Plusieurs interprétations peuvent être proposées quant au sens à donner au vote massif de lundi de la part du Québec en faveur du NPD, dont l'effet premier aura été d'annihiler en fin de compte le Bloc québécois. Il n'y a pas de réponses définitives qui puissent aujourd'hui être proposées. Examinons néanmoins quelques-unes des questions qui se posent.
La première question venant à l'esprit de plusieurs, surtout au Canada anglais, a trait à la souveraineté. On voit dans l'élimination virtuelle du Bloc son rejet par les Québécois. On applaudit. Affaire classée! Le premier ministre Jean Charest a spontanément mis en garde ceux-là hier. Il sait mieux que quiconque qu'il ne faut rien tenir pour acquis.
Certes, ce sont des souverainistes qui ont élu les 58 néodémocrates du Québec. Ils n'ont pas pour autant rejeté par ce geste la souveraineté. Ce sujet n'a été abordé qu'incidemment durant la campagne électorale. Tout simplement, la proposition néodémocrate leur est apparue comme une voie intéressante pour sortir de l'immobilisme qui caractérise la politique québécoise à tous les niveaux, y compris sur la question nationale, où ils ont accepté d'explorer à nouveau la voie du fédéralisme renouvelé. C'est là une autre manifestation de la traditionnelle ambivalence de Québécois disposés à donner une nouvelle chance au Canada, mais qui reviennent immanquablement à la voie de la souveraineté devant le refus du Canada de traduire en gestes concrets la reconnaissance du Québec comme nation. Le chef du Bloc, Gilles Duceppe, a lui-même interprété ainsi le résultat de l'élection lundi soir. Cela change certainement les paramètres de l'équation référendaire pour le Parti québécois.
S'engager en campagne à réunir les «conditions gagnantes» de la réintégration du Québec dans la Constitution est une chose. Le faire au lendemain des élections en est une autre. Les 58 néodémocrates du Québec ne pourront influer véritablement sur le cours du débat, car ils n'ont pas en main la clé pour changer quoi que ce soit. Celle-ci est dans les seules mains du gouvernement Harper, qui est désormais majoritaire. Ils réaliseront vite les limites de leur statut d'opposition officielle, qui ne leur permettra pas de faire plus que ce que faisait le Bloc. Le slogan «Parlons Québec» du Bloc résume bien le rôle auquel ils seront réduits. La situation aurait pu être différente si leur formation avait obtenu la balance du pouvoir, mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Certains ont pu penser que c'est ce que produirait un vote stratégique favorable au NPD. On voit aujourd'hui que cela pourrait conduire au même cul-de-sac que pouvait représenter aux yeux de certains la présence d'un parti souverainiste à Ottawa.
Plus immédiatement, le défi de ces 58 députés consistera à faire leur place au sein de leur formation. Plusieurs d'entre eux ont dû être surpris de voir leur chef, Jack Layton, accorder au Québec la portion congrue de son discours de victoire lundi soir alors qu'il doit cette victoire au Québec. Tout spontanément, il a évoqué les sujets qui lui importent comme la santé, les médecins en région, les régimes de retraite, qui relèvent des champs de compétence des provinces. À terme, les différences culturelles ne manqueront pas de faire surface. La cohabitation au sein du caucus néodémocrate pourra se révéler difficile entre députés du Québec et ceux du reste du Canada.
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