Le temps n’est pas qu’à l’indignation, il est aussi à la responsabilisation des citoyens, des élus et des fonctionnaires

Pour un cours obligatoire sur la démocratie

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Quand la démocratie bat de l'aile...

Le feuilleton quotidien des acteurs de la téléréalité de la commission Charbonneau va de rebondissement en rebondissement. Tout un scénario !
Devant nos écrans, nous, téléspectateurs, hésitons entre l’impuissance et le découragement. « Cela a toujours été comme ça », entend-on incrédule, de la bouche de Michel Lalonde, grand patron d’une de nos entreprises-vedettes, et grand complice de ce système qui vient vicier le mode de représentation démocratique.
Mais qu’avons-nous fait pour que ce système achète la complicité et la passivité d’autant de citoyens ? Ces jours-ci, il n’existe d’ailleurs plus aucune société, en Europe comme en Amérique, où la population n’exprime pas son ras-le-bol à l’égard des tares du système démocratique. Les scandales révélés par les journalistes d’abord, puis par la commission Charbonneau et le travail de l’UPAC ensuite, illustrent avec éloquence que notre démocratie au Québec est bel et bien malade. Certains s’en lèchent les babines : « On vous l’avait bien dit : ce sont tous des pourris. » Mais avant d’en arriver à cette conclusion, élevons quelque peu notre niveau de réflexion.
Obsolescence démocratique
Les règles démocratiques établies au XXe siècle semblent aujourd’hui dépassées. Nous devrons peut-être nous pencher sur de nouveaux modèles, sans quoi la population ne trouvera d’exutoire que dans la rue, réelle et virtuelle (les réseaux sociaux), afin de crier sa colère et son indignation.
Les partis politiques et les gouvernements de tous les niveaux doivent prendre la mesure de cette colère, car ce sont eux qui, en premier lieu, doivent s’adapter à ces nouvelles exigences. Un politicien pouvait dire sans sourciller, il y a 25 ans : « Je rencontre des gens d’affaires pour prendre le pouls de l’économie. » Mais lorsqu’on découvre que ces gens d’affaires flirtent avec le milieu du crime organisé sans réserve, et sans gêne, l’alimentent même en pizzo-dollars, « accommodent » tout un chacun pour les « imprévus », alors trop, c’est trop.
Passait encore que ce ne soit l’oeuvre que du milieu du crime organisé. Sauf qu’il s’agit bel et bien des beaux fleurons de notre milieu des affaires qui font dans la ristourne et le pot-de-vin à qui mieux mieux. On l’a vu, des firmes d’ingénieurs-conseils obtiennent des contrats en achetant des individus. Est-ce bien ça, avoir le « sens des affaires » ? Et était-ce avoir le « sens de la politique » lorsque le premier ministre Charest demandait à chacun de ses ministres de récolter 100 000 $ par année lors de ces activités de financement organisées avec les gens d’affaires ? Pas étonnant que l’ex-patron de SNC-Lavalin Pierre Duhaime ait été un des premiers à oser prétendre que nous n’avions pas besoin de commission d’enquête sur la corruption dans l’industrie de la construction au Québec. Depuis, Pierre Duhaime a été arrêté par l’UPAC et il attend son procès… Navrant !
On a dit que les chantiers de travaux d’infrastructures avaient coûté environ 30 % plus cher en raison des ristournes versées, à la mafia, aux partis politiques, à certains élus, aux fonctionnaires et tutti quanti.
Pensons aux sacrifices que pendant ce temps on imposait aux écoles en manque de ressources pour les enfants en difficulté d’apprentissage. Imaginons les rendez-vous ratés avec une quelconque possibilité de méga-investissements dans le domaine de la recherche. Même vide au compteur dans le soutien à la culture, créatrice de sens qui constitue pourtant l’âme d’un peuple. Enfin, jusqu’à la commission Charbonneau, parce qu’il était temps.
Sauf que le temps a aussi fait son oeuvre, favorisant au passage le cynisme des gens et la défiance de la population à l’égard des institutions démocratiques. Or, ce cynisme ne doit surtout pas déboucher sur la passivité. Notre démocratie est en danger, et on ne saurait banaliser l’immensité de la crise actuelle. La population a besoin de croire en sa démocratie. Elle en est le propriétaire. Et jusqu’à preuve du contraire, elle se méfiera des partis politiques et des gouvernements.
Il me semble urgent de trouver rapidement de nouveaux repères pour redonner confiance à la population. Relever le défi éthique ne sera pas suffisant, la transparence non plus. Le temps n’est pas qu’à l’indignation, il est aussi à la responsabilisation des citoyens, des élus, des fonctionnaires. À quand un cours obligatoire pour tous sur la démocratie afin de redonner un sens et une cohésion à la vie en société ?


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