Dans la série, « ils peuvent encore parfois nous surprendre », ce sont deux économistes de la Banque des règlements internationaux (BRI) qui attirent aujourd’hui notre attention. Celle-ci a en effet publié un papier de Stephen G. Cecchetti et Enisse Kharroubi, daté de juillet 2012 et resté malencontreusement méconnu jusqu’à ce jour, dont le titre est parfaitement explicite : « Réévaluer l’impact de la finance sur le croissance ».
Une précision s’impose avant d’entrer dans le vif du sujet : comme il est de coutume, un avertissement précède le document qui prévient le lecteur que celui-ci ne reflète pas nécessairement le point de vue de la BRI (sans toutefois l’exclure!). Enfin, pour ceux qui ignoreraient encore ce qu’est cette noble et mystérieuse institution qui gagne à être connue, la BRI est généralement présentée comme « la banque centrale des banques centrales » par les journalistes qui s’estiment ainsi quitte. On en retient que c’est quelque chose de très important et d’assez inexplicable et on en reste généralement là. Erreur, nous allons voir pourquoi!
Afin de rester fidèle aux propos de leurs auteurs, étant donné leur caractère passablement iconoclaste, mieux vaut citer le résumé qu’ils ont eux-mêmes rédigé, traduit par mes soins : « Cet article examine comment la financiarisation affecte la croissance globale de la productivité. Nous basant sur un échantillon d’économies développées et émergentes, nous montrons d’abord que le niveau de financiarisation n’est positif que jusqu’à un certain point, après quoi il devient un frein à la croissance. Deuxièmement, l’accent étant mis sur les économies avancées, nous montrons qu’un secteur financier en forte croissance est préjudiciable à la croissance globale de la productivité. »
Si l’on saute directement à la conclusion de ce document de 21 pages, annexes sur les sources et références comprises, comme on n’hésite pas à le faire discrètement dans les milieux bien informés, on peut lire ceci : « En premier lieu, la taille du secteur financier a un effet en forme de ‹ U › inversé sur la croissance de la productivité.
Autrement dit, il arrive un moment où un nouveau grossissement du système financier peut réduire la croissance effective*. Deuxièmement, on observe que la croissance du secteur financier constitue un frein à la croissance de la productivité. Notre interprétation est que, parce que le secteur financier est en concurrence avec le reste de l’économie pour des ressources rares, les booms financiers n’améliorent pas en général la croissance.
Ces éléments de preuve, ainsi que l’expérience récente de la crise financière, nous permettent de conclure qu’il est urgent de réévaluer la relation entre la finance et la croissance réelle dans les systèmes économiques modernes. Davantage de finance n’est sans aucun doute pas toujours préférable. »
Au fil de leur analyse documentée, les deux chercheurs réalisent un véritable U-turn (virage à 180 degrés) de la pensée économique, remettant en cause le dogme selon lequel « la finance est bonne pour la croissance », fondement de la dérégulation financière des années 80 et suivantes.
Car si « à un niveau raisonnable la croissance du secteur financier apporte certes des gains de productivité, à partir d’un certain point, que les économies avancées ont dépassé depuis longtemps, plus de banque et de crédit sont associés à une croissance plus faible ». Pire, « plus le secteur financier grandit, plus la croissance ralentit ».
Le document qui apporte une « preuve scientifique » du caractère prédateur de la finance, et confirme donc ce qui est affirmé sans relâche sur le blogue de Paul Jorion depuis ses débuts, se trouve ici .
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Où vont-ils chercher tout cela ?
La preuve scientifique du caractère prédateur de la finance
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