront à augmenter l'expertise des firmes québécoises en la matière. Dans un premier temps, la ministre s'attend à recevoir des manifestations d'intérêt de cinq ou six grands consortiums internationaux; trois seront retenus à l'étape suivante, dite des appels de qualification, suivie de celle des propositions fermes. La première pelletée de terre ne se fera que dans environ 18 mois. Mais Mme Jérôme-Forget exigera la participation d'entreprises québécoises à l'intérieur de ces consortiums, de façon à amorcer un transfert de connaissances qui leur serviront par la suite pour devenir les maîtres d'oeuvre dans d'autres projets. C'est ce qui avait été fait dans le secteur hydroélectrique au début des années 70.
Le Québec ne fait que se joindre à un courant fort répandu. L'exemple de l'Angleterre, bien sûr, est souvent servi, mais la très socialiste France a aussi adopté le modèle des PPP pour ses infrastructures; au Canada, l'Ontario a déjà 18 hôpitaux en PPP et la Colombie-Britannique a aussi emboîté le pas. Mais, au Québec, utiliser seulement l'appellation PPP était une hérésie il y a peu de temps encore. Le virage est maintenant vraiment pris et le nom de Mme Jérôme-Forget demeurera identifié à ce qui est sans doute la plus importante réforme administrative depuis la Révolution tranquille.


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