OGILVY: depuis 1866, on nous nargue!

Un sac en cuir à 2 840 dollars!

Tribune libre


Je lis, j’écoute, je feuillette et je m’insurge. Pourtant, je suis dans la catégorie des bons salariés et des couples à l’aise et je n’hésite pas à aller souper chez Toqué ou au Petit bistro à Champlain à Sainte-Marguerite du lac Masson. Ou à acheter de l’agneau pour recevoir les amis. Ou à payer 350$ pour un manteau. Je suis aussi l’auteure de romans d’époque étant très au courant de la place qu’a tenue Ogilvy’s dans le paysage montréalais.
Ce week-end, j’ai reçu, encarté dans Le Devoir, le catalogue d’Ogilvy. Un sac Louis Vuitton : 2 840$. Un petit sac Lancel à 1 695$ et des bottes équestres à talons plats à 590$.
Je l’ai feuilleté et j’ai crié à l’injustice sociale. J’ai crié à l’extravagance et je me suis mise à la place de tous ces gens que de tels objets à prix exorbitants pouvaient blesser. Les gens qui arpentent les Villages des valeurs de la mégapole pour se trouver une petite blouse usée à trois dollars en se vantant qu’ils sont particulièrement doués pour débusquer les super aubaines ! Les étudiants qui arrivent à s’habiller en tante Germaine pour 15$ en se faisant croire qu’ils lancent une nouvelle mode au lieu de brailler devant leur compte de banque vide.
Ce catalogue est un scandale, selon moi. Un scandale qui n’a pas été encarté dans le Journal de Montréal, mais dans Le Devoir, journal de la ploutocratie montréalaise, des intellectuels notoires et (par conséquent ?) des gens riches. J’aime Le Devoir. Mais ce catalogue d’Ogilvy’s ne correspond aucunement à la mission du Devoir qui soutient depuis toujours le travailleur canadien-français. Je ne peux pas imaginer une direction éditoriale qui est très au courant de la décroissance du Québécois moyen, accepter qu’un magasin écossais offre des sacs à main à 2 840$ entre ses pages.
Les sociologues refusent d’établir une équation entre richesse et instruction alors que tous les jours, nous sommes tous en mesure de la constater. Qui lit Le Devoir, chez vous ? Qui achète chez Ogilvy’s ? Ceux-là qui sont pauvres ou ceux-là qui sont riches et instruits ? Je ne sais pas trop répondre à ces interrogations qui me turlupinent depuis toujours.
Je ne dis pas que le fait d’encarter un catalogue pour millionnaires est une mauvaise action du responsable de la publicité du Devoir. Je ne fais que constater. Et de renforcer dans ma tête de cochon que l’intellectualisme et l’argent ont quelque chose en commun. Mais pas un sac de Vuitton à 2 840$ !


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12 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 novembre 2011

    Effectivement, c'est un scandale. Je me demande souvent à quoi cela sert de se pavaner avec autant d'articles chics en vinyle... Qui plus est, je me demande pourquoi cela sert à rendre quelqu'un plus important... Et croyez-moi, j'en sais quelque chose puisque j'ai grandi dans ce luxe!

