Pétrole brut: le transport ferroviaire à des sommets

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Bombes roulantes

Les volumes de pétrole brut transportés sur les voies ferrées du Canada ont atteint un niveau sans précédent en 2013, alors que les délais qui ont marqué la construction de nouvelles canalisations ont contraint les sociétés pétrolières - qui cherchent à atteindre les marchés les plus lucratifs - à se tourner vers des alternatives en matière de transport.
Sans faire de bruit, le transport ferroviaire de brut a pris de l'ampleur ces dernières années. À la suite du désastre de Lac-Mégantic, il ne pouvait cependant plus passer inaperçu.
Le 6 juillet, un train transportant 7,6 millions de litres de brut a déraillé en plein coeur de la municipalité située en Estrie, déclenchant une explosion et un incendie qui ont fait 47 morts.
Des mesures de sécurité resserrées ont depuis été annoncées, mais d'autres sont probablement à venir en 2014, alors qu'arriveront à terme les enquêtes sur ce qui s'est passé à Lac-Mégantic. L'impact de ces mesures sur le transport ferroviaire de brut demeure inconnu.
«Il y a un an, je ne savais même pas que nous transportions du pétrole en train, et je surveille l'industrie de pas mal près», a indiqué Keith Stewart, de Greenpeace, qui a commencé à se pencher sur la question en février.
Lorsque la nouvelle de la tragédie de Lac-Mégantic a éclaté, Greenpeace préparait une campagne afin d'informer la population au sujet du transport de brut par train, et de ses risques, a ajouté M. Stewart.
«Nous n'avions plus besoin d'expliquer l'une et l'autre de ces choses.»
En 2011, environ 68 000 chargements de wagon de mazout et de pétrole brut ont été transportés le long des voies ferrées canadiennes, selon Statistique Canada. En 2012, ce nombre est passé à près de 113 000. Entre janvier et septembre de cette année - plus récente période pour laquelle des données sont disponibles - quelque 118 000 chargements avaient déjà circulé au pays.
L'Association of American Railroads estime que 400 000 chargements auront été acheminés à travers les États-Unis en 2013, en forte hausse par rapport aux 234 000 de 2012 et aux 9500 de 2008.
Peu après la tragédie de Lac-Mégantic, Ottawa a adopté des règles s'appliquant aux trains qui transportent des matières dangereuses, notamment pour s'assurer que les convois soient proprement sécurisés, qu'ils ne soient pas laissés sans attention sur les voies principales et qu'ils se retrouvent sous la supervision d'équipes d'au moins deux personnes.
Depuis, d'autres règles ont été mises en place quant à l'étiquetage des marchandises dangereuses et à la façon dont sont informées les villes par lesquelles passent ces matières.
«Cela a été un effort commun», a affirmé le président-directeur général de l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC), Michael Bourque.
La sécurité constitue la question primordiale, a-t-il indiqué.
«Un accident entraîne de sérieuses perturbations. Cela retire du matériel de la circulation. Cela met des voies hors service. Cela empêche la direction et d'autres travailleurs de s'occuper de choses plus productives», a ajouté M. Bourque.
«Cela peut entraîner des coûts énormes, de sorte que la sécurité est quelque chose que nous ne pouvons pas échanger contre le rendement.»
Parmi les mesures réclamées par l'ACFC figure le remplacement des wagons les plus anciens - critiqués depuis longtemps parce que leur paroi est facile à percer lors d'accidents - par des wagons plus solides.
«Nous voulons retirer sans tarder les plus vieux, au moins du transport de liquides inflammables. Cela ne veut pas dire qu'ils ne pourraient pas servir à autre chose, mais ils seraient retirés très rapidement», a indiqué M. Bourque.
Certains des wagons les plus anciens - dont la durée de vie est habituellement d'une cinquantaine d'années - pourraient être nettoyés et utilisés pour le transport d'autres marchandises.
Les associations des secteurs des pipelines et du transport ferroviaire affirment toutes deux que leurs produits arrivent à destination en toute sécurité dans plus de 99,9 pour cent des cas.
Même s'ils estiment sûrs les deux modes de transport pour le brut, plusieurs dirigeants de l'industrie du pétrole ont dit préférer les canalisations au train, qu'ils aiment mieux voir jouer un rôle de soutien.
Lors d'une émission diffusée sur le Web en novembre, des dirigeants du géant du pipeline TransCanada, de Calgary, ont souligné qu'il était important de construire de nouvelles canalisations pour acheminer le brut tiré des sables bitumineux jusqu'aux marchés.
«Nous avons constaté une augmentation des déplacements par rail, ce qui a mis en péril la sécurité du public», a déclaré le président et chef de la direction de TransCanada, Russ Girling.
TransCanada cherche depuis plus de cinq ans à obtenir le feu vert des autorités américaines pour construire son controversé pipeline Keystone XL. L'entreprise s'attend à ce qu'une décision soit rendue quelque part en 2014.
Le mouvement écologiste américain s'est ligué contre la canalisation, qui permettrait au brut albertain de se rendre jusqu'aux raffineries du Texas.
Sans accès adéquat au marché, les producteurs de pétrole obtiennent moins d'argent pour leur pétrole, a affirmé lors de l'émission Alex Pourbaix, responsable des canalisations de pétrole chez TransCanada.
«Néanmoins, les producteurs ne sont de toute évidence pas inactifs», a-t-il dit.
«Avec les délais dans l'obtention de (notre) permis du président (Barack Obama), le rail comble graduellement l'écart (...) il va continuer à le faire d'ici à ce que des projets comme Keystone soient réalisés.»
D'ici à la fin de 2105, la capacité de chargement ferroviaire de pétrole sera de plus de 800 000 barils par jour en Alberta, soit presque l'équivalent de la capacité d'acheminement qu'aurait Keystone XL si cette canalisation était construite, a indiqué M. Pourbaix. Il s'agit du double de ce qu'elle atteint aujourd'hui, a-t-il ajouté.


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