«La maîtrise des deux langues officielles est préférée (sic)». Cette formulation boiteuse, tirée d'une récente offre d'emploi fédérale, en dit long sur le peu de considération qu'on accorde parfois au français à Ottawa.
Notez qu'il ne s'agit pas de recruter un fonctionnaire au premier échelon, mais le futur Ombudsman des anciens combattants, un poste créé le mois dernier par Stephen Harper. Non content d'ouvrir la porte aux candidats unilingues, on le fait dans une syntaxe calquée sur l'anglais. Bravo pour l'exemple.
Le Conseil privé avait exprimé la même préférence pour le nouvel ombudsman des victimes d'actes criminels, ce qui ne l'a pas empêché de choisir un unilingue anglophone. Le commissaire aux langues officielles a d'ailleurs reçu trois plaintes à ce sujet.
Personne ne doute des compétences de Steve Sullivan, qui a dirigé le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes durant une dizaine d'années. Le problème, c'est qu'il est censé «communiquer avec les intervenants, les médias et le public dans diverses tribunes», pour reprendre les termes de l'appel de candidatures. S'il prononce tous ses discours en anglais et dépêche un subalterne chaque fois qu'une télé ou une radio sollicite une entrevue en français, sa notoriété, et donc son utilité, auprès des francophones s'en verra amoindrie. On aimerait aussi que ce protecteur se tienne au courant de ce qui se passe au Québec, et donc qu'il ne se limite pas à lire la section anglaise de sa revue de presse.
Le français a pourtant fait des progrès dans la capitale. Lucienne Robillard, alors présidente du Conseil du trésor, a imposé le bilinguisme à plusieurs centaines de hauts fonctionnaires au début des années 2000. Puis la commissaire aux langues officielles, Dyane Adam, a recommandé d'étendre cette obligation à tous les sous-ministres et sous-ministres délégués.
L'ombudsman n'est pas soumis aux mêmes exigences que les fonctionnaires, car il est nommé par le gouvernement et rend des comptes directement au Parlement. Mais comme le soulignait Dyane Adam, «les hauts dirigeants ont un impact certain sur la création d'un milieu de travail propice à l'utilisation des deux langues». Inutile d'espérer un impact positif si le patron est unilingue.
Plusieurs postes d'ombudsman et de commissaire fédéraux ont vu le jour au cours des dernières années. Ces fonctions ont une grande valeur symbolique, car leurs titulaires veillent à des enjeux sensibles comme l'éthique ou l'intégrité du secteur public. Tous les citoyens devraient pouvoir sentir que leurs intérêts sont pris en compte.
On nous assure que M. Sullivan se mettra à l'étude du français dès son entrée en fonction demain. C'est sympa, mais il est temps qu'Ottawa prenne ses responsabilités et impose le bilinguisme pour les prochaines nominations du genre. Ainsi, on enverra un message clair aux candidats qui aspirent aux plus hautes fonctions de l'État: il ne suffit pas de suivre des cours de gestion, il faut aussi s'arranger pour être à l'aise dans les deux langues officielles. C'est ce que les francophones ont compris depuis longtemps.
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