Paul Krugman, Robert Reich et les inégalités aux Etats-Unis

L'indispensable retour de l'homo politicus

Crise du capitalisme - novembre décembre 2011 - USA


Jean-Paul Maréchal, maître de conférences à l'université de Rennes 2.
_ L'Economie politique n° 039 - juillet 2008


Publiés à quelques mois d'une élection capitale pour les Etats-Unis - et, d'une certaine façon, pour le reste du monde -, The Conscience of a Liberal, de Paul Krugman, et Supercapitalism, de Robert Reich (2), visent à élucider les causes qui ont fait de la société américaine la plus inégalitaire parmi celles des pays anciennement industrialisés. Si ces deux ouvrages convergent sur de nombreux points, ils ne s'en opposent pas moins sur certaines explications. Les pages qui suivent s'articulent autour de trois thèmes: le creusement des inégalités aux Etats-Unis depuis un quart de siècle, les causes de ce phénomène et, enfin, les solutions proposées pour y remédier.
Croissance économique et accroissement des inégalités
S'il est un constat que partagent Krugman et Reich, c'est bien celui d'un accroissement vertigineux des inégalités aux Etats-Unis à partir de la décennie 1980, évolution que l'un comme l'autre replacent dans une perspective historique afin d'en montrer le caractère inédit à l'échelle d'un siècle.
Remontant à la fin de la guerre de Sécession, Krugman identifie cinq périodes: l'"âge des paillettes" (1870-1932), la "grande compression" (1932-1947), le "boom de l'après-guerre" (1947-1973), le "temps des problèmes" (1973-1980) et, enfin, une "ère de croissance raisonnable et de creusement des inégalités" (depuis 1980) [TCL, p. 54]. Reich, quant à lui, isole "l'âge pas tout à fait d'or" (1945-1975) du "supercapitalisme" (après 1975).
La période qui s'étend de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la seconde moitié des années 1970 se caractérise par une consolidation des avancées sociales du New Deal, par une pérennisation de cette "grande compression" des inégalités impulsée par Roosevelt. Un tel phénomène n'est pas, comme on aurait tendance à le penser spontanément, le seul fait de présidents démocrates tels que Truman ou Kennedy mais résulte également de l'action de présidents républicains comme Eisenhower ou même, dans une certaine mesure, Nixon. Reich rappelle ainsi que, sous la présidence d'Eisenhower, le taux supérieur d'imposition des plus riches était de 91% (contre 78% sous Kennedy) [S, p. 37]. Quant à Nixon, écrit Krugman, il "gouverna comme un liberal (3) dans de nombreux domaines", par exemple en instaurant un revenu pour les personnes âgées handicapées, en étendant la législation sur la sécurité au travail et en allant même jusqu'à tenter de mettre en oeuvre une couverture maladie universelle [TLC, p. 81].
Pour autant, nous préviennent, Krugman et Reich, il convient de se garder de toute illusion rétrospective. Les années 1950 et 1960 ne furent pas, loin s'en faut, un âge d'or pour tout le monde. Les minorités (notamment les Noirs habitant dans le Sud du pays) et les femmes étaient en butte à de nombreuses discriminations, tandis que les personnes âgées ne pouvaient guère espérer profiter de leur retraite plus de cinq ou six ans [S, p. 16 et 39; TCL, p. 38].
Reste que l'évolution de certains indicateurs (4) met parfaitement en évidence - pour reprendre la formulation de Krugman - le passage, au cours de la décennie 1980, de la "grande compression" à la "grande divergence". Ainsi, les personnes appartenant au 1% le mieux payé de la population américaine recevaient (avant impôt) 19% des revenus distribués en 1928. En 1969, ce taux avait chuté à 7% mais était remonté en 2004 autour de 17%. Quant à la part revenant au 0,1% le plus riche, elle a suivi la même évolution puisqu'elle était respectivement, pour les trois années prises en référence, de 8%, 2%, et enfin 7%. Le même retournement de tendance apparaît lorsque l'on prend en considération le revenu réel des ménages. Entre 1947 et 1973, celui-ci a augmenté de 116,1% pour le cinquième le moins riche et de 84,8% pour le cinquième le plus riche. En revanche, entre 1974 et 2004, le cinquième inférieur a dû se contenter d'une progression de 2,8% alors que le cinquième supérieur bénéficiait d'une augmentation de 63,9%.
Autre mesure possible de l'évolution des inégalités: la variation du rapport entre la rémunération du PDG moyen et le salaire moyen. Ce rapport, qui avait diminué de 50 à 35 entre 1946 et 1979, allait augmenter jusqu'à atteindre 360 en 2003. Le même rapport, mais avec au numérateur les revenus moyens des trois principaux directeurs, affichait, pour les trois années retenues, les valeurs de 40, 30 et 220. Robert Reich illustre ces dérives avec un exemple frappant. En 1968, le PDG de General Motors gagnait à peu près 66 fois plus que l'un de ses ouvriers; le salaire de l'un d'entre eux suffisant d'ailleurs, comme le fait remarquer Krugman, à assurer l'entretien du ménage [TCL, p. 127]. En 2005, le PDG de Wal-Mart a perçu 900 fois la rémunération moyenne de l'un de ses employés. Cette même année, la fortune des fondateurs de l'entreprise a été estimée à environ 90 milliards de dollars, chiffre équivalent au patrimoine cumulé d'environ 40% de la population américaine, soit 120 millions de personnes (5). Dans le même temps, le taux d'imposition pour les très hauts revenus avait chuté à environ 35%.
