Gens de Michel, tremblez !

Ousse qu'est passé l'écrivain nationaliste ?

Le destin québécois


Michel Tremblay a déjà avoué – s'en est-il excusé ? - ne plus croire en la souveraineté du Québec. Voyons donc. Son œuvre entière lui est vouée. Tous ses personnages sans exception portent le pays sur leurs frêles épaules. Le hic, c'est que comme bien des écrivains, Tremblay n'aura pas compris la mission qui lui est dévolue : prendre la parole pour le peuple québécois, écrire ses motivations, stimuler les jeunes cerveaux en formation, se ranger parmi les leaders idéologiques, participer à l'avenir de ses contemporains, se grouiller les fesses. Tremblay n'a pas été le motivateur qu'il aurait pu être. Nous l'aurions tous écoutés. Il a plutôt choisi de planter son Québec au beau milieu de son œuvre qui elle, est devenue incontournable. C'est sa manière à lui.


Pourquoi a-t-on autant de dévotion pour les écrivains d'origine haïtienne, libanaise ou brésilienne qui parlent abondamment de la chose politique de leur pays d'origine et que les écrivains québécois nés ici n'ont pas ce même courage ? Pourquoi chez nous, les écrivains indépendantistes qui s'expriment sont toujours qualifiés de grandes gueules alors que les Richler, Cohen, Saul et autres écrivains fédéralistes ont toujours été si attentivement lus et écoutés ? Dans Le Soleil de Québec, une journaliste a écrit que si le roman La Couturière (de moi-même) comptait encore trop de coquilles (et elle avait tort après vérification) c'est que la révision avait été exécutée par Victor-Lévy Beaulieu et qu'il avait été distrait de ses fonctions de réviseur linguistique étant TROP OCCUPÉ PAR SON DÉSIR D'INDÉPENDANCE DU QUÉBEC. Vous voyez ?
Il n'y a pas si longtemps, Daniel Pinard a tenu ce bref propos presque passé inaperçu alors qu'on se demandait comment faire connaître les écrivains québécois en France. Il a dit : il faudrait d'abord faire connaître les écrivains québécois... au Québec ! Une grande vérité.
Tant que Michel Tremblay a été indépendantiste, jamais n'a-t-il eu une première page dans La Presse. Nous avons les indépendantistes que nous méritons, sans doute. Quand il a cessé de s'alarmer, La Presse s'est bien occupée de lui.
Un des plus beaux livres à avoir été écrits par des écrivains (si mes souvenirs sont exacts, Michel Tremblay avait refusé d'y participer) s'intitule Trente lettres pour un oui, publié en 1995 par Alain Stanké. Vite relégué aux oubliettes, témoin d'un référendum raté, je désire le remettre sur le dessus de la pile. On peut y lire les propos vibrants de 30 écrivains : Francine Allard (tiens donc !), François Barcelo, Victor-Lévy Beaulieu, Claude Beausoleil, Denise Boucher, Louis Caron, Paul Chamberland, Louise Desjardins, Raôul Duguay, Pierre Falardeau, Michel Garneau, Jean-Claude Germain, Louis Hamelin, Hélène Pedneault, Gilles Vigneault et Yolande Villemaire pour ne citer que ces braves. Ce livre est passé dans le beurre, mais, ressuscité, il témoignerait de la prise de position de l'écrivain québécois. quinze ans plus tard, ces lettres indépendantistes sont encore très à la mode.
Mon cher Michel Tremblay, ne t'en fais pas trop : à toi tout seul, tu as démontré que notre pays est encore en gestation et que l'accouchement est une question de quelques poussées vigoureuses. Ne fais pas ta dépression post partum trop vite ! Tu as soulevé la poussière et nous y verrons dorénavant un peu plus clair même si tu as choisi de demeurer dans l'ombre.
Dans un roman publié en 2000, un de mes personnages disait : Père est séparatiste, mais lui, il voudrait séparer le Canada du Québec. Par les temps qui courent, il n'a pas à s'énerver, les séparatistes se sont calmés. Et par le fait même, les fédéralistes aussi. C'est normal. Quand Timine tient une souris entre ses pattes, elle s'active les griffes, les dents et tout. Quand la souris ne bouge plus, Timine s'endort parce que ça n'intéresse plus sa cruauté de chatte. Même chose pour la ferveur des fédéralistes : lorsque la flamme de l'adversaire est éteinte, il fait noir pour tout le monde ! (Les mains si blanches de Pye Chang, Triptyque).
À nous de ne pas laisser la souris s'épuiser. À nous de tenir la flamme allumée.
Auteur : Francine Allard

