Texte publié dans Le Devoir du mardi 6 novembre 2007 sous le titre : "Des témoignages qui m'ont ouvert les yeux".
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Je suis un Québécois dit de souche (hooonnn!!!). Donc, selon certains observateurs bien avisés : un être particulièrement émotif, frileux, xénophobe et j’en passe.
Il y a quelques semaines (lors du forum des citoyens qui s’est déroulé à Longueuil), j’ai livré un témoignage empli de colère contenue. Le petit texte que j’ai rapidement lu faisait part de mon intolérance grandissante par rapport aux manifestations d’accommodements dits déraisonnables rapportés dans les différents médias.
J’aurais pu parler de la joie que m’apportent des amis marocains et iraniens qui m’ont fait l’honneur de m’offrir leur amitié et de m’accueillir dans leur maison. J’aurais pu entretenir l’assistance du plaisir que j’ai, à fréquenter quasi du bout des pieds cette famille originaire du Bengla Desh, mes nouveaux voisins qui pratiquent leur religion à la maison et à la Mosquée et qui durant le ramadan, suivant en cela une pratique de leur religion, sont venus à quelques reprises m’apporter de la nourriture représentative de l’art culinaire de leur pays d’origine.
Hélas, ne voulant pas perdre ces deux précieuses minutes allouées pour livrer mon petit laïus et pour être bien certain de faire sortir le méchant en crevant l’abcès, j’ai choisi la voie de la confrontation. Bien inutile me semble-t-il maintenant!
Non, non, je ne renie ni ne regrette mon comportement. C’était, me semble-t-il, un passage obligé pour pouvoir « apprendre à écouter l’autre » et, surtout, à prendre conscience de sa réalité.
Depuis le début du parcours public de la Commission Bouchard-Taylor, j’ai suivi « religieusement » les forums télévisés, tous les témoignages et le dépôt de la plupart des mémoires. Bref, des heures et des heures de plaisir… Enfin, presque. Jusqu’à ce que….
Paf!
Jusqu’à ce que je sois bouleversé par une majorité de témoignages rendus par d’anciens et de nouveaux arrivants (musulmans pour la plupart) qui nous ont fait part de leur réalité, de leurs difficultés et de leurs espoirs.
Je me suis rendu compte à quel point je suis tombé dans le piège médiatique qui insistait lourdement sur les demandes prétendument exagérées de minorités intégristes. Je dénonçais (et continuerai à le faire) les intouchables juges de la Cour suprême qui ont rendu des décisions déconnectées de la réalité du bon peuple. J’abhorrais le turban de la GRC, je ridiculisais la burqa du DGEC, je dénonçais la nourriture cachère, les aménagements horaires, les locaux de prière, la non-mixité dans les piscines, les vitres givrées ainsi que la Fête de Noël remplacée par la Fête des joies hivernales ou quelque chose comme ça.
Tout le bataclan quoi !
Bref, j’étais en maudit et je le faisais savoir haut et fort. Je ne faisais plus de distinction entre l’importance relative de ces événements et j’associais le déraisonnable à une minorité qui pourtant vit au sein de notre société d’une manière plus que raisonnable.
Bien sûr, je ne nie pas que l’intégrisme manifesté par quelque parti que ce soit est inacceptable; tant chez les catholiques, les juifs, les musulmans, les adventistes, les sikhs, que les autres.
Et puis, Messieurs Bouchard et Taylor me font parfois penser à de vieux professeurs qui s’empressent de taper sur les doigts de l’élève qui ne comprend pas l’impact des énormités qui sortent de sa bouche. Ça, ça m’énerve! Pas les énormités, car je fais confiance au jugement du bon peuple. Par contre, j’ai de la difficulté à accepter que ces messieurs se permettent de rabrouer publiquement un simple citoyen qui vient en toute bonne foi faire part de ses préoccupations et qui est convaincu qu’il y a péril en sa demeure.
À cet égard, je note avec plaisir que Monsieur Bouchard a promis de s’amender sur ce sujet. Mais, bon. Je n’insiste pas davantage sur ce point et je reviens plutôt sur mon « cheminement » par rapport à l’intégration des nouveaux arrivants.
Attention là!
Sur le fond, je n’ai pas changé d’idée. Je ne suis pas un vire-capot. Mais, comme dirait Jacques Brel : Il y a la manière…
Bien sûr, je demeure un indépendantiste convaincu et je vais continuer à me battre pour assurer la pérennité de la langue française au Québec. Je revendique encore la séparation de l’État et du religieux, particulièrement dans la sphère publique. Et puis, je continuerai à dénoncer le multiculturalisme qui favorise la ghettoïsation plutôt que l’intégration. Bref, sur tous ces plans je n’ai pas changé d’idée.
Mais, ces témoignages m’ont permis de comprendre autre chose…
En effet, j’ai réalisé que, si nous voulons favoriser une société aux couleurs multiples tout en étant cohésive, nous devons faire en sorte que tous les nouveaux arrivants puissent être aidés, d’abord à maîtriser la langue française (si ce n’est déjà fait), et aussi pour leur assurer rapidement DU TRAVAIL ! DU TRAVAIL ! DU TRAVAIL!
Notre société doit leur proposer un emploi à la mesure de leur compétence, car nous touchons là à la pierre angulaire de l’intégration. Ce faisant, nous réaffirmons que chacun a le droit de gagner sa vie dans la dignité. Tout comme « nous », ces personnes qui ont quitté leur pays d’origine (ce qui constitue une importante cassure personnelle dont les répercussions sont probablement inimaginables pour le « de souche » que je suis), ces personnes dis-je, veulent trouver ou retrouver leur dignité, un DROIT reconnu comme étant fondamental dans notre société.
La reconnaissance de la valeur de l’immigrant dans le cadre d’une réalisation professionnelle adéquate et la possibilité pour celui-ci de devenir autonome sur les plans socio-économiques constituent un devoir de réalisation à atteindre le plus rapidement possible. Et cela, c’est un projet commun à inscrire dans un contrat social où chaque partie prenante apporte sa contribution.
En clair, quels que soient la profession ou le métier dans lequel l’immigrant souhaite se réaliser, l’État (nous, le peuple) a le devoir d’offrir tous les moyens raisonnables pour bien l’intégrer à la nouvelle société dans laquelle il a choisi de se réaliser pleinement.
Merci à ces anciens et nouveaux arrivants qui en prenant la parole d’une manière posée et intelligente ont contribué à dessiller mes yeux! Je vous offre mon amitié et je m’engage dans la mesure de mes modestes moyens à améliorer votre sort.
Il se peut que nous ayons encore à nous chicaner pour des broutilles, pour la forme ou pour des choses plus sérieuses. Néanmoins, si cela devait arriver, par-delà nos différences, nous devrions nous rappeler mutuellement à nos convergences.
Bienvenue au Québec, le pays de mes amours!
Serge Longval,
Longueuil
Message aux immigrants
N'ayez pas peur!
Bienvenue au Québec, le pays de mes amours!
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