Le potentiel de développement d'un pôle commercial des sciences de la santé à proximité du CHUM n'a pas l'ampleur espérée. Par contre, un partenariat entre l'hôpital et son vis-à-vis de langue anglaise, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), permettrait de propulser cette nouvelle équipe parmi les dix meilleurs centres de recherche de classe mondiale dans au moins trois créneaux et de générer des retombées économiques.
C'est une des constatations de la firme américaine de consultants Bain, dont le rapport confidentiel a été transmis le mois dernier à l'organisme privé Technopôle Ville-Marie et dont Le Devoir a obtenu copie. Ce rapport a coûté 1,3 million de dollars en fonds publics (Montréal, Québec et Ottawa). Il tient en une trentaine de pages, le tout en anglais. Le mandat consistait à réaliser un plan d'affaires pour Technopôle Ville-Marie (TVM), qui veut devenir un leader sur la scène internationale dans le domaine du transfert et de l'implantation d'innovations thérapeutiques.
Comme l'écrit la firme Bain, le Centre de recherche du CHUM ne bénéficie que d'un budget de taille moyenne, très fragmenté, qui ne lui permet pas de se distinguer de façon significative dans un secteur de recherche particulier. Or un partenariat entre les deux grands hôpitaux universitaires (l'un lié à l'Université de Montréal, l'autre à l'université McGill) ferait la différence dans les secteurs des neurosciences et de l'endocrinologie ainsi que dans le domaine de la recherche sur les systèmes respiratoire et circulatoire. Ainsi, dans le domaine des neurosciences, où McGill se classe au 15e rang mondial et l'UdeM au 20e rang, une alliance les ferait grimper au quatrième rang. De façon similaire, les deux établissements pourraient se hisser au troisième rang dans le domaine des recherches sur les systèmes respiratoire et circulatoire s'ils travaillaient de concert alors qu'ils se situent actuellement aux 15e (UdeM) et 36e rangs (McGill).
Selon la firme Bain, le CHUM et son centre de recherche peuvent tout au plus espérer attirer des industries pouvant occuper un maximum de 12 000 mètres carrés, soit le tiers de la première phase prévue du quartier de la santé. Concrètement, il s'agit de construire un immeuble de 35 000 mètres carrés au coût de 70 millions de dollars. Le Centre international d'innovations thérapeutiques pourrait accueillir des entreprises qui commercialiseraient les résultats de recherches et qui seraient attirées par la synergie avec le CHUM et les soins cliniques qui y seront dispensés. Cet édifice projeté n'est que la première étape d'un ambitieux plan de 230 000 mètres carrés devant s'étendre du futur hôpital jusqu'au Palais des congrès. Pour concrétiser ce plan, le recouvrement de l'autoroute Ville-Marie serait nécessaire.
Or la firme Bain souligne qu'il y a à Montréal une «offre excédentaire» de locaux pouvant accueillir des entreprises liées aux sciences de la santé. Le rapport mentionne entre autres l'ouest de l'île de Montréal (Saint-Laurent), où on retrouve une grande concentration d'entreprises à vocation scientifique. D'ailleurs, les consultants ajoutent que les coûts de construction de l'édifice prévu par TVM devraient être révisés afin de permettre la location de locaux à un prix semblable à celui du secteur Saint-Laurent.
Invité à commenter le rapport Bain, dont il a pris connaissance, le ministre de la Santé, Philippe Couillard, de passage au Devoir hier, a dit constater qu'un «nombre limité de compagnies ou d'organisations vont vouloir s'installer à proximité» et qu'il faut donc viser la complémentarité.
«C'est le grand malheur de notre société quand les gens travaillent chacun dans son petit coin», a affirmé le ministre Couillard.
Chez TVM, un organisme à but non lucratif (OBNL) créé en 2006 par le CHUM en collaboration avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le constat de la firme Bain est positif. L'exploitation de seulement 12 000 mètres carrés n'est pas «négligeable», a affirmé Guy Versailles, responsable des communications pour TVM. «Il y a quelque chose à faire avec ça. Il y a des besoins auxquels on peut répondre. On a prétendu et on continue de prétendre qu'il y a un potentiel de développement très intéressant, et on va l'exploiter», a-t-il affirmé.
Quant à un éventuel partenariat, M. Versailles a souligné que le Centre international d'innovations thérapeutiques «n'est pas un projet réservé exclusivement à ce qui sort du Centre de recherche du CHUM».
Pour TVM, le rapport Bain est d'une «qualité exceptionnelle» mais ne résume pas l'ensemble de la stratégie. «Compte tenu du rapport Bain et de ce que nous avons dans nos cartons, on estime que c'est encore une hypothèse réaliste. Bain nous a été très utile pour identifier des créneaux et nous confectionner une stratégie, mais ce n'est pas la fin du monde non plus», a insisté Guy Versailles.
En comparaison, le CUSM, qui a lui aussi créé une structure afin de donner un élan économique à la recherche, a choisi de miser sur un technopôle virtuel. Comme l'a expliqué Vassilios Papadopulos, directeur de l'Institut de recherche du CUSM, l'Excellerateur entend utiliser les structures existantes de McGill, du CUSM et des technoparcs existants.
«Tous les bâtiments à Montréal dans les différents technoparcs ne débordent pas. Alors pourquoi faire un autre bâtiment? Pourquoi ne pas bénéficier de ce qui est déjà en place?», a fait valoir M. Papadopulos.
Malgré une demande de soutien financier équivalent à celui obtenu par le CHUM auprès des gouvernements provincial et fédéral, le CUSM est toujours en attente pour élaborer un plan d'affaires. Seule la Ville de Montréal lui a versé 125 000 $.
TVM a prévu d'enclencher la promotion concrète de son projet de quartier de la santé le 14 mars. Le président de l'organisme, Pierre Marc Johnson, fera une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain pour expliquer les perspectives d'avenir du marché des sciences de la santé à proximité du CHUM.
À ce chapitre, le rapport Bain souligne que le comité de pilotage mis sur pied (100 000 $ de fonds publics) au sein de TVM devra se questionner sur différents éléments, notamment la façon pour le Centre de recherche du CHUM de se distinguer et de développer une stratégie de partenariats avec les institutions montréalaises.
- source
Pas de technopôle possible sans une alliance CHUM-CUSM
«C'est le grand malheur de notre société, quand les gens travaillent chacun dans leur petit coin», dit Couillard
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