Pensez-y deux fois avant de voter Mario Dumont…

Par Luc Giguère

Tribune libre - 2007


Pensez-y deux fois avant de voter Mario Dumont parce que bon nombre des
idées qu’il préconise ont été essayées ailleurs et ça n’a pas marché. À
vrai dire l’essentiel des idées de Dumont s’apparente étrangement à celles
de Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Georges W.Bush, Stephen Harper, Mike
Harris, Ralph Klein et j’en passe. Qu’ont-ils en commun tous ces
personnages illustres ? Eh bien la philosophie qui sous-tendait et
sous-tend encore aujourd’hui la vision de ces personnes incluant Dumont
pourrait se résumer comme suit : « le moins de gouvernement possible dans
nos vies, conséquemment le moins de fiscalité possible, le moins de
syndicalisme possible et le plus de privatisations possible. »
Les
exemples foisonnent. Débutons avec Mme Thatcher. Au début des années’80,
pour des raisons purement économiques, Mme Thatcher a libéralisé les
services publics de contrôle et a démantelé les services vétérinaires
publics de l’Angleterre. Ceci a entraîné la crise de la vache folle qui a
provoqué subséquemment la perte de plusieurs vies humaines. Au nom des
valeurs conservatrices, de l’effort personnel, de l’entreprise privée, Mme
Thatcher a renié la social-démocratie et a surtout brisé la force du monde
syndical. Dans l’esprit de cette dernière, chômage, pauvreté et inégalités
sont un mal nécessaire à la prospérité économique.
Un mot sur Ronald Reagan
et G.W.Bush. Tous les deux ont contribué depuis plus de vingt-cinq ans à
aggraver sensiblement les inégalités sociales et la pauvreté aux
Etats-Unis. Bien plus, les américains ont assisté pendant ce temps-là
jusqu’à aujourd’hui à l’éclosion de politiques anti-syndicales, à la
diminution du budget de la sécurité sociale, à la diminution des salaires
pour plus de 80% de la main-d’œuvre, à des licenciements aveugles, à des
programmes radicaux de libéralisation du commerce, de dérégulation et de
privatisation.
Un bref exemple à l’égard de Stephen Harper. Il y a quelque
temps, M. Harper a annoncé un investissement de près de vingt-cinq (25)
milliards de dollars pour l’achat d’équipement militaire (chars d’assaut,
avions, etc.).
Pendant ce temps-là, le gouvernement du Québec racle les fonds de tiroir
de sa caisse pour financer les investissements en santé, éducation,
infrastructures de toutes sortes et est incapable de trouver quelques
millions pour les installations du jardin zoologique à Québec. Tout ceci
pour illustrer l’absurdité du régime fédéral actuel et démontrer en même
temps comment les priorités peuvent être dirigées à la mauvaise place.
Plus
près de nous, jetons un coup d’œil vers Mike Harris, ex-premier ministre de
l’Ontario qui s’est échiné en 1995 à défendre sa cause qu’il a appelé :«
la révolution du bons sens » c’est-à-dire le moins de gouvernement possible
dans nos vies. Les conséquences : coupures budgétaires dans les services de
l’aide sociale, le logement, la fonction publique. Des écoles et hôpitaux
ont été fermés. Construction de nouvelles méga-prisons, frais de scolarité
au post-secondaire augmentés de plus de 65%, contrôle des loyers aboli et
phénomène semblable à la crise de vache folle en Grande-Bretagne : le
traitement et le contrôle de la qualité de l’eau potable ont été
privatisés. Donc de moins en moins d’inspecteurs pour vérifier la qualité
de l’eau, ce qui a provoqué la tragédie de Walkertown. Sept personnes en
sont mortes et des milliers de personnes ont été empoisonnées au E-coli.
Après tant d’événements aussi catastrophiques, inutile de vous dire que
M. Harris a dû quitter la vie politique par la suite.
Un dernier exemple :
Ralph Klein, ex-premier ministre de l’Alberta. Province riche, mais jamais
autant de richesse et de pouvoir n’ont été concentrés dans les mains de si
peu de gens. Crise du logement, capitalisme sauvage, délestage des
programmes sociaux, l’Alberta préfère diminuer ses impôts et payer sa dette
au lieu d’accorder la gratuité scolaire, éradiquer la pauvreté et avoir un
système de santé public de qualité. Les prestations d’aide sociale se
