J'écris parce que j’ai mal au Québec que j’aime. Mal de le voir s’enfoncer dans la confrontation acrimonieuse comme si cela était le chemin d’un avenir prometteur. J’ai mal de voir tant d’énergie divertie dans un affrontement dont on ne sait plus trop bien quel est l’objet réel alors que le pays à construire est resté en plan.
Je suis inquiet de la suite des choses pour notre société. La vie m’a donné de connaître toute l’aigreur et l’amertume générées par le sentiment de s’être fait voler son espoir, son rêve, sa cause et l’envie d’en découdre. Elle m’a fait aussi vivre la peur de celui qui exerce légitimement la raison d’État, qui sait que quelque chose ne marche pas dans les décisions de son gouvernement, qu’il s’est peut-être trompé, mais qui craint d’affaiblir l’État en reculant et se replie donc derrière la force de l’autorité constituée.
Pas besoin de chercher loin dans les livres d’histoire pour comprendre où et quand j’ai appris, comme militant de la cause la plus noble, que je devais accepter d’inscrire mon idéal dans le temps et, comme ministre, que la défaite électorale serait peut-être finalement une façon de préserver l’intérêt supérieur de l’État. Pas facile ni dans un cas ni dans l’autre.
Calme et sérénité
Je ne crois pas que le tumulte ni les lois spéciales qui alimentent le grand feu de la confrontation conduisent à des solutions durables, supportées par la multitude et ayant potentiel de consensus social en matière d’accessibilité aux études universitaires. Nous pouvons et nous devons sortir de l’impasse. Pour cela, je crois qu’il faudra du calme, du temps, de la confiance, de l’humilité et l’ardent désir de toutes les parties prenantes que cette étape de notre vie collective nous fasse avancer dans le formidable défi d’augmenter la fréquentation universitaire dans tous les milieux de la société, sans que les frais de scolarité soient jamais un frein pour accéder à l’université.
Toute étude, conciliation ou médiation menée sous la tension maximale, pendant la confrontation, risque selon moi l’échec et l’exacerbation de la frustration. Pour sortir de l’impasse, il faudra que toutes les parties voient l’importance de retrouver le calme, la sérénité et la tolérance si caractéristiques de la façon de faire des Québécois qui ont réussi bien plus de « révolutions tranquilles » que de révolutions violentes dans leur histoire.
Donner du temps au temps
Depuis cinquante ans, notre société a connu d’autres divisions et en est sortie grandie. Nos plus grands accomplissements ont changé radicalement bien des choses depuis l’époque Duplessis, mais ils se sont réalisés pacifiquement, autour de tables ouvertes, dans le respect et la recherche du consensus. Je ne connais pas beaucoup de grands accomplissements que nous ayons forgés dans l’ardeur du soulèvement ou de l’autoritarisme, de la radicalisation des positions comme ont pu le faire d’autres sociétés. Cela n’est pas dans notre ADN.
Pour sortir de l’impasse, il faudra aussi du temps. Je ne pense pas qu’une médiation, si bien intentionnée soit-elle, puisse réellement rapprocher les parties en quelques semaines, à la va-vite. Il faudra donner du temps au temps pour que le meilleur sorte de cette situation, que l’on prenne le temps de s’écouter pour se comprendre, que l’on se donne des objectifs ambitieux auxquels la plupart des Québécois adhéreront pleinement et non pas par dépit ou du bout des lèvres.
L’idée pure de la médiation est séduisante, mais imparfaite. En fait, il ne s’agit pas seulement selon moi de rapprocher deux parties, mais plus largement de rassembler les Québécois autour d’une vision, d’une philosophie et d’un projet commun en matière d’accessibilité aux études universitaires, notamment en ce qui concerne la délicate question des droits de scolarité et la part que chacun dans la société doit supporter pour pousser le plus haut possible la fréquentation universitaire par tous ceux et celles qui y aspirent.
Débat public
Pour créer la confiance dans un processus de reconstruction d’un consensus social, je crois que nous avons besoin d’organiser un véritable débat public sur le financement des études universitaires et de leur accessibilité. Pour conduire un tel débat public, seule une commission d’étude indépendante, formée de personnes reconnues pour leur expérience et représentatives, choisies en consultation avec les principales parties prenantes, mais non engagées dans le rapport de force pourra déconstruire la confrontation et entreprendre la construction d’un nouveau consensus. Aucune présomption, aucun sujet tabou, aucune hypothèse préalable retenue ou rejetée.
Pour prendre le temps d’aller dans toutes les régions, recevoir le point de vue de toutes les parties prenantes, entendre autant les experts d’ici et d’ailleurs que les groupes de citoyens, écouter, favoriser la discussion sereine de tous les points de vue et proposer les éléments d’un nouveau consensus, trois mois ne suffiront pas. Deux ans, voire trois seraient plus raisonnables et nous prendrions ensemble le beau risque de reconstruire un vrai consensus. Ainsi, des raisins de la colère on pourrait peut-être tirer un bon vin nouveau.
Le mandat de cette commission d’étude serait, sommairement décrit, d’organiser un débat public structuré sur le financement des études universitaires et l’accessibilité à ces études, de rechercher un consensus en écoutant les parties prenantes et la société civile et de faire des recommandations sur les meilleurs moyens pour que le Québec atteigne les meilleurs standards internationaux en termes de fréquentation universitaire pour les jeunes de tous les milieux socio-économiques.
Fonds pour l’accessibilité
Enfin, une façon de trouver un compromis pour la période intérimaire serait de créer un compte en fiducie à la Caisse de dépôt pour y verser les augmentations annoncées des droits de scolarité des deux ou trois prochaines années. Ce fonds serait destiné uniquement à favoriser l’accès aux études universitaires. Pendant ce temps, le gouvernement compenserait les universités pour les deux tiers du manque à gagner, charge à elles de faire les économies pour la partie manquante. La commission ferait aussi des recommandations sur les meilleurs moyens d’utiliser ce fonds dans le cadre du nouveau consensus en vue de créer un legs pour les futures générations d’étudiants.
Le lendemain d’une telle décision, les étudiants pourraient reprendre le cours de leur vie en sachant qu’ils auront changé le Québec à jamais. Les universités sauraient qu’elles auraient une hausse de leur financement. Le gouvernement ne perdrait pas la face. Les Québécois accepteraient de faire un effort additionnel pour donner une vraie chance à un nouveau consensus d’émerger au lieu de payer des heures supplémentaires aux policiers pour maintenir l’ordre public. La loi 78 devenue inutile pourrait être abrogée avant la Fête nationale.
Oui, nous pouvons sortir de l’impasse si toutes les parties le décident.
Conflit étudiant
Pour sortir de l’impasse
Oui, nous pouvons sortir de l’impasse si toutes les parties le décident.
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