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Anne-Marie Voisard, collaboration spéciale - Le Soleil - Les sagas qui s'étirent sur deux, trois générations, plaisent au public. Francine Allard mise sur cet engouement et fait paraître aux Éditions Trois-Pistoles La couturière. Les aiguilles du temps, premier tome d'une trilogie dont l'action s'ouvre sur un accouchement qui tourne au drame. Ça se passe en 1910 à Lachine, ce qui n'en fait pas pour autant un roman historique, indique l'auteure, puisque les personnages sont fictifs. Enfin, presque.
La toutoune québécoise
Francine Allard s'est arrêtée à Québec pour présenter son oeuvre et, du même coup, nous permettre de mieux la connaître. Défense et illustration de la toutoune québécoise, est-ce que ça vous dit quelque chose? Cet essai humoristique sur les grosses, sorti en 1991, est son premier livre. «Il a fait du bruit, mais pas l'auteure», qui ajoute : «On m'a trimballée comme si j'étais un objet de cirque.»
Deux ans passent, et elle publie Ma belle pitoune en or, un roman qui met en scène une mère de trois enfants, mariée à un médecin. Aussi bien dire elle-même. Son conjoint, Michel Cardin, est omnipraticien. Ils se sont connus en 1969 à Terre des hommes, où elle vendait des cartes postales et lui, de la crème glacée. Ils sont les parents de Mélanie, Matthieu et Élisabeth. Et les grands-parents de Béatrice, cinq ans, Rosalie, deux ans, Raphaël, deux mois.
Volubile, facilement portée aux confidences (qu'elle n'aimerait peut-être pas toutes voir écrites), Francine Allard a beaucoup à raconter. Sa carrière d'écrivain, pourtant riche d'une trentaine de titres, n'est qu'une facette de sa personnalité. Son site Internet (www.francineallard.com), créé par son fils, nous apprend qu'elle a exercé sa voix de soprano colorature devant le chef Wilfrid Pelletier, alors qu'elle étudiait le chant au Conservatoire.
Le même site donne à voir une série d'aquarelles. Car elle peint aussi et expose ces temps-ci dans le Vieux-Montréal à la galerie d'art Bresson. Dans sa maison d'Oka, elle projette d'ouvrir aux visiteurs son atelier, un peu comme le faisait Victor-Lévy Beaulieu avec son caveau-théâtre de Trois-Pistoles. L'écrivain, qui est en même temps son éditeur, suscite toute son admiration. «Je le considère comme Victor Hugo.»
D'autres, tels Alain Stanké et Claude Jasmin, sont importants à ses yeux. Avec l'auteur de La petite patrie, elle a signé en 2005 Interdit d'ennuyer, un essai sous forme de correspondance, où s'exprime leur franc-parler.
Plusieurs de ses livres s'adressent aux adolescents. Avec eux, comme avec les adultes, elle part souvent, dit-elle, de situations qui la touchent de près. Ce fut le cas pour Ambroise bric-à-brac, un roman inspiré de son père, dont la quincaillerie à Verdun n'a pas résisté à l'arrivée du géant Pascal.
La couturière
Voici maintenant La couturière, roman qui traverse la guerre 1914-18 et la crise économique des années 30. L'intrigue tourne autour de deux femmes, Émilia et Donatienne. La première devient couturière. La deuxième, après avoir été sage-femme, sera herboriste et plus encore. Les rebondissements abondent. Ça tourne au polar.
Francine Allard est habile à soutenir l'intérêt. Des amours hors norme pimentent le récit. Donatienne entretiendra, par exemple, une liaison avec un frère trappiste. L'auteure affirme que l'histoire est authentique. Elle peut même, si on veut, donner des noms. «Vous les connaissez.» Pareillement pour Jeanne, avec qui Émilia se liera d'amitié. Elle est la maîtresse d'un certain Jean-Lou, médecin de son état, qui lui a donné trois filles. Le docteur a une autre famille ailleurs, officielle celle-là. Il paraît que dans les faits, Jeanne n'a pas eu trois, mais cinq filles. Ça s'est passé à Saint-Jérôme.
Toujours est-il qu'on ne s'ennuie pas. Le style est imagé. Savez-vous ce que signifie avoir un jambon dans le tiroir? Être enceinte. L'humour est au rendez-vous. Dommage que la correction soit bâclée. Les coquilles, pour ne pas dire les fautes, sont nombreuses. Victor-Lévy Beaulieu, qui a agi comme réviseur, est sans doute trop occupé avec sa propre écriture et son combat indépendantiste.
Mais le plaisir demeure. Francine Allard est bonne conteuse.