La progression des revenus financiers a été au cours des trente dernières années sans commune proportion avec celle de la richesse créée. Deux chiffres illustrent cela: entre 1974 et 2007, alors que le produit national brut (PNB) américain était multiplié par 3, le Dow Jones l'était par 13.
Il n'est donc pas exagéré de prétendre, comme le fait Krugman, que nous vivons désormais dans un "deuxième âge des paillettes" [TCL, p. 39]. La similitude entre certaines données des années 1920 et l'actuelle décennie est saisissante. Ainsi, la part des revenus des 10% les mieux payés dans le revenu total était de 43,6% dans les années 1920 et de 44,3% en 2005 [TCL, p. 16].
Mais l'accroissement des inégalités est bien évidemment un phénomène multidimensionnel. Outre le creusement des écarts de richesse, celui-ci se manifeste par exemple par la diminution du pourcentage de salariés bénéficiant d'une couverture maladie. C'est ainsi que la proportion de grandes et moyennes entreprises offrant une telle couverture à leurs salariés est passée de 74% en 1980 à 18% en 2005. En 1988, deux tiers de ce type d'entreprises en offraient une à leurs retraités contre seulement un tiers en 2005. On n'est pas étonné, dans ces conditions, d'apprendre que 15% des Américains sont désormais dépourvus de toute assurance maladie (6).
Ainsi, depuis trois décennies, les ménages moyens américains, pour ne rien dire des plus pauvres, n'ont pas profité de la croissance soutenue de l'économie (7). Question de Reich pour enfoncer le clou: "Où la richesse est-elle donc allée?" Réponse nette et précise: "Principalement tout en haut" [S, p. 105]. Mais comment expliquer un tel phénomène? C'est là que nos deux auteurs divergent. Reich défend la thèse d'une origine liée au changement technique tandis que Krugman soutient l'hypothèse d'une cause politique.
Causalité technique ou causalité politique?
Selon Robert Reich, les années 1970 marquent, pour l'économie américaine, le passage du "capitalisme démocratique" au "supercapitalisme". Entre 1945 et 1975, explique-t-il, les Etats-Unis ont remarquablement articulé capitalisme et démocratie. A la différence d'autres nations où la volonté de mettre le capitalisme au service du peuple a conduit au socialisme, au communisme ou au fascisme, les Etats-Unis ont adopté au cours des XIXe et XXe siècles un ensemble de dispositifs destinés à empêcher la formation de monopoles et à prévenir la concurrence déloyale (Interstate Commerce Commission en 1887, Sherman Act en 1890…).
Le régime de croissance adopté - si l'on veut bien entendre par cette expression une articulation particulière entre organisation de la production, distribution de la richesse et formation de la demande - se caractérisait par une synergie particulièrement cohérente et efficace entre les stratégies des grandes firmes et les politiques publiques. En planifiant un volume important de production, les grandes firmes réalisaient d'importantes économies d'échelle et réduisaient par là même leur coût unitaire de fabrication. De plus, en se coordonnant entre elles au sein d'un même secteur, elles pouvaient fixer le prix de vente à un niveau suffisamment élevé pour dégager des profits importants. Ces profits servaient à assurer l'investissement et à rémunérer les dirigeants ainsi que l'ensemble du personnel (auquel était généralement accordé, depuis la Seconde Guerre mondiale, une assurance maladie), ce dernier étant organisé en syndicats puissants qui évitaient de recourir à la grève. Les deux parties s'efforçaient de fixer les salaires et les prix à un niveau tel que l'inflation ne soit pas favorisée, et cela d'autant plus que les accords ainsi passés (salaires, avantages sociaux…) servaient de références pour les salariés non syndiqués. Dans le même temps, la puissance publique fixait les tarifs des monopoles naturels (eau, gaz, certaines dessertes aériennes…), imposait une fiscalité élevée sur les hauts revenus, gérait ou facilitait une partie des négociations entre patronat et syndicats… L'une des figures centrales de cette époque était l'"industriel homme d'Etat" (industrial statesman), expression par laquelle le magazine Fortune désignait (en 1951) de façon appréciative un chef d'entreprise soucieux de ses responsabilités à l'égard du public et de l'intérêt national (8) [S, p. 45]. Certes, un tel système ne faisait pas que des gagnants ou, pour être plus précis, chacun n'y trouvait pas que des avantages dans toutes les dimensions de sa vie économique. C'était notamment le cas pour les consommateurs, qui ne bénéficiaient ni des prix les plus bas, ni des produits de la meilleure qualité possible. Cependant, en tant que salariés, les mêmes étaient assurés d'une grande stabilité d'emploi.
Or, depuis la fin des années 1970, ce capitalisme démocratique a cédé la place au supercapitalisme. Les aspects démocratiques du capitalisme ont décliné, les "industriels hommes d'Etat" ont disparu, les institutions dont le rôle était d'établir des règles du jeu équitables ont été éclipsées et le pouvoir est passé aux mains des consommateurs et des investisseurs.
