Politique énergétique - Québec veut le pétrole sans les GES

«On peut tout à fait diminuer notre consommation [de pétrole] et exploiter au Québec», estime la ministre Ouellet

Bae322a687691a0aeee2511f98300fc7

C'est vouloir le beurre et l'argent du beurre

Le gouvernement Marois s’est donné des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de la consommation de combustibles fossiles. Des objectifs qui sont cohérents avec la volonté d’exploiter le pétrole québécois et d’importer celui tiré des sables bitumineux albertains, a expliqué jeudi au Devoir la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet.
« Il y a tout un intérêt économique à examiner la possibilité d’exploiter le pétrole au Québec », a-t-elle souligné après le lancement du document de consultation qui servira de base à la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, qui se tiendra à l’automne. Cet exercice doit en théorie permettre d’élaborer « la nouvelle vision du Québec en matière d’énergie ».
« Nous achetons du pétrole de l’étranger, pour un total de 14 milliards de dollars par année, a poursuivi la ministre. Il faudra donc choisir quelles sont nos sources d’approvisionnement et s’il y aura une source qui sera au Québec, avec des retombées économiques au Québec. » Si le document présenté jeudi confirme justement la volonté péquiste de lancer le Québec sur la voie de l’exploitation de l’or noir, Martine Ouellet a dit garder le cap sur la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles. « Ce n’est pas parce qu’on va exploiter du pétrole au Québec qu’on va augmenter notre consommation. On peut tout à fait diminuer notre consommation et exploiter au Québec. »
Le Parti québécois a d’ailleurs formulé des promesses ambitieuses en matière de lutte contre les changements climatiques. D’ici 2020, on espère diminuer de pas moins de 30 % notre consommation de pétrole et de gaz, a rappelé Mme Ouellet. Et le gouvernement s’en tient toujours à son engagement de réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) sous le niveau de 1990, et ce, d’ici 2020. Selon les plus récentes estimations, les émissions se situaient à - 2 % en 2012, alors que l’objectif était de - 6 %.
Qui plus est, le Québec pourrait alourdir son bilan de GES au cours des prochaines années en autorisant l’exploitation d’éventuels gisements sur son territoire. Les pétrolières lorgnent présentement du côté de la Gaspésie, mais aussi de l’île d’Anticosti et du golfe du Saint-Laurent. Le document de consultation qui vient d’être rendu public insiste d’ailleurs sur le potentiel de « revenus pour les Québécois ». Mais on y souligne également qu’il faudra « intégrer le volet des émissions de GES inhérentes à l’extraction d’hydrocarbures dans le programme de lutte contre les changements climatiques du Québec ». Tout cela, bien sûr, si gisement il y a. Aucune ressource pétrolière exploitable n’a jusqu’ici été découverte.
Être audacieux
Martine Ouellet a aussi réitéré jeudi l’« intérêt économique » que représente l’arrivée de pétrole de l’Ouest canadien « pour les deux raffineries du Québec ». On parle ici du projet d’inversion du flux dans un pipeline exploité par Enbridge, qui acheminerait de l’or noir albertain jusqu’à Montréal. Ce projet de compétence fédérale doit faire l’objet d’une consultation québécoise à l’automne.
La ministre estime qu’il faudra tenir compte des émissions supplémentaires de GES engendrées par ce projet. La chose est possible, selon elle, mais « il faudra être audacieux » dans les mesures qui seront prises pour compenser les émissions de GES. « Il faudra juste faire plus d’efforts dans notre diminution de consommation de combustibles fossiles par des projets extrêmement vigoureux d’efficacité énergétique, particulièrement dans le secteur industriel, dans le secteur commercial et dans le secteur des transports. »
Il est vrai qu’à lui seul, le gourmand secteur des transports est responsable de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. D’où la volonté affirmée du gouvernement de faire de l’électrification des transports un véritable « pôle économique » pour le Québec, « au même titre que le multimédia et l’aéronautique ».
La nouvelle « politique énergétique » que souhaite élaborer le gouvernement péquiste donnera par ailleurs la priorité à « l’efficacité énergétique », a expliqué la ministre au moment de dévoiler le document de consultation préparé en vue de la Commission de l’automne. En conférence de presse, elle a dit vouloir miser sur les « énergies renouvelables » comme l’éolien, mais aussi les filières « émergentes » comme le secteur de l’énergie solaire, de la géothermie et des hydroliennes.
Bonne nouvelle
La tenue d’une Commission sur les enjeux énergétiques a été bien accueillie par les différents acteurs du secteur, mais aussi par les groupes environnementaux. « C’est une excellente nouvelle », a lancé le président de Pétrolia, André Proulx. « On veut que les Québécois se posent les vraies questions. Il faut donc savoir si on a du pétrole et, pour ça, il faut aller vérifier. » M. Proulx a d’ailleurs souligné que son entreprise espère toujours poursuivre l’exploration sur son site Haldimand, situé à Gaspé. Les travaux doivent également se poursuivre sur Anticosti. Des forages pourraient y être réalisés en 2014.
S’il a salué l’exercice, Greenpeace ne partage toutefois pas l’optimisme de la ministre au sujet de l’exploitation d’énergies fossiles. Pour le groupe écologiste, il est clair que « les projets d’exploitation de pétrole et de gaz au Québec ainsi que l’arrivée du pétrole des sables bitumineux discréditeraient Québec dans sa prétention à être un leader dans la lutte contre les changements climatiques ». La Fondation David Suzuki a insisté sur la nécessité d’interdire toute exploitation pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent.
« Depuis près de 15 ans, le Québec nage dans l’incohérence totale dans le domaine énergétique, et ce matin, notre ministre des Ressources naturelles a sonné la cloche du réveil pour renouer avec l’audace et l’excellence, dans le respect de la population et de nos engagements environnementaux », a pour sa part fait valoir André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->