Place du français - Toujours le mépris

Canada bilingue - misères d'une illusion

Le dernier rapport du commissaire aux langues officielles vient encore d'en témoigner: il ne faut plus s'étonner de rien quand il s'agit du sort réservé au français au Canada, même de se faire dire que tout ce qui vient du Québec doit être qualifié de francophone — qu'il s'agisse d'un artiste ou d'un produit anglais, ou d'un texte traduit dans cette langue.
En page Idées ce matin, un lecteur nous raconte ses déboires linguistiques aux postes-frontières du pays. Où est le francophone de garde? Avalé par le gars en poste qui ne parle pas français, ne le baragouine même pas.
C'est la même poudre de perlimpinpin qui a été jetée aux yeux du monde lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Vancouver. Du français? Mais il y en avait partout! Vous n'avez donc pas vu l'hommage silencieux à la chasse-galerie, le Montréalais parmi les danseurs de break dance, la projection du timbre-poste «dans laquelle il y avait une référence au Canada français»? Pas entendu la traduction du poème L'Hymne du Nord de François-Xavier Garneau, le très superbe et très anglais Hallelujah du Montréalais Leonard Cohen?
On croit rêver, mais c'est exactement l'argumentaire qu'a utilisé le Comité organisateur des Jeux de Vancouver, le COVAN, lorsque le commissaire aux langues officielles Graham Fraser l'a interpellé à ce sujet. Son bureau a reçu 38 plaintes à la suite de la soirée qui ouvrait les Jeux, où le français — entendu comme le bon sens veut l'entendre, c'est-à-dire une affaire d'oreille! — fut limité à une chanson de Garou.
Au lendemain du spectacle, alors que l'indignation éclatait sur tous les fronts, y compris de la part du ministre fédéral du Patrimoine, James Moore, les organisateurs s'étaient étonnés de la controverse. En entrevue à La Presse, le metteur en scène de la cérémonie, l'Australien David Atkins, avait expliqué que «la portion la plus importante du spectacle était d'inspiration québécoise», car d'approche théâtrale. Et au Canada, comme chacun sait, «les francophones sont reconnus pour leur théâtre, pas la côte ouest».
Le COVAN avait pourtant déjà été rappelé à l'ordre un an plus tôt, parce que le spectacle qui avait lancé le décompte avant les Jeux ne comptait aucun artiste francophone. Puis en septembre, Graham Fraser avait produit un rapport qualifié d'«accablant» sur le bilinguisme des Jeux qui se préparaient, soulignant notamment les lacunes de la programmation culturelle. Et pourtant, cela n'a pas empêché le COVAN de laisser M. Atkins aller de l'avant avec son approche inepte de la francophonie.
En revanche, la controverse a été si énorme en février dernier qu'on aurait pu croire que, cette fois, les coupables auraient un air contrit. Même pas! C'est sans rire et sans excuses que le COVAN a fait valoir au commissaire aux langues officielles que 25 % du contenu du spectacle d'ouverture était francophone.
Il faut que le gouvernement fédéral, qui a versé 20 millions de dollars pour la cérémonie, soit plus sévère, recommande M. Fraser. On peut, de fait, resserrer les règles. Mais dans cette affaire, le gouvernement conservateur a vraiment démontré son souci du bilinguisme, tout comme les pressions de Graham Fraser avaient amené le COVAN à créer, en mars 2009, un comité consultatif sur les langues officielles.
Mais les mécaniques ne peuvent pas pallier l'insensibilité, la souveraine indifférence, pour ne pas dire le mépris. Au lendemain de la fête nationale des Acadiens, il vaut toujours la peine de le rappeler.


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