Les causes de cette mutation en profondeur sont, selon Reich, à chercher dans les innovations techniques issues de la guerre froide, innovations qui ont progressivement permis tant aux marchandises qu'à l'information de circuler d'un endroit à l'autre de la planète avec une facilité jusque-là inconnue. De fait, bon nombre des percées technologiques en question sont nées des programmes de défense [cf. Hodgson, 2008, chap. 3], et l'auteur de citer à titre d'exemples: l'électronique, les télécommunications (les câbles sous-marins, les satellites, Internet), les avions-cargos, les containers… La diffusion de cette grappe d'innovations a brisé l'ancien système de production oligopolistique en provoquant de profondes mutations tant du côté de l'offre que de la demande. On se contentera de citer ici l'apparition et la multiplication de "chaînes de production réparties sur le monde entier et au sein desquelles on [ajoute] des composants et des services là où ils pouvaient être réalisés au plus faible coût" [S, p. 63]. Le consommateur, quant à lui, a désormais accès, notamment grâce à Internet, à un nombre de fournisseurs inconnu jusqu'alors, possibilité qui accroît la concurrence entre firmes.
En bref, les vieux oligopoles stables ont été minés et la compétition s'est intensifiée. De nouvelles opportunités se sont offertes, et les entreprises qui voulaient les saisir ont fait pression sur les pouvoirs publics afin que soit enclenché un processus de déréglementation. Si bien que, montre Reich, au moment où Ronald Reagan entre à la Maison-Blanche, la déréglementation est déjà en marche depuis une décennie. Elle a déjà touché le transport aérien en 1978, le transport routier et ferroviaire en 1980, la finance à partir de 1974 [S, p. 65-70] (9). Les préoccupations des "industriels hommes d'Etat" ont cédé la place à l'obsession de la plus-value pour l'actionnaire, tandis que le taux de syndicalisation a connu une chute brutale sous la présidence de Jimmy Carter [S, p. 81].
L'exacerbation de la concurrence dans le but de satisfaire les exigences tant des actionnaires que des consommateurs oblige alors les entreprises à réduire drastiquement leurs coûts. "Cela supposait, écrit Reich, des négociations difficiles avec les syndicats, et même des campagnes destinées à les dénigrer. Ronald Reagan a probablement indiqué aux entreprises que ces stratégies étaient légitimes, mais il ne les a pas provoquées" [S, p. 82].
Paul Krugman ne partage manifestement pas une telle thèse. Il reconnaît cependant avoir longtemps pensé que des forces telles que la mondialisation ou le changement technique avaient engendré l'accroissement des inégalités que nous connaissons aujourd'hui et, par là même, permis l'apparition d'une élite dont le Parti républicain aurait décidé de protéger les intérêts, non certes en raison du nombre d'électeurs que cette dernière représentait mais des capacités contributives potentielles de ses membres aux campagnes électorales. Or, sur ce point, explique Krugman, il a changé radicalement d'avis. Il estime désormais qu'une relation de causalité a bien joué, mais en sens inverse: du politique vers l'économique et le social.
Il met ainsi en évidence que le consensus sur le caractère désirable des acquis du New Deal qui avait prévalu au sein de la classe politique américaine depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale s'est écroulé au cours des années 1970 sous l'effet de la pression de la droite du Parti républicain. Prenant le contrôle du "Grand Old Party", celle-ci a opéré une rupture idéologique avec le Parti démocrate. "L'accession au pouvoir de la droite dure, écrit Krugman, encouragea le monde des affaires à lancer une attaque tous azimuts sur le mouvement syndical, réduisant ainsi drastiquement le pouvoir de négociation des travailleurs, libérant les cadres dirigeants des contraintes politiques et sociales qui avaient jusque-là mis des limites à des augmentations de salaires galopantes, diminuant fortement les taux d'imposition pesant sur les hauts revenus et, dans un grand nombre d'autres domaines, engendrant une inégalité croissante" [TCL, p. 7] (10).
Pour comprendre les raisons d'une telle évolution, il faut remonter aux années 1950, à cette décennie où le président Eisenhower prônait un républicanisme moderne soucieux de consolider les acquis du New Deal. C'est à ce moment précis qu'est apparu un mouvement qui allait rapidement se faire connaître sous le nom de "Movement Conservatism". Les "nouveaux conservateurs" (new conservatives) qui le composent se font alors les chantres du racisme et du général Franco et, sans surprise, les adversaires résolus du keynésianisme et du communisme. Les années passant, ils se feront plus habiles communicateurs, en se présentant comme les défenseurs de la "liberté" et des "choix privés". En attendant, ils ont pour figure de proue William F. Buckley, qui publie en 1951 God and Man at Yale et qui fonde en 1955 la National Review, où publient les adeptes du mouvement.
Tout porte cependant à croire que, sans le ralliement des "néoconservateurs" (un groupe tout à fait différent et, pour le coup, avec une large assise académique), le Movement Conservatism n'aurait jamais pu former la solide intelligentsia dont tout mouvement politique a besoin pour accéder aux plus hautes responsabilités. Le néoconservatisme plonge en fait ses racines, d'une part, dans les thèses économiques dites "monétaristes" de l'Ecole de Chicago emmenée par Milton Friedman - qui soutiendra la campagne de Barry Goldwater en 1964 -, et d'autre part, dans la sociologie d'Irving Kristol, fondateur du magazine The Public Interest. Tandis que le premier s'oppose aux politiques keynésiennes en défendant une stricte orthodoxie économique, le second se rebelle contre la "guerre à la pauvreté" déclarée par le président Johnson dans le cadre de sa "Great Society".