  • Florent Marquis Répondre

    7 septembre 2011

    Cette petite polémique à propos d'un encart publicitaire me rappelle une autre controverse, à propos des autobus du service de transport en commun de la ville de Rimouski.
    Rimouski est une ville d'environ 50,000 habitants dans le bas du fleuve, et comme beaucoup d'autres villes dont la croissance s'est faite surtout pendant les années 1960 et 1970, elle a été aménagée en fonction des déplacements en automobile et doit composer avec un problème d'étalement urbain. Implanter un service de transport en commun y est donc coûteux. Après une dizaine d'années de service taxi-bus où les usagers devaient réserver leur place à l'avance, on a enfin implanté un service d'autobus d'une vingtaine de places où les usagers n'ont pas à réserver à l'avance. Pour amortir les coûts, on a recouvert les autobus de publicités. Ce sont de vrais panneaux publicitaires ambulants. Un certain nombre de citoyens ont protesté contre cette transformation d'un service public en incitatif à la consommation. Je comprends leur indignation et ressens moi-même un agacement certain face à la publicité envahissante. Mais en même temps les autobus du service de transport public ne roulent pas avec de bonnes intentions, mais avec du carburant. Les autobus ont besoin d'entretien, de pièces de rechange. Les chauffeurs et les mécaniciens ne vivent pas de l'air du temps mais d'un salaire. Et si on veut que le public utilise ce service, il doit être abordable.
    Quel lien avec l'encart publicitaire d'Ogilvy's dans Le Devoir? Ceci: Le Devoir, tout comme le service de transport public de Rimouski, a besoin d'argent pour fonctionner. D'où les autobus transformés en panneaux publicitaires roulants à Rimouski et les publicités de sacs vuitton à $2480 dans Le Devoir. Je n'encense ni l'un ni l'autre, mais j'en reconnais la nécessité. À nous de ne pas nous laisser bêtement impressionner par l'étalage de richesses indécent et à ne pas céder au chant des sirènes de la consommation.
    Florent Marquis
    Québec

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2011


    Chère Madame Allard,
    Vous avez payé $400 pour un soûper qui ne valait pas
    le coup, C'est comme le vin â $200 la bouteille et
    la Rolls Royce qui ne fonctionnet pas. Le sac de cuir
    â 2840 dollars en vaut beaucoup moins mais
    l'acheter chez Ogily ou chez Holt Renfrew â Montréal
    revient au même "prestige".
    Les "riches" se font avoir comme les
    autres. Voyez par exemple ce naif à Dominique Strauss-
    Kahn qui s'est fait avoir par une fille du désert. Il
    n'avait qu'â lui laisser un "petit" $20,000 sur la
    commode de la chambre et on en aurait rien su. C'est
    payer cher pour une vulgaire kétouche mais quand on
    est riche...

    Pour ma part, je me moque de ces richesses
    ostentatoires. Étant du quartier Saint Henri à Montréal,
    dans le bas du bas de la ville, nos magasins et le
    marché Atwater regorgent d'aliments et de vins de
    la meilleure qualité et les friperies de la rue Notre
    Dame sont pleines de vêtements féminins que la "haute"
    n'a pas achetés en haut de la côte. ET ce qui est encore
    mieux: nous n'avons rien â prouver à personne. Même
    nos écoles conduisent vers les facultés et les diplômes
    qui n'impressionnent personne ici.
    Salutations cordiales.
    René Marcel Sauvé, géographe
    Saint Henri des Tanneries

  • Francine Allard Répondre

    7 septembre 2011

    Moi, je n'écris pas sous un pseudonyme, cher Choderlos. Je ne tiens plus jamais compte des commentaires agressifs de gens qui ont peur de nuire à leur réputation en se forgeant une autre personnalité. Merde!

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2011

    Dans quelle planete vivez-vous donc ?
    Il est possible de louer les plus beaux yachts du monde, il y a meme des sites web qui en font la liste pour la bagatelle de 500.000 $ us la semaine (sans le carburant, la nourriture, etc.). Et il y a de nombreux clients....alors un sac Vuitton...
    1 % de la population possède 50 % de la richesse et 80 % possede 20 %...chiffres comparables au Canada, USA, Europe...et 0.01 % de la population possede 35 % de la richesse, he oui meme chez les riches il y a des pauvres....
    C'est vrai que le ton général des commentaires sent bon la frustation et la rancoeur et les commentaires sur la friperie....mettez-vous sur le dos juste une fois un costume Armani ou Boss vous verrez la différence...tant qu'a la bouteille de vin a 200 $ c'est beaucoup plus cher que ceci dans les trois étoiles (derniere expérience Le Pont de Brent en Suisse).
    Tout ceci ne donne aucune excuse à l'enrichissement inconscient, scandaleux et honteux d'une extreme minorité de la population.
    Répartir cette richesse, empecher les ultra-riches de nous nuire collectivement est une question politique, pas nous gonfler avec des mini scandales avec un sac Vuitton....

