Marc Bellemare

Une autre voie

Commission Bastarache


Il n'y a sûrement pas qu'un seul motif qui explique le revirement de l'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare, qui, le 30 juillet dernier, déposait une requête pour faire annuler la commission Bastarache, plaidait sa cause cette semaine, pour annoncer hier, dans un point de presse surprise, que finalement il abandonnait sa contestation et se présenterait devant la commission.
M. Bellemare se justifie par la garantie obtenue que son témoignage sera télédiffusé — ce qui est loin d'être sûr, corrige la commission. Peut-être a-t-il plutôt compris, lors de l'audition de sa requête, qu'il lui serait très difficile d'arriver à bloquer la tenue de la commission par voie judiciaire. C'est qu'il y a de l'humain là-dedans!
Les reportages ont souligné l'agacement de la juge de la Cour supérieure Alicia Soldevila, appelée à trancher le dossier. Elle a d'ailleurs fini par répliquer à l'avocat de M. Bellemare que ce sont les déclarations incendiaires de celui-ci qui ont entraîné la remise en cause du processus de nomination des juges au Québec. Hélas, c'est inexact.
Ce que l'ancien ministre a dit le 12 avril dernier, sur les ondes de Radio-Canada et de TVA, c'est qu'il y avait eu du trafic d'influence pour la nomination «de» juges, «deux ou trois». On était loin de la dénonciation de l'ensemble de la magistrature, d'autant que ces propos s'ajoutaient à d'autres, tenus depuis un mois par l'ancien ministre, quant à l'influence du milieu de la construction auprès du gouvernement Charest. Bref, il était clair pour tous — il n'y a qu'à voir les reportages qui ont suivi — que M. Bellemare s'en prenait au financement du Parti libéral, et aux privilèges qui en découlent, et non pas au système de justice.
C'est en fait le mandat donné à la commission Bastarache, créée dans la précipitation par le premier ministre Charest, qui depuis laisse croire que notre processus de nomination est entièrement vicié.
On s'attend d'un juge qu'il voie ce genre de nuances. Mais cette fois, les juges se sentent attaqués, et le style Bellemare, qui n'a peur ni des dénonciations à la volée ni de multiplier les requêtes, n'aide guère à calmer le jeu.
L'homme a déjà perdu une manche fin juillet, alors qu'un juge a décidé qu'il lui faudrait témoigner devant le Directeur général des élections (il a obtenu hier un report de ce témoignage). Les commentaires de la juge Soldevila pouvaient laisser croire que sa nouvelle démarche — par ailleurs compliquée juridiquement — ne serait pas, elle non plus, couronnée de succès. Autant continuer le bras de fer autrement...
Les citoyens, qui n'ont pas manqué un coup de cette partie de ping-pong, seront sûrement au poste le 24 août, lorsque l'avocat se présentera devant la commission à six millions de dollars. Ils pourront ainsi ajouter une nouvelle pièce aux révélations qui se font depuis des mois. Mais le mandat de la commission Bastarache est très ciblé, et ils seront toujours privés d'un regard global sur le financement des partis politiques, particulièrement du Parti libéral. La tenue d'une vaste commission d'enquête continue de s'imposer.


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