Beaucoup, parmi les intellectuels fondateurs du néoconservatisme, étaient des universitaires de tout premier plan. La suite fut un peu moins glorieuse. Soucieux de recevoir le soutien de fondations (on pense à l'American Enterprise Institute ou à la Heritage Foundation) et de groupes privés, les néoconservateurs acceptèrent une vulgarisation grossière de leurs idées, phénomène qui culmina avec le "charlatanisme" - le jugement est de Gregory Mankiw - du "supply-side economics" ("économie de l'offre"), doctrine qui fut ardemment défendue par The Public Interest. Il est vrai que, à la différence d'un Milton Friedman, Irving Kristol ne considérait les idées économiques que sous le seul angle de leur utilité idéologique. Peu lui importait que les "supply-siders", en l'occurrence, aient tort ou raison. Il fallait, écrit-il dans un texte de 1995, allier des "idées simples" à des "passions" en vue de créer une nouvelle majorité conservatrice, évidemment républicaine. "L'efficacité politique était donc la priorité" [Kristol, 1995].
En attendant, entre les années 1950 et le milieu de la décennie suivante, le Movement Conservatism va progressivement se construire et s'organiser. Pour l'heure, le monde des affaires est encore réservé à l'égard de cette nouvelle mouvance, ses principaux soutiens se recrutant surtout chez les petits patrons. Un double événement va cependant lui permettre d'accroître considérablement son audience: les promulgations en 1964 et 1965 par le président Johnson du Civil Rights Act et du Voting Act (auxquels s'oppose Ronald Reagan). En octroyant le droit de vote aux Noirs du Sud, le successeur de John Kennedy va faire perdre le Sud au Parti démocrate, région qui lui était traditionnellement acquise depuis qu'un siècle plus tôt un président républicain nommé Abraham Lincoln avait émancipé les esclaves. "Cette fracture, écrit Krugman, ouvrit la porte à un nouveau type de politique. Le changement de politique raciale rendit possible un renouveau du mouvement conservateur, dont l'objectif ultime était de renverser les réussites du New Deal (11), de gagner les élections nationales en dépit du fait que les politiques soutenues faisaient prévaloir les intérêts d'une petite élite sur ceux des Américains bénéficiant de revenus moyens et bas" [TCL, p. 99-100].
Au cours des années qui suivirent, le Movement Conservatism renforça ses positions institutionnelles, avec par exemple l'élection en 1966 de Ronald Reagan au poste de gouverneur de Californie, victoire qui fit un peu oublier la candidature malheureuse, deux ans auparavant, de Barry Goldwater. Il fédéra progressivement les mécontentements des anticommunistes, des citoyens (blancs) irrités par le versement d'aides sociales aux minorités pauvres, des patrons furieux de devoir négocier avec les syndicats… Tous ces groupes trouvèrent dans le nouveau conservatisme - et dans un Parti républicain qui tombait progressivement sous sa coupe - un mouvement qui conférait de la respectabilité à leurs idées. Reste que, pour accéder à la Maison-Blanche, il fallait une crise. Le mouvement en eut deux: une, intérieure, avec la stagflation, et une, extérieure, avec, en l'espace de quelques années, la chute de Saigon, l'invasion soviétique en Afghanistan et la crise des otages à Téhéran.
Comme le résume Krugman, ce n'est pas la concentration des richesses qui a permis à une petite élite de s'acheter un parti politique: "Le virage à droite du Parti républicain a eu lieu avant que ne se manifeste aucun accroissement visible des inégalités de revenu. Ronald Reagan a été élu en 1980, année durant laquelle les riches n'étaient pas plus riches, relativement à l'Américain moyen, qu'ils ne l'avaient été durant les années de la présidence de Eisenhower" [TLC, p. 170].
L'indispensable retour de l'homo politicus
Malgré leurs évidentes divergences, les thèses de Reich et de Krugman mobilisent, chacune, des arguments extrêmement convaincants. Elles ne pourraient être tenues pour mutuellement exclusives que si l'on souhaitait isoler une cause première et unique au creusement des inégalités, une cause en quelque sorte inaugurale de laquelle tous les faits ultérieurs auraient découlé. Or, en sciences sociales, une telle prétention nous semble exorbitante (même s'il est patent qu'elle est largement partagée!). C'est une banalité que de rappeler que tout événement historique trouve son origine dans de nombreux facteurs (qui interagissent d'ailleurs bien souvent) et s'inscrit dans une chaîne de causalité (où abondent points de bifurcation, rétroactions et autres effets papillon) dont il est vain de prétendre remonter au premier maillon, si tant est d'ailleurs que cette notion ait elle-même un sens. Qui peut, par exemple, sérieusement prétendre assigner une cause et une seule à la crise de 1929?
Maurice Merleau-Ponty est de ceux qui expriment le mieux cette "complexité" de la vie économique lorsqu'il écrit dans Phénoménologie de la perception [1993, p.201] qu'"il n'y a jamais de causalité économique pure, parce que l'économie n'est pas un système fermé et qu'elle est partie dans l'existence totale et concrète de la société. […] Justement parce que l'économie n'est pas un monde fermé et que toutes les motivations se nouent au coeur de l'histoire, l'extérieur devient intérieur comme l'intérieur devient extérieur".
Vues sous cet angle, les thèses de Krugman et de Reich éclairent, chacune à sa manière, une dimension du phénomène étudié. L'évolution technique et l'évolution idéologique constituent en fait deux facteurs dont la mise en résonance a très bien pu conduire à la situation sociale que les deux auteurs dénoncent.
