Outremont tend la main à la communauté hassidique

E1b01bfdb3acfa574762ab361ba1d262

Tout le gratin politique se mobilise pour défendre les fondamentalistes hassidiques

Dans l’espoir d’apaiser les tensions entre la communauté juive hassidique d’Outremont et les autres résidants de l’arrondissement montréalais — qui se sont une fois de plus ravivées cette semaine —, le maire Philipe Tomlinson projette de mettre sur pied un comité sur le bon voisinage.


« Il faut dialoguer pour arriver à des solutions concrètes. Ça fait trop longtemps que ça dure », a-t-il déclaré lors de la séance du conseil d’arrondissement de lundi dernier. Le maire réagissait notamment au conflit causé par le port d’un carré jaune par une poignée de citoyens à l’hôtel de ville.


Ce symbole est non sans rappeler les étoiles de David de la même couleur que devaient porter les juifs alors qu’ils étaient persécutés sous le régime nazi.


Ceux qui portent le carré jaune à Outremont affirment que sa couleur ne fait que référence à celle des autobus scolaires des écoles juives, et qu’elle n’a rien à voir avec le sombre passé des juifs. Ils dénoncent le fait que ces véhicules aggravent les problèmes de circulation routière dans l’arrondissement. « On ne peut pas mettre [de carré] rose, noir ou beige ; les autobus sont jaunes », a martelé au micro du conseil une citoyenne, Ginette Chartré.


« Un moment donné, il faut dépasser son histoire si on veut avancer », a-t-elle ajouté, accusant la communauté juive de se servir de son passé pour « museler les autres ».


Cette déclaration a soulevé l’ire des juifs hassidiques d’Outremont, qui se disent victimes de harcèlement. « Le choix de ce symbole est délibéré », croit dur comme fer le porte-parole de la Coalition d’organisations hassidiques d’Outremont, Alex Werzberger.


Le député fédéral d’Outremont, Thomas Mulcair, a lui aussi dénoncé le port du carré jaune. « L’utilisation même d’un symbole dont les gens savent pertinemment qu’il est un renvoi aux étoiles de David jaunes dénote soit un manque d’égard pour ses voisins, soit une ignorance crasse de cette réalité historique. Et dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas acceptable », a-t-il dit vendredi en marge d’un événement à son bureau de circonscription.


Si l’enjeu des autobus scolaires est d’intérêt public pour la population locale, M. Mulcair ne peut « s’empêcher de voir [dans le port du carré jaune] une attitude qui témoigne d’un mépris pour autrui ».


M. Werzberger l’interprète comme de l’antisémitisme. « Ils font ça pour deux raisons. De un, ils veulent rendre notre vie difficile, car ils n’aiment pas les juifs. De deux, ils ont le rêve — un cauchemar pour nous — de nous faire quitter le quartier. Mais nous aimons vivre ici. »


Main tendue


La controverse qui a éclaté cette semaine n’est qu’une nouvelle manifestation des tensions récurrentes entre les juifs hassidiques et le reste de la population de l’arrondissement. Il y a deux ans, un règlement interdisant les nouveaux lieux de culte sur les avenues Bernard et Laurier avait notamment suscité la grogne de la communauté juive, qui compte environ pour le quart de la population d’Outremont.


C’est pourquoi le nouveau maire, élu sous la bannière de Projet Montréal en novembre dernier, souhaite améliorer les relations en créant un comité de bon voisinage. Selon Philipe Tomlinson, il est impératif de « mieux se comprendre et mieux se connaître, d’un bord comme de l’autre ».


Une table de concertation sera ainsi formée au sein de ce comité. Celle-ci sera composée à moitié de membres de la communauté hassidique et aura pour mandat de discuter des divers enjeux qui concernent le vivre-ensemble dans l’arrondissement, a résumé le directeur du cabinet du maire, Joël Simard-Ménard, vendredi.


Le comité devrait être mis sur pied d’ici la prochaine réunion du conseil d’arrondissement, le 2 avril prochain. Sa création ne découle pas du scandale des carrés jaunes, a-t-il précisé, puisqu’il s’agissait d’une promesse électorale du maire.


Cette initiative est saluée par le professeur d’histoire de l’Université d’Ottawa et spécialiste de la communauté juive Pierre Anctil. « C’est un très bon premier pas », a-t-il déclaré au Devoir.


Selon M. Anctil, il n’y a pas trente-six solutions : la seule façon d’atténuer les tensions est de trouver des espaces de médiation comme celui proposé par l’arrondissement. « Il faut sortir de cet état conflictuel. Quand on fait appel à des symboles qui ont une signification lourde, ça n’aide pas à avancer. »


Le professeur soutient par ailleurs que la nouvelle administration d’Outremont est « beaucoup plus sensible » à la réalité des juifs hassidiques. « L’administration précédente refusait de communiquer, de négocier, de prendre en considération les besoins de ses concitoyens. »


> La suite sur Le Devoir.



-->