classent parmi les plus faibles au pays. Les groupes qui travaillent auprès
des personnes démunies disent que le gouvernement de la province la plus
riche du Canada devrait avoir honte. Pas étonnant que M. Klein lui aussi a
dû retirer sa révérence récemment.
Tout ceci pour vous dire que Mario Dumont qui veut imiter plus ou moins
ces personnes politiques qui l’inspirent, risque de nous entraîner dans le
même sillon. Des exemples : coupures dans l’aide sociale pour financer sa
promesse d’aide aux enfants, ouvrir la porte de la santé au secteur privé,
l’autonomie des individus (i.e. des individus plus responsables), ce qui
signifie un autre cliché de la droite pour mieux démanteler les programmes
sociaux, l’autonomie du Québec, c’est-à-dire un retour en arrière de plus de
quarante ans à l’époque de l’Union Nationale et du Crédit-Social (l’époque
de Rodrigue Biron et Camille Samson), etc. etc.
Je ne voudrais pas terminer cette réflexion sans aborder l’avenir sur une
note plus optimiste. Je reviens à la notion énoncée plus haut,
c’est-à-dire « le moins de gouvernement possible dans nos vies,
conséquemment le moins de fiscalité possible, le moins de syndicalisme
possible et le plus de privatisations possible».
Pour réagir à une telle
façon de voir les choses, jetons un coup d’œil du côté des pays scandinaves
pour essayer de voir comment ces pays nordiques ont pu développer davantage
la cohésion sociale, la qualité de vie et la santé économique. Au lieu de
penser et d’envisager la vie politique, sociale et économique à la
Thatcher-Bush-Harper-Harris-Klein-Dumont, il se trouve que les pays les
plus avancés socialement et économiquement sur la planète sont les pays
dont le taux de syndicalisation et le taux d’imposition sont les plus
élevés. D’emblée, il faut ajouter que l’énoncé qui précède ne repose pas
sur des impressions ou des canulars, mais sur des études statistiques
reconnues par des instances internationales telles que : OCDE,
EUROSTAT, UNESCO, UNICEF, OMC, OMS, OIT, etc. etc. À titre d’exemple, un rapport
très récent de l’UNICEF révélait que les pays scandinaves sont les pays
qui offrent les meilleures conditions de vie aux enfants dans le monde
industrialisé. Le Canada se classe au douzième rang et les Etats-Unis
occupent la dernière place. Le rapport indique également que les Etats-Unis
obtiennent les plus mauvaises notes dans la catégorie santé et sécurité,
qui s’appuie sur les statistiques de mortalité infantile, de poids de
naissance, de vaccination et de décès par accident.
D’autres exemples à
signaler : le plus haut du classement de l’indice du développement humain
appartient à la Norvège et l’Islande. Les pays nordiques ont un taux de
syndicalisation très élevé. Plus de 80% des salariés sont syndiqués. Les
pays scandinaves figurent en tête de la compétitivité mondiale,
contredisant ainsi l’idée selon laquelle une pression fiscale importante
constitue un frein à l’activité économique et pourtant, les taxes et
l’impôt sur le revenu sont beaucoup plus élevés que partout ailleurs sur la
planète.
Bref les caractéristiques qui sous-tendent la
philosophie social-démocrate des pays nordiques pourraient se résumer
comme suit : les inégalités sont plus réduites qu’ailleurs, la distribution
des revenus est relativement égale, la pauvreté est peu
fréquente, l’égalité des hommes et des femmes est un principe de base, un
dialogue social très développé, une politique active de l’emploi, un chômage
très bas et finalement, ils sont, parmi les pays les plus développés, ceux
qui dépensent le plus en matière d’éducation.
Face à ce constat on ne peut
plus éloquent, les Québécois pourraient sans doute s’inspirer de
l’expérience scandinave et construire une alternative au modèle qu’on veut
bien nous présenter comme le seul possible, c’est-à-dire un modèle
politique, social et économique à la
Thatcher-Bush-Harper-Harris-Klein-Dumont,
Je répète : Pensez-y deux fois avant de voter Mario Dumont.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/spip/) --


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