  • Francine Allard Répondre

    7 septembre 2011

    Monsieur de Blois, voilà tellement un jugement facile de votre part! Je serais jalouse, moi! Vous n'avez hélas pas saisi le sens de mon intervention qui était davantage sociologique que commercial. Oui, on peut bien me juger d'avoir payé plus de 400$ pour un souper chez Toqué! Je le regrette aussi car ça ne valait pas le coup. Mais je n'ai certes pas écrit cette chronique par jalousie car un sac Vuitton, je pourrais m'en payer un avec la totalité de mes droits d'auteure annuels.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 septembre 2011

    Vous touchez ici à la liberté des gens et la liberté de commerce, pas aux inégalités économiques. Vous regardez un symptôme, pas une cause. Si Ogilvy vend un tel produit a ce prix, c'est que quelqu'un est prêt à renoncer à une telle somme pour acquérir ce bien. L'un comme l'autre ont bien le droit de le faire, ca ne regarde ni vous ni moi.
    Ce que vous dites au fond, c'est que comme vous, vous n'êtes pas prête a sacrifier une telle somme pour un simple sac vuitton, alors personne ne devrait y avoir droit!
    Votre argument ne démontre que la jalousie que vous éprouvez à l'effet que des gens puisse s'achetez un sac vuitton. Si vous trouvez ridicule de payer un sac à ce prix, et bien ne l'achetez pas, mais vous n'avez pas à juger les gens qui le font. Et non, vous ne connaissez en rien la situation financière réelle de ces gens. J'aimerais souligner que bien des gens pourraient vous juger sur le fait que vous vous payez des repas chez Toqué d'ailleurs.

  • L'engagé Répondre

    6 septembre 2011

    Ce texte est franchement rafraîchissant, et nécessaire.
    L'écart de richesse à ce point, c'est obscène. Vous faites bien de vous insurger. Lorsque Le Devoir va m'appeler pour renouveler mon abonnement, je vais en parler, c'est clair.
    Quant au texte de Monsieur Gérald McNichols Tétreault, votre description de la scène était absolument croustillante littéraire, on y était.
    Merci à vous deux.

  • Nicole Hébert Répondre

    6 septembre 2011

    Mme Allard,
    J'aime à croire que votre texte a aussi été présenté au Devoir? Sinon, il me semble qu'il devrait l'être, non?
    Cordialement,
    Nicole Hébert

  • Archives de Vigile Répondre

    6 septembre 2011


    Je me méfie de ces objets de luxe et je vous en donne
    deux exemples.
    J'étais à Londres avec un ami millionnaire qui voulut
    m'impressionner et m'invita à un grand dîner. Il
    commanda une bouteille de vin à $200 ou l'équivalent: elle n'était pas buvable. Le garçon de table en apporta une autre qui n'était pas buvable non plus,puis une troisième.
    Finalement je lui dis:"Le maximum que je paie pour une bouteille de vin est $30 et elles sont toutes excellentes,
    Sortis dehors, il voulut me proposer une promenade dans une Rolls Royce. L'auto ne démarrait pas. Ma Chevrolet beau, bon pas cher ne me donnait jamais de tels problèmes.
    Comparez le confort des habitations modernes à prix abordable avec celui des habitations de grand luxe hors
    de prix. Celle que j'habite à Saint Henri me donne plus
    de satisfaction que beaucoup de grosses maisons de
    Westmount en haut de la côte.
    Les classes moyennes sont souvent mieux servies que les
    riches.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    6 septembre 2011

    Ne vous rappelez-vous pas qu'Ogilvy's devait fermer ses portes? Et que la vénérable institution a été rescapée par les épouses légitimes des oligarques socio-politiques du royaume néo-libéral du Québec? Ne fallait-il pas à ces gentes dames leur «cent dollorama», comme l'a déjà si bien exprimé un humoriste.
    Et ce n'est pas parce qu'elles sont Montréalaises. Dans au moins un autre haut lieu du magasinage de la Capitale de Labeaume, il y a aussi des jeans à 1200$ qu'achètent allègrement des Québécoises! Que voulez-vous? Leurs maris gagnent plusieurs centaines de fois le salaire de leur employés et, surtout, l'écart s'élargit d'année en année. Faut bien que ces riches remboursent eux aussi le système.

  • Gérald McNichols Tétreault Répondre

    6 septembre 2011

    Dites vous, pour vous consoler que certaine personne que je ne nommerai pas pourrait avoir raté son rêve politique pour avoir préféré ce luxe qui vous indigne à l'originalité.
    Il y a des trésors partout et surtout chez les fripiers. Il suffit d'avoir l'oeil et un peu de créativité. Pour cela il faut prendre le temps et je propose que le temps que l'on ne prend pas pour ces choses-là ressemble au temps que l'on ne prend pas pour s'intéresser aux autres. Le bon goût n'a rien à voir avec les moyens financiers. Une faute de goût peut briser une carrière. Parfois quelqu'un qui pourrait sauver le sens de votre vie peut se trouver à côté de vous, si vous l'ignorez vous êtes perdu.
    Le "street fashion" dans lequel les designers puisent la mode de demain s'élabore à très peu de frais mais de la constance, de la sensibilité et du talent. Une fois commercialisé il s'accompagne d'une plus valu qui ne revient que rarement aux vrais créateurs. Ce n'est pas ce qui les intéresse.
    Je participais le 18 juin dernier à la manifestation contre le gaz de schiste qui après avoir traversé le centre-ville a emprunté un court segment de la rue sainte-Catherine ouest par un samedi après midi ensoleillé.
    La scène était surréaliste, on aurait dit du cinéma. De chaque côté de la rue sur les trottoirs, l'achalandage habituel de la rue, plutôt jeune et vêtu des marques omniprésentes sur la moindre pièce de vêtement : DC, Lacoste, LVMH, etc. comme on en retrouve dans tous les centre-ville du monde.
    Au centre, sur la chaussée avançait une suite interminable et bruyante de manifestant constituée de milliers de Québécois des régions et des autres quartiers de la ville dont certains faisant partie de la marche pour le moratoire d'une génération étaient venus à pied de Rimouski.
    Le contraste entre les des deux groupes était indescriptible. Parmi les manifestants dont certains racontaient se trouver à Montréal pour la première fois de leur vie, plusieurs jouaient des instruments de musique et portaient de magnifiques vêtements recyclés, des tuques tricotées comme celles de nos ancêtres, des chemises et gilets tissés, cousus ou rapiécés avec talent, sans marques, mais fabuleux. Leur dignité m'a rappelé celle des jeunes florentins ou des jeunes basques.
    Sur les trottoirs, les habitués du centre-ville, touristes, néo-québécois et étudiants de McGill pour la plupart, dont certains viennent du monde entier mais ne sont jamais sortis de Montréal étaient figés et bouche bée à la vue du spectacle qui s'offrait à eux, essayant de comprendre quel était ce peuple qui occupait leur rue à la place des voitures. Il y avait quelque chose de très émouvant dans cette confrontation culturelle et silencieuse. Le choc de deux mondes. Je dois avouer que cette scène m'a beaucoup ému.
    La manifestation se terminant rue McGill College, en fin d'après-midi, j'ai été peiné d'entendre des hauts parleurs la voix des organisateurs annonçant que les manifestants devaient tous monter immédiatement dans des autobus les ramenant à Québec, évitant ainsi le mélange entre deux monde qui aurait été tellement salutaire à ma ville.
    J'ai eu l'impression que les impératifs de la manifestation qui instrumentalise les participants en fonction d'une cause, n'ont pas permis à la ville de remplir la fonction d'échange culturelle qui est sa principale raison d'être.
    En ignorant Montréal, le Québec se prive autant que Montréal qui ignore les régions.
    Cette question est à mes yeux tout aussi importante que celle des gaz de schiste. Quelque chose comme l'histoire d'un rendez-vous manqué.
    Alors pour conclure mon commentaire en tissant un lien entre tout ce qui n'en a pas je vous dirai que les revenus tirés des actions dans les gaz de schistes inutiles et nuisibles pourront servir à acheter des vêtements de marque tout aussi inutiles et nuisibles puisqu'ils pourraient compromettre votre carrière politique.