Plus le droit à l'erreur

CDPQ - Où va Michael Sabia?


Avec encore deux autres années de performance inférieure à la moyenne, la Caisse de dépôt n'a plus le droit à l'erreur en 2010. Si elle ne retourne pas rapidement dans le premier quartile, l'institution, qui ne parvient toujours pas à retrouver son positionnement stratégique dans le développement économique du Québec, aura fort à faire pour convaincre de sa pertinence.
Tous les actuaires le diront. Un point de pourcentage fait une énorme différence dans les projections actuarielles, sur un horizon de 20 ou 30 ans. Ne serait-ce que l'effet du rendement composé. Or, lorsque le gestionnaire fait 6,5 points de pourcentage de moins que sa référence en 2008, probablement sept ou huit points de moins en 2009, le manque à gagner devient énorme. Certes, minimalement, la performance vitale à retenir est celle qui apporte l'équilibre dans l'équation, soit un rendement annuel d'environ 7 % dans le cas de la Régie des rentes du Québec (RRQ). Mais lorsqu'on peut obtenir systématiquement mieux ailleurs, année après année, pour le même niveau de risque, un déposant captif a le droit de remettre en question son allégeance forcée.
Déjà, la perte historique de 2008 est venue effacer les gains des quatre années précédentes, qui succédaient à deux années de rendements négatifs, au début de 2000, dans la foulée de l'éclatement de la bulle des valeurs technologiques. Vu autrement, l'effondrement de 2008 a fait passer la Caisse du premier au quatrième quartile dans l'univers des gestionnaires de caisse de retraite, et ce, tant pour 2008 que pour les trois ou quatre années précédentes. Une position que 2009 ne viendra pas améliorer, de toute évidence.
Lors de la rencontre éditoriale au Devoir lundi, le président de la Caisse, Michael Sabia, a réitéré à juste titre l'importance de la taille de la Caisse. Et souligné, avec raison, l'importance, pour le Québec, de miser sur un tel levier financier, sur une telle masse critique. Mais à quoi sert cette force de frappe si elle demeure silencieuse devant les grands enjeux et les choix stratégiques qui confrontent l'économie québécoise? En quoi ce levier a-t-il servi lors de cette récession et cette crise de liquidité exposant nos entreprises, moyennes et grandes, à la frilosité des banques et à la paralysie du crédit? La Caisse aurait mis à la disposition de ces entreprises entre 900 millions et un milliard en ces temps difficiles, a répondu M. Sabia. On a pourtant eu l'impression que ce rôle crucial auprès des Transcontinental, Bombardier, GL&V et compagnie durant cette crise a plutôt été joué par le Fonds de solidarité FTQ, qui a dû déborder de sa mission de base.
Certes, la mise en place conjointe, avec le Mouvement Desjardins, d'une enveloppe de 600 millions dans les PME québécoises en région, est un geste louable. Mais la direction précédente de la Caisse avait lancé une initiative similaire avec la BDC dans un effort peu concluant se voulant plutôt une opération charme, dans un créneau déjà occupé et bien desservi par les fonds de travailleurs et autres institutions de capitalisation dédiées aux PME.
M. Sabia veut également positionner la Caisse comme étant un acteur structurant dans l'univers financier québécois. Mais que reste-t-il à moduler? Les jeux ne sont-ils pas déjà faits et les camps de chacun, déjà bien définis? Comme grand utilisateur de produits dérivés, envisage-t-on d'extirper la Bourse de Montréal du giron de Toronto? Comme puissant investisseur institutionnel et transactionnel, veut-on jouer d'influence et prendre le leadership, sur le terrain, du mouvement visant à contrer les visées monopolistiques et centralisatrices de Bay Street? Quel est le plan de match, les cibles, l'engagement chiffré? Rien, néant.
Quant au rendement livré, Bernard Morency, premier vice-président, Gestion des comptes des déposants et initiatives stratégiques, est revenu sur la contrainte comptable du mark-to-market à laquelle la Caisse est soumise. Avec ses 25 déposants, l'institution doit comptabiliser ses portefeuilles, même les illiquides comme ceux de l'immobilier, à leur valeur marchande, comme le fait un fonds d'investissement. Cet argument, également évoqué par la direction précédente pour expliquer les déboires de 2008, compose la réalité de la Caisse. Mais il n'explique pas pourquoi elle a fait moins bien que son indice de référence dans 14 des 17 segments ou secteurs répertoriés en 2008. Pourquoi elle a fait 380 points de base de moins que son baromètre, même en excluant les PCAA, surreprésentés dans ses livres. Et pourquoi, selon les données provisoires (et très fragmentaires) de la RRQ après 11 mois cette année, sa performance est inférieure au baromètre dans 9 des 14 segments énumérés.
Michael Sabia a soutenu lundi que la Caisse devait revenir au long terme, même si cela lui coûtait momentanément une incursion dans les quartiles plus bas. Pour s'empresser de rajouter que la cible du premier quartile était prioritaire.
Il y a urgence!


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