Pour le "bon" déficit

Crise mondiale — crise financière



Brousseau-Pouliot, Vincent - Le Québec doit-il retourner en déficit? Oui, disent les économistes à l'unisson. Même le grand responsable de l'atteinte du déficit zéro, l'ancien ministre des Finances Bernard Landry, plaide en faveur d'un retour au déficit si l'état de l'économie québécoise continue de se détériorer.
Celui qui a symbolisé la lutte au déficit dans les années 90 est prêt à appuyer un retour au déficit au Québec s'il est causé par un ralentissement économique. "Nous ne connaissons pas encore pas tous les effets d'un ralentissement de l'économie américaine sur l'économie réelle du Québec, mais rien n'empêche un gouvernement de faire un déficit s'il juge que c'est la bonne chose à faire pour son économie", dit Bernard Landry.
Citant les théories de John Maynard Keynes, le mentor économique des interventionnistes, Bernard Landry rappelle que les déficits font partie de la vie financière normale des gouvernements. "La théorie de Keynes est une théorie en deux temps, dit-il. Quand l'économie va mal, l'État augmente les dépenses (et fait des déficits). Quand l'économie va bien, l'État se rembourse avec des surplus. Depuis 50 ans au Québec, on a appliqué la première partie de la théorie de Keynes mais on a oublié la deuxième partie."
Bernard Landry se défend de changer son fusil d'épaule sur la question du déficit. Il est d'ailleurs fier de son bilan budgétaire entre 1996 et 2003, d'abord comme ténor économique du gouvernement Bouchard, puis comme premier ministre du Québec. "Avant moi, le dernier ministre des Finances qui a présenté un budget équilibré était John Bourque de l'Union nationale en 1958!" dit-il.
Selon le Mouvement Desjardins, les gouvernements ne doivent pas viser nécessairement le déficit zéro chaque année. "Le budget des gouvernements doit être équilibré à moyen terme, sur un horizon de trois à cinq ans", dit l'économiste en chef adjoint Yves St-Maurice.
Les économistes distinguent deux types de déficit: les déficits structurels causés par une mauvaise gestion des finances publiques et les déficits conjoncturels causés par un ralentissement économique. Les premiers sont récurrents, les deuxièmes temporaires.
Au dire des économistes, les déficits conjoncturels sont même bons pour l'économie. Soit, ils augmentent le niveau d'endettement de l'État. Mais contrairement au déficit zéro, ils n'aggravent pas le ralentissement économique.
"Le Canada a bien agi (en atteignant le déficit zéro dans les années 1990), mais ça ne veut pas dire que tous les déficits sont mauvais, résume Christopher Ragan, professeur d'économie à l'Université McGill. Durant un ralentissement économique, il se crée nécessairement un déficit si vous n'augmentez pas les impôts ou si vous ne réduisez pas vos dépenses. Or, ces deux décisions contribuent à ralentir encore davantage l'économie durant un ralentissement."
Un autre argument en faveur d'un retour temporaire aux déficits publics: le Canada est de loin le pays le moins endetté du G7. "Le Canada est en excellente posture au plan de la gestion de sa dette, dit Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale. Ce n'est pas le même contexte qu'au début des années 1990. Cette fois-ci, personne sur les marchés internationaux n'aura peur de prêter de l'argent au Canada afin de financer son déficit."
Bernard Landry est d'avis que le gouvernement du Canada peut se permettre un retour au déficit au cours des prochains exercices financiers, qui seront affectés par un ralentissement économique, voire une récession. "Au Canada, il n'y a aucun doute qu'un déficit pourrait empêcher une détérioration de l'économie, surtout que le gouvernement du Canada rembourse sa dette depuis des années", dit-il.
L'ancien premier ministre est moins catégorique dans le cas du Québec. "Le Québec réussit à avoir un déficit zéro, mais toujours sur la ligne à cause des dépenses en santé, rappelle Bernard Landry. (...) Un déficit au Québec pourrait être logique selon la gravité du ralentissement économique et à condition qu'il y ait un plan à long terme. Si l'économie va mal, l'esprit de la loi québécoise sur le déficit zéro permet un déficit à condition d'avoir un plan visant à retrouver l'équilibre budgétaire rapidement."
Encadré(s) :
POUR
Un gouvernement qui hausse les impôts ou réduit ses dépenses afin d'atteindre le déficit zéro en période de ralentissement économique contribue à prolonger cette période de ralentissement économique.
En haussant les impôts ou en réduisant les dépenses afin d'atteindre l'équilibre budgétaire en période de ralentissement économique, un gouvernement prend des décisions parfois difficiles à renverser sur le plan politique afin de régler un problème économique temporaire.
Le Canada a un niveau d'endettement beaucoup moins élevé que celui des autres pays du G7, ce qui lui procure une plus grande marge de manoeuvre afin d'éponger un déficit.


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