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5 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    17 août 2010

    @ F. Allard:
    Excusez-moi, dans mon dernier commentaire, j'ai mal écrit le nom de l'ancien chef du PQ. En effet, il écrit son nom Boisclair, et non Boisclerc.
    J-F

  • Francine Allard Répondre

    17 août 2010

    Michèle Lalonde habite un endroit triste du nord de Montréal où elle ne reçoit personne et où elle s'ennuie. Je tente en ce moment de faire publier ses textes chez quelques éditeurs. C'est son avocat qui discute avec eux. J'aimerais qu'elle reçoive l'attention médiatique qu'elle mérite. Je lui ai parlé il y a quelques semaines. Quelle femme admirable!

  • Lucille Labrie Répondre

    16 août 2010

    Je possède le livre "Trente lettres pour un OUI"
    édition Stanké 1995 En effet ce livre devrait être en possession d'un plus large public
    Et moi je me demande "ousse" qu'est passé l'auteur et narratrice du fameux Speak White de Michèle Lalonde
    Peut-être que vous madame Allard ou Vigile
    savez ce qu'elle est devenue!

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    16 août 2010

    @ Mme Francine Allard:
    «Michel Tremblay a déjà avoué – s’en est-il excusé ? - ne plus croire en la souveraineté du Québec. Voyons donc. Son œuvre entière lui est vouée.»
    Je m'en souviens, oui. Cela remonte à il y a déjà plusieurs années.
    Mais si ma mémoire est bonne, ce que Michel Tremblay a affirmé, grosso modo, n'était pas qu'il ne croyait plus du tout au projet indépendantiste, ni au bien-fondé du projet d'un pays pour la nation québécoise...
    Il disait que le projet ne l'enthousiasmait plus, parce qu'avec ce que j'appellerais, la montée des péquistes nouvelle vague, tels qu'André Boisclair, la souveraineté nous était présentée comme une façon de mettre fin à l'injustice du déséquilibre fiscal. Entre autres choses comptables, monétaires, du même genre... On ne parlait plus de pays pour notre peuple, pour que survive sa culture, ses racines, son esprit, sa vision du monde...
    Non, la souveraineté devenait surtout une façon de sauver de l'impôt, et de mieux gérer notre environnement, et nos différentes ressources. Et il ne fallait surtout plus jamais, jamais, courir le risquede déplaire aux représentants des minorités, ni même aux fédéralistes!
    La sortie de Michel Tremblay, fut faite à l'époque où depuis peu, on en était (au PQ) en train de passer du nationalisme culturel et ethnique, à la Parizeau, au nationalisme territorial et juridique, à la Boisclerc (et jusqu'à un certain point, à la Marois, aussi).
    C'est sûr que l'objectif final demeure le même, mais on parle d'un projet indépendantiste, plus ou moins étouffé et stérilisé, par la rectitude politique... Je puis concevoir qu'un artiste comme Tremblay, ait senti son enthousiasme vaciller...

  • Archives de Vigile Répondre

    15 août 2010

    En effet, je pensais justement à ça cette semaine.
    Où sont-ils ? Que font-ils ? Que deviennent-ils ?
    À moins qu'ils soient tous bannis pas les médias...
    Faudrait demander à la ministre Saint-Pierre. Elle doit certainement avoir une idée à ce sujet.