Il n'en demeure pas moins que le livre de Reich soulève un problème que celui de Krugman ne traite pas: les effets de la technique sur la vie démocratique. En effet, à la différence de ce dernier, Reich soutient la thèse d'un affaiblissement contemporain de la démocratie ou, pour être plus précis, de la vie démocratique. Dès le chapitre d'ouverture, il rappelle que le rôle du capitalisme est d'agrandir le gâteau économique tandis que celui de la démocratie est de décider comment le découper et à quels types de biens (privés ou publics) consacrer son accroissement. Naturellement, les règles de répartition peuvent exercer une influence sur le niveau de la croissance économique mais, justement, "la démocratie est censée nous permettre de procéder à de tels arbitrages, ou nous aider à conjuguer croissance et équité, ou à atteindre d'autres objectifs communs" [S, p. 4]. Or, poursuit-il, la démocratie peine désormais à mener à bien cette mission. C'est que nous sommes passés, en l'espace de trente ans, du capitalisme démocratique au supercapitalisme. D'où cette double question: "Pourquoi un tel triomphe du capitalisme et un tel affaiblissement de la démocratie? Existe-t-il un rapport entre ces deux tendances?" [S, p. 5].
La réponse à ces interrogations est à chercher, selon l'auteur, dans les arbitrages rendus possibles par les "nouvelles" technologies, arbitrages qui ont, jusqu'à présent, été tranchés dans un sens qui a conduit au recul du rôle du citoyen.
Et c'est ainsi que, selon Reich, les dernières décennies nous ont fait, premier effet pervers, contracter un "pacte faustien" [S, p. 99] où nous avons accepté de renoncer à une partie de notre pouvoir en tant que citoyens en échange d'un plus grand en tant que consommateurs (nous voulons les prix les plus bas) et investisseurs (nous exigeons les rendements les plus élevés) (12). Et si le consommateur-investisseur l'emporte sur le citoyen, c'est parce que, explique l'ancien ministre du Travail de Bill Clinton, "tandis que Wal-Mart et Wall Street agrègent les demandes du consommateur et de l'investisseur dans de formidables blocs de pouvoir, les institutions qui, traditionnellement, agrégeaient les valeurs des citoyens ont décliné" [S, p. 126].
Elles ont d'autant plus décliné, et c'est le deuxième effet pervers, que la concurrence exacerbée entre firmes a conduit ces dernières à tenter de faire valoir, de façon toujours plus marquée, leurs intérêts auprès des pouvoirs publics. "Le citoyen en nous a de plus en plus de peine à se faire entendre à Washington et dans d'autres capitales, explique Reich, non parce que le monde des affaires est plus monolithique et puissant que par le passé, mais pour la raison inverse - parce que la concurrence que se livrent les entreprises est plus féroce que jamais. Les entreprises sont entrées en politique pour s'arroger ou conserver un avantage concurrentiel sur leurs rivales. Chacune défend ses intérêts à cor et à cri; il en résulte une telle cacophonie qu'une délibération sérieuse sur le bien public serait inaudible" [S, p. 142-143]. D'où une véritable explosion du lobbying à partir de la fin des années 1970. De fait, entre 1983 et 2005, le nombre de lobbyistes enregistrés à Washington est passé d'à peine 6 000 à presque 33 000, tandis que les sommes dépensées dans ce type d'activité croissaient de 100 millions de dollars (à leur valeur de 2005) à 2,2 milliards de dollars. La conception de la vie sociale de ces lobbyistes est clairement résumée par l'un d'entre eux, Lauren Maddox, lorsqu'il déclare que "le processus politique est une extension du champ de bataille du marché" (13). De cette débauche de moyens est notamment résultée une "corruption du savoir". Reich a des mots très durs sur certains universitaires cités comme experts lors d'auditions au Congrès et se gardant bien de faire état de leurs liens financiers avec les secteurs concernés. Une phrase résume son état d'esprit: "Les scrupules, comme les autres marchandises, cela s'achète si l'on y met le prix" [S, p. 159].
On comprend mieux dans ces conditions pourquoi les dépenses des campagnes électorales ont, en dollars réels, doublé, voire triplé (selon le type d'élection) entre les années 1970 et le début du XXIe siècle [S, p. 133] et pourquoi aussi bien le Parti républicain que le Parti démocrate ont bénéficié des largesses du monde des affaires.
En insistant sur la logique de fonctionnement du nouveau capitalisme, Reich nous donne donc une clé de lecture probablement plus généralisable que celle proposée par Krugman. Et contrairement à ce qui a pu être affirmé avec une certaine légèreté [cf. Judt, 2007], il ne défend en aucune façon un quelconque "déterminisme technologique" qui nous ôterait toute marge de manoeuvre. Il souligne, ce qui est tout autre chose, que le changement technique exerce des effets sur les institutions humaines (14), ne serait-ce qu'en créant de nouveaux contextes décisionnels, mais que la forme que revêtent (ou pourraient revêtir) ces effets dépend de chacun d'entre nous (15) et passe en particulier par la compréhension des mécanismes à l'oeuvre au sein de la sphère économique.
Reste qu'au-delà de ces divergences, tant Reich que Krugman appellent à des solutions voisines qui passent toutes par un retour sur scène de l'homo politicus.
Krugman, tout d'abord, rappelle qu'il souhaite l'avènement d'une société où les institutions limiteraient les extrêmes aussi bien dans la richesse que dans la pauvreté. Economiste engagé dans les débats de son temps, il pose une distinction entre liberal et progressiste. Selon lui, doit être qualifié de liberal tout individu partisan d'un système démocratique, défenseur du respect des libertés civiles et de l'Etat de droit. Un liberal croit en des institutions qui limitent les inégalités et l'injustice. Un "progressiste", pour sa part, participe, "explicitement ou implicitement, à une coalition qui défend et essaye d'étendre ces institutions" [TCL, p. 268]. Krugman se définit donc comme tout à la fois liberal et progressiste. Reich, qui ne pose pas ce type de distinction, n'en est pas pour autant éloigné lorsqu'il avance qu'une "réforme authentique n'aura lieu que lorsque la plupart des citoyens la réclameront" [S, p. 212].
Reich met par ailleurs en garde le citoyen contre le risque que la politique soit détournée de sa vocation. Longtemps, explique-t-il, les réformateurs sociaux ont dénoncé les pratiques de certaines entreprises (sécurité des produits, investissements dans des pays peu soucieux du respect des droits de l'homme…) afin que soient modifiées les règles du jeu. De tels efforts ne se substituaient pas à l'action politique, il la préfiguraient. Ce n'est plus le cas aujourd'hui avec la vogue de la "responsabilité sociale des entreprises", démarche fondée sur des pratiques volontaires adoptées par telle ou telle d'entre elles. Or, explique-t-il dans un ultime chapitre intitulé "Guide du supercapitalisme à l'usage du citoyen", il faut rejeter une telle approche. Il faut se méfier notamment des hommes politiques ou des défenseurs de grandes causes qui rejettent sur les entreprises les effets négatifs du supercapitalisme et qui en appellent à la coopération volontaire. Le système ne peut pas se réparer lui-même de l'intérieur, et si l'on veut que les entreprises se comportent différemment, "il faut changer les règles du jeu" [S, p. 214].
Or, sur ce thème, Krugman avance plus de propositions que Reich, lequel se contente, de façon un peu surprenante, d'appeler (à la suite de Lester Thurow) à une suppression de l'impôt sur les sociétés de telle sorte que les actionnaires soient assujettis à un impôt progressif sur les dividendes qu'ils perçoivent. Krugman, pour sa part, propose un programme plus vaste. Dans le cadre de la "Great Moderation" qu'il appelle de ses voeux, il conviendrait en premier lieu de mettre en place une couverture santé universelle. S'agissant des inégalités de revenus, il propose d'en distinguer deux catégories: celles qui résultent du fonctionnement du marché (revenu primaire) et celles observées dans le revenu disponible (c'est-à-dire après les transferts fiscaux). Les premières pourraient être réduites par l'adoption d'un salaire minimum, et les secondes, grâce à ce que l'auteur nomme des "aftermarket policies" (et à propos desquelles il cite la France en exemple), politiques dont la mesure phare serait une augmentation des impôts sur les hauts revenus.
Conclusion
Ainsi, au-delà de leurs divergences, Reich et Krugman militent pour un surcroît d'intervention publique. Ils mettent en évidence, à partir du cas américain, que si le marché libre produit un gâteau dont la taille s'accroît d'année en année, il s'agit d'un gâteau prédécoupé en parts de plus en plus inégales. Il apparaît donc plus que jamais souhaitable de déconnecter la fonction de production du marché de sa fonction de répartition en organisant des transferts de richesse. Il s'agit donc, pour le dire comme Roger Guesnerie [2006, p. 56], de "redécouper le gâteau après qu'il a été produit". Dans la même veine, d'autres économistes, comme Kenneth F. Scheve et Matthew J. Slaughter, soulignent le contraste entre ce que la libéralisation du commerce et de l'investissement rapporte aux Etats-Unis (16) et la détérioration de la situation de très nombreux salariés, détérioration qui risque de conduire à un retour massif de la revendication protectionniste. Pour sauver la globalisation il faut donc, selon eux, répartir ses bénéfices plus largement, notamment par une politique de redistribution des revenus. Une préoccupation voisine est exprimée par Joseph Stiglitz lorsque, dans son dernier livre [2006, p. 43-44], il explique que la mondialisation n'a pas concrétisé ses potentialités en raison d'un défaut de gestion avisée et qu'il propose un certain nombre de mesures susceptibles de lui donner les moyens de "tenir ses promesses".
Tous ces auteurs s'inscrivent dans la tradition des économistes engagés en faveur de la justice sociale. Leur lecture fait immanquablement penser à ce qu'écrivait Alfred Marshall en ouverture de ses Principes d'économie politique. Il y soulignait en effet que le progrès économique qu'avait connu le XIXe siècle avait contribué, plus que tout autre phénomène, à "donner un intérêt pratique à la question de savoir s'il est réellement impossible que tous les hommes puissent venir au monde avec une chance raisonnable de mener une existence cultivée, à l'abri des souffrances de la pauvreté et de la stagnation individuelle induite par l'exercice d'un travail mécanique pénible et excessif". Le fait, ajoutait-il, que la réponse à cette question dépende dans une large mesure d'objets relevant de la science économique constituait, selon lui, "ce qui donne aux études économiques leur principal et leur plus haut intérêt" [Marshall, 1989, p. 4]. Peut-on imaginer meilleur programme de recherche?
Bibliographie
Greenspan, Alan, 2007, The Age of Turbulence: Adventures in a New World, Penguin Press.

Guesnerie, Roger, 2006, L'Economie de marché, Le Pommier, Paris.

Hacker, Andrew, 2006, "The rich and everyone else", The New York Review of Books, vol. 53, n° 9, 25 mai, p. 16-19.

Hodgson, Godfrey, 2008, De l'inégalité en Amérique. La vague conservatrice de Reagan à Bush, coll. "Le Débat", Gallimard, Paris.

Judt, Tony, 2007, "The wrecking ball of innovation", The New York Review of Books, vol. 54, n° 19, 6 décembre, p. 22-27.
Kristol, Irving, 1995, "American Conservatism, 1965-1995", The Public Interest, automne, p. 80-96.
Krugman, Paul, 2007, The Conscience of a Liberal, W. W. Norton & Company, New York (traduction française à Itemître fin août chez Flammarion).

Krugman, Paul, et Wells, Robin, 2006, "The health care crisis and what to do about it", The New York Review of Books, vol. 53, n° 5, 23 mars, p. 38-43.

Marshall, Alfred, 1989, Principles of Economics, Macmillan, Londres (1re éd. 1890).

Merleau-Ponty, Maurice, 1993, Phénoménologie de la perception, coll. "Tel", Gallimard, Paris (1re éd. 1945).

Reich, Robert, 2007, Supercapitalism: the Transformation of Business, Democracy, and Everyday Life, A. A. Knopf, New York (trad. fr.: Supercapitalisme. Le choc entre le système économique émergent et la démocratie, Vuibert, Paris, 2008).
Scheve, Kenneth F., et Slaughter, Matthew J., 2007, "A New Deal for globalization", Foreign Affairs, vol. 86, n° 4, juillet-août, p. 36.

Stiglitz, Joseph E., 2006, Un autre monde. Contre le fanatisme du marché, Fayard, Paris.
Wills, Garry, 2005, "Fringe Government", The New York Review of Books, vol. 52, n° 15, 6 octobre, p. 46-50.
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Jean-Paul Maréchal, maître de conférences à l'université de Rennes 2.
L'Economie politique n° 039 - juillet 2008

Notes
(1) Dernier ouvrage paru: Humaniser l'économie, Desclée de Brouwer, Paris, 2008.
(2) Paul Krugman, The Conscience of a Liberal, W. W. Norton & Company, New York, 2007 (trad. fr. à paraître fin août chez Flammarion); Robert Reich, Supercapitalism: the Transformation of Business, Democracy, and Everyday Life, A. A. Knopf, New York, 2007 (trad. fr.: Supercapitalisme. Le choc entre le système économique émergent et la démocratie, Vuibert, Paris, 2008). Dans la suite de cet article, ces deux livres seront respectivement désignés par TCL et par S.
(3) Le sens du terme anglais liberal est difficile à rendre en français. En effet, un économiste "libéral" est, en France, un partisan du marché. Dans le monde anglo-saxon, il est au contraire partisan de l'Etat-providence. Plus largement encore, le terme liberal désigne ce que l'on appelle ici un "progressiste". Nous avons donc décidé dans la suite de cet article de le laisser en anglais.
(4) à défaut d'autre précision, les chiffres cités dans les paragraphes suivants sont extraits de S, p. 37, 88, 96, 102, 106-109 et 113.
(5) Un autre phénomène est intéressant à noter. De 1950 à 1980, la productivité du travail et le salaire horaire croissent au même rythme. Ils passent de 100 (base) en 1950 à 200 en 1980. En revanche, entre 1980 et 2005, tandis que la productivité monte à 340, le salaire horaire n'atteint que 280 [S, p. 103].
(6) 40% des Américains ont une assurance maladie insuffisante ou en sont totalement dépourvus [TCL, p. 217 et 271]. Sur ce thème, on lira avec profit Paul Krugman et Robin Wells [2006].
(7) Sur ce thème, on lira aussi Kenneth F. Scheve et Matthew J. Slaughter [2007]. Pour une revue de la littérature récente sur les inégalités aux Etats-Unis, voir Andrew Hacker [2006].
(8) C'était, explique Reich, tout le sens du livre de Adolph Berle et Gardiner Means, The Modern Corporation and the Private Property, ainsi que des travaux de Walter Lippmann. Reich souligne aussi [S, p. 173] que la célèbre prise de position de Milton Friedman ("The social responsibility of business is to increase its profits", The New York Times Magazine, 13 septembre 1970), affirmant que le seul but de l'entreprise est de maximiser son profit, a été faite à une époque où les firmes avaient encore le pouvoir d'assumer des responsabilités sociales.
(9) Dans ses mémoires, Alan Greenspan [2007] rend d'ailleurs hommage à Jimmy Carter pour avoir impulsé le mouvement de déréglementation.
(10) Sur l'histoire et les conséquences de cette trahison des valeurs les plus anciennes de la société américaine, on lira également Godfrey Hodgson [2008]. à propos de la façon qu'a eu George W. Bush de s'appuyer sur les f(r)actions les plus radicales de la droite américaine, on a pu parler de "gouvernement par la marge" [cf. Garry Wills, 2005].
(11) On rappellera que le Sud, plus pauvre que le reste du pays, bénéficiait plus que toute autre région des effets du New Deal.
(12) Le "nous" de Reich mériterait d'être questionné car "nous" ne sommes pas tous consommateurs et investisseurs ni de la même manière, ni dans les mêmes proportions.
(13) Cité in "Once a maverick: Google joins the lobbying herd", par Kate Phillips, New York Times, 28 mars 2006.
(14) Les exemples qui illustrent une telle thèse abondent. Ainsi, l'introduction de la machine à vapeur dans l'univers de la production a profondément modifié l'organisation économique dans son ensemble et conduit soit à l'apparition de questions nouvelles (organisation scientifique du travail...), soit à en reformuler d'anciennes sur de nouvelles bases (rémunération du travail, épargne...).
(15) Mais, avons-nous envie d'ajouter, pas de chacun d'entre nous dans les mêmes proportions, eu égard au fait que tous les agents économiques ne disposent pas, loin s'en faut, du même pouvoir d'influence économique, social et politique.
(16) L'augmentation annuelle du revenu national américain engendrée par la "mondialisation" est comprise entre 500 et 1 000 milliards de dollars, soit un surcroît (statistique) de revenu moyen par Américain compris entre 1 650 et 3 300 dollars [cf. Scheve et Slaughter